Mines : Raffinerie, nouveau code minier, l’or …Pona balance

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Quelques heures après la pose de la 1ére pierre de la toute première raffinerie d’or en Afrique de l’ouest, Abdoulaye Pona, Président de la Chambre des Mines du Mali,  à la tête d’une délégation de la CMM, s’est rendu en Suisse pour convaincre les investisseurs et les miniers du monde entier à venir au Mali. Après sa  participation au Forum de Lugano en Suisse, Abdoulaye Pona se confie à ‘’l’Enquêteur’’. Sans détours, il répond à nos questions et donne sa vision pour l’essor de l’économie malienne en général et la modernisation du secteur minier en particulier, avec l’éjection d’un code minier attractif.  Dans cette interview exclusive Pona fustige le nouveau code minier.

 

Abdoulaye Pona (boubou blanc) photo archive
Abdoulaye Pona (boubou blanc) photo archive

Monsieur le Président, vous venez de participer au Forum international des matières premières et précieuses de Lugano. Faites-nous le point de votre participation à cette rencontre entre  miniers et investisseurs.

Merci de m’avoir donné cette opportunité. Notre participation au forum de Lugano en Suisse (je précise que Lugano est la partie italienne de la Suisse) est la suite logique de la pose de la première pierre de la raffinerie « Kankou Moussa » par le Président de la république, le 1er mars dernier. Après avoir posé la première pierre de cette entreprise de dimension internationale, il y avait lieu d’aller à la rencontre des grands investisseurs intervenant dans le domaine des matières premières. En particulier l’or et le diamant. Et sur demande de nos partenaires qui ont souhaité que nous participions à ce forum (le Mali était un exposant lors de ce forum), nous avons eu à parler de façon très professionnelle du potentiel important que regorge notre pays le Mali, non seulement en or mais dans les autres substances de valeur appréciable pour le monde minier. Comme le Mali est entrain de vivre une période assez  critique sur le plan de la stabilité des investissements, les gens éprouvent un peu de crainte.  On a rassuré les participants, en leur disant que le Mali va bien grâce à l’intervention de la France et l’assistance des pays africains;  mais nous leur avons surtout démontré que les activités minières intenses se trouvent à plus de deux mille kilomètres des zones de conflit et que, sur le plan de la sécurité, l’autre partie du Mali n’a pas de difficulté majeure à protéger  les investissements. Qu’à l’instar du Group Swiss, Bullion Company  (SBC), qui vient d’investir 30 milliards de F CFA dans une raffinerie au Mali, les investisseurs peuvent privilégier la destination Mali pour leurs business.

Etes-vous sûr d’avoir pu engranger des retombées positives pour l’économie de notre pays  à l’issu de ce forum ?

Franchement, à l’issu de ce forum, le Groupe SBC a été un interlocuteur valable pour le Mali  en Europe. Beaucoup de compagnies internationales s’intéressent à Swiss Bullion.

La preuve, Il y a des compagnies arabes qui ont donné l’assurance que tous leurs stocks d’or seront désormais  raffinés au Mali. Ce qui est extrêmement important pour notre pays. Si cela  se réalise, d’autres pays suivront sans aucun doute. Nous pouvons donc affirmer que ce forum  fut très fructueux, car les retombées positives étaient manifestes avant même notre départ. Ces retombées vont se matérialiser bientôt.

L’un des événements heureux au Mali, confronté à une montagne de difficultés en 2013, a été la pose de la 1ère pierre de la raffinerie « Kankou Moussa ». D’abord qu’est ce qu’une  raffinerie ? Et  pourquoi une raffinerie au Mali ?

Une raffinerie, par définition, est une unité industrielle, une usine, un système intégré, qui transforme la matière première en la débarrassant de toutes les impuretés. Pour le cas de l’or,  en lui restituant sa pureté naturelle sans impureté aucune, sans adjonction de matières dans sa constitution, il devient raffiné. Les équipements industriels qui permettent de réaliser ce procédé physico-chimique constituent une raffinerie d’or. Vous savez, l’or brut sort sous forme de roche ou de poudre avec beaucoup d’autres éléments que l’on ne voit pas à l’œil nu,  tels que le platine, le cuivre, le diamant et l’argent blanc.

Pourquoi une raffinerie au Mali ? Parce que le Mali est un pays producteur d’or qui occupe depuis plusieurs décennies la troisième place au niveau du continent africain. Bon an mal an,  on oscille entre 45 et 50 tonnes d’or par an. Alors, au lieu que cet or sort du Mali à l’état brut  pour être  transformé ailleurs, pourquoi pas une raffinerie ici. Ça va créer de la valeur ajoutée, donc un plus value pour l’économie malienne, avec la possibilité de vendre cet or à partir du Mali. En vendant cet or à partir d’ici, il va sortir en quantité et en qualité et les taxes perçues vont alimenter le trésor public. La raffinerie permet d’apporter d’autres éléments. Une fois que l’or est transformé, il y a d’autres éléments constitutifs tels que l’argent, le diamant, le platine. Le platine coûte autant que l’or en valeur. L’or malien a un pourcentage élevé en argent et en platine.

Ces éléments qui accompagnent l’or peuvent être utilisés dans d’autres branches d’activités commerciales. Par exemple, dans la bijouterie. Nos bijoutiers pourront se procurer de la poudre d’argent sur place, cela peut drainer un marché considérable. La raffinerie est importante pour le Mali sur deux plans; d’abord, sur le plan économique avec la création d’emplois et de la valeur ajoutée, ensuite et surtout sur le plan stratégique en ce qu’elle permet  au Mali de maîtriser et de contrôler réellement sa production d’or. Aujourd’hui, l’or est produit au Mali  aux plans  artisanal et industriel. Mais il est impossible de maîtriser la quantité d’or produit. C’est difficile de le dire. Par exemple, si on fait la statistique de la mine artisanale, on estime l’or produit de 3 à 4 tonnes par an. La vérité est que c’est plus que ça. Nous sommes sur le terrain, c’est plus que 10 tonnes par an. Tout cet or sort librement, en général sans aucune traçabilité, parce que cette exportation se fait souvent en de petites quantités. Donc avec cette raffinerie de standard international, aucune quantité ne peut sortir parce que tout simplement, que vous soyez une entreprise ou un particulier, tu vas raffiner ton or ici. Donc, la raffinerie permet à l’Etat de contrôler son or à plus de 90%, tel n’est pas le cas présentement. C’était une nécessité depuis plus d’une décennie pour aider notre pays d’aller de l’avant. Depuis les temps immémoriaux, le Mali est un pays producteur d’or et ça a  été confirmé par plus d’une dizaine de mines au Mali aujourd’hui avec un potentiel très intéressant. Nous avons juste eu l’opportunité de créer les conditions pour que l’Etat profite mieux de son or pour le bien du peuple malien.

Comment se dessinera la collaboration entre la raffinerie « Kankou  Moussa » et les grandes entreprises minières au Mali ?

C’est salutaire pour eux et c’est dans leur intérêt de collaborer avec la raffinerie. Ne serait-ce  que dans la minimisation des risques et l’abattement des coûts de transport de l’or brut par  avion. Les mêmes conditions de sécurité et la même qualité professionnelle seront mises à leur disposition, avec des prix d’une compétitivité inégalable. Ces compagnies minières iront  désormais sur le marché international avec un produit fini à la valeur parfaitement maîtrisée;  c’est un grand avantage pour toute entreprise sérieuse de production dont l’optimisation de la gestion de ses opérations industrielles et commerciales est un objectif majeur.

La raffinerie sera à la hauteur et va faire du 9-9 et même du 100% de pureté. Cela est faisable, car c’est simplement une question de maîtrise technologique. Les prix de raffinage seront homologués au plan international et une certification internationale en bandoulière. Tout ça doit encourager les compagnies à formaliser des contrats de partenariat dès maintenant, car avec les procédures opérationnelles planifiées pour aboutir à des objectifs  techniques et financiers maîtrisés, ce ne sont pas les clients qui manqueront. Ils se manifestent déjà et de partout à travers le monde. Seulement, le caractère multinational de l’administration des compagnies minières fait que le basculement vers un raffinage du produit au niveau local, implique des ajustements et des arbitrages importants qui sont compréhensibles. Ce qui est important, c’est que le Mali a réussi là quelque chose de formidable du point de vue de son  économie et de sa souveraineté. Cela peut menacer certains intérêts particuliers et déranger d’autres groupes, mais qu’à cela ne tienne, car le Mali et ses partenaires se sont donnés tous les moyens de la réussite de ce projet après avoir fait face à beaucoup de contraintes et d’obstacles de la part. Cette raffinerie est donc l’aboutissement d’un long processus et les maliens peuvent en être fiers. Ses activités bénéficieront surtout aux compagnies minières maliennes et africaines, mais aussi du monde entier.

Avec cette crise militaro civile, comment se porte le secteur minier de façon globale ?

Nous avons beaucoup d’espoir. Une grande partie de notre activité n’a pas été touchée par la crise. Sauf une petite partie au nord qui représente à peu près 15%. Cela est dû au fait que les événements se passent là-bas. Les 95% sont situés au sud. Depuis le début des événements,  nos activités continuent sans problème. Aujourd’hui, on peut aller à Gao et à Tombouctou. Nous sommes sûrs et certain qu’après ces événements, le Mali va devenir un eldorado.  Et beaucoup d’emplois seront créés pour les jeunes, surtout ceux du nord qui vivent dans des zones très éloignées du lieu des activités économiques du Sud Mali. Il est temps que les maliens, toutes communautés ethniques et toutes zones géographiques confondues se donnent la main dans la fraternité et la vérité pour combattre la pauvreté et construire le développement. C’est possible et nécessaire, il suffit juste d’y croire.

A notre porte, Il y a tellement d’investisseurs qui sont pressés pour venir pour pouvoir investir au niveau du pétrole, du gaz, du phosphate, du cuivre,  de la bauxite, de  l’engrais, du silicium, de l’uranium.

Avec la promulgation d’un nouveau code minier en 2012, qu’est ce qui a réellement changé  dans ce nouveau code?

Ce décret a été signé en catimini, nous acteurs du secteur, nous ne sommes pas contents de ce  nouveau code minier. Nous sommes allés à Sélingué pour l’analyser pour pouvoir le relire. On a eu à émettre des observations, le code devrait faire l’objet d’une nouvelle relecture et de décret d’application. Ça na jamais été le cas. Ce code-là renferme beaucoup de zones  d’ombre. Il est urgent que la chambre et l’administration minières s’asseyent et revoient le texte, il y va de l’intérêt du pays. Parce que, si on n’a pas un bon code personne ne va venir nous voir d’autant plus que dans la sous région il ya d’autres pays qui nous talonnent et ont de bons codes. Donc, là ou tu es bien reçu, où les textes sont flexibles et protecteurs de l’investissement, c’est là-bas que tu vas. J’interpelle les autorités maliennes de voir ça de prés pour revoir toutes les zones d’ombres. C’est une décision qui est venue comme ça, comme un couperet, dans la précipitation et sans sensibilisation. Ce n’est pas normal. Il faut que les textes  qui doivent être appliqués soient portés au préalable à la connaissance de tous les acteurs pour qu’ils donnent leur sentiment. Parce que, c’est eux les concernés et c’est eux qui amènent leur capital dans le pays. Le Mali avait un code rudimentaire depuis le temps de Kankou Moussa jusqu’à l’avènement de la 3ème République. C’est en 1991 qu’un nouveau code appelé de 91 fut adopté; il reste le meilleur code minier jusqu’à preuve de contraire. C’est pourquoi, le Mali est une destination prisée pour les grandes compagnies aujourd’hui,  dont certaines réclament d’être régies par cet ancien code de 1991. Ce n’est pas parce qu’on n’aime pas notre pays ou qu’on ne veut pas que notre pays gagne. Dans ce nouveau code il ya trop de clauses contraignantes qui ne militent pas en faveur du Mali dans le cas d’une économie mondialisée et très concurrentielle.

Un appel ?

Que les autorités nous écoutent. Nous gérons une institution, la Chambre des mines, qui est un établissement public à caractère professionnel qui a une mission cardinale d’appuyer l’Etat et de faire la promotion des richesses naturelles du Mali. Si c’est compris ainsi par tout lr monde, il n’ya pas de raison que les autorités ne nous écoutent pas. Qu’elles sachent que la chambre est là pour défendre l’intérêt du pays et appuyer les efforts du département des mines dont elle relève. Pour la mise en valeur des richesses du sous-sol et pour que le peuple profite au mieux de ces richesses là. C’est ça notre combat et notre unique ambition. Il y va de l’intérêt de l’Etat et du peuple maliens.

Aliou Badara Diarra

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1 commentaire

  1. Il reste qu’à laisser nos ressources au bon soin de ceux qui l’exploitent comme ils veulent et quand ils veulent…

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