Pr. Issa Konate, spécialiste des maladies infectieuses : "Le Mali en zone rouge de l’hépatite"
L’objectif de L’OMS est d’éradiquer l’hépatite une maladie du passé en 2030. Dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de l’hépatite,

L’objectif de L’OMS est d’éradiquer l’hépatite une maladie du passé en 2030. Dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de l’hépatite,
Pr. Issa Konaté, spécialiste en maladies infectieuses et tropicales, praticien hospitalier au CHU de Point G, également professeur titulaire à la Faculté de médecine et d’odonto-stomatologie, nous parle de l’hépatite, une maladie complexe avec son lot de complications et de décès.
Mali Tribune : Qu’est-ce que l’hépatite et ses différentes formes ?
Pr. Issa Konaté : L’hépatite est une inflammation du foie. Cette inflammation peut être liée à des médicaments, à l’alcool, à des microbes ou une auto-immunité. L’hépatite liée à des microbes notamment les virus est défini comme une inflammation du foie consécutive à une infection virale qui peut être les virus de l’hépatite B ou C. Il existe deux grandes formes d’hépatite (l’aiguë et la chronique). L’hépatite B et C sont les formes virales de l’hépatite. L’hépatite B ou C est dite aiguë lorsque la durée de l’infection est inférieure à 6 mois. Et elle est chronique lorsque la durée dépasse 6 mois sur le plan clinique.
Sur le plan de laboratoire, l’hépatite B ou C est dite aiguë lorsque le test effectué retrouve des immunoglobines, c’est-à-dire des anticorps de type IGN. Dans ce cas, on parle d’hépatite aiguë et lorsque le laboratoire détecte des immunoglobine G (IGG) dans le test, on parle d’hépatite chronique.
Mali Tribune : Quelles sont les voies de transmissions les plus fréquentes ?
Pr. I. K. : Il existe trois voies fréquentes, voire principales de transmissions de l’hépatite B et C, qui sont la voie sexuelle, la voie sanguine et celle mère-enfant. L’hépatite virale B peut être guérie et le contraire est possible. Sur 100 personnes qui contractent le virus de l’hépatite B de façon naturelle seuls 90 sur 100 vont guérir spontanément sans traitement et cette guérison peut être suivie d’une immunisation de la personne, c’est-à-dire que l’organisme de ce dernier va produire des anticorps anti HBS qui vont empêcher la personne de contracter à nouveau le virus lorsque le titre est au-delà de 10 ou 12 unités internationales, selon les documents. Les 5-1 à autres pourcents des 100 vont évoluer vers une forme chronique. Et parmi ces formes chroniques, 30 % vont rester avec un portage asymptomatique de l’antigène HVS.
Chaque fois que des tests sont menés sur le sang de la personne, le BVS sera toujours présents mais la personne ne manifestera pas de signe clinique. Et il sera difficile au laboratoire de trouver la charge virale, c’est-à-dire retrouver le virus circulant dans le sang et on dira que c’est un portage asymptomatique.
70 % de ce portage chronique vont évoluer vers des hépatites chroniques, et avec le diagnostic nous chercherons à établir si la personne doit être traitée ou pas. Si un traitement est impératif alors il n’y a pas de guérison totale, le but du traitement est de rendre la charge virale indétectable pour minimiser la survenue des complications lié à l’infection comme la cirrhose et le cancer du foie.
L’hépatite virale B n’est pas guérissable pour le moment. Par contre, l’hépatite virale C est curable, elle peut être traitée et guérir complètement. Le traitement repose sur les antirétroviraux d’action directe et ceux-ci sont le plus utilisés. Ils ont révolutionné le traitement de l’hépatite C. Ces antirétroviraux permettent une guérison dans une durée de trois mois de traitement.
Mali Tribune : Pourquoi entendons-nous fréquemment parler des types B & C ?
Pr. I. K. : Parce que ces deux types d’hépatite virale B, C évoluent fréquemment vers des formes chroniques et ils sont responsable des complications comme la cirrhose et le cancer de foi. En dehors de ces deux types, nous avons le virus A, D, G, E, VTT et il existe d’autres virus en plus de ceux-ci appelés les virus alphabétiques. Ces deux virus B et C constituent aujourd’hui un problème de santé mondial, l’hépatite B par sa fréquence. Et l’hépatite C par sa chronicité beaucoup plus fréquente. Aujourd’hui, ces deux virus sont responsables de la plupart des cancers liés à des virus au niveau du foie avec des mortalités très élevé, ce qui attirent plus l’attention des gens sur ces deux virus.
Mali Tribune : Où en sommes-nous avec les recherches sur un vaccin contre l’hépatite C ?
Pr. I. K. : A ce jour, il n’existe pas de vaccin efficace permettant de limiter la propagation du virus de l’hépatite B. Il n’existe que des ébauches, des candidats vaccins qui sont en cours de mise en place par des chercheurs. Mais il n’y a pas encore de vaccin homologué sur le plan de santé surtout par l’OMS qui doit être administré pour prévenir contre une infection du virus de l’hépatite C. Les recherches continuent mais un vaccin efficace n’a pas encore été trouvé.
L’histoire de l’évolution nationale des virus est qu’une fois que le virus pénètre dans l’organisme, celui-ci va essayer de lutter contre ce dernier pour le dégager de l’organisme. Lorsque l’immunité est suffisante et adaptée, elle arrive à produire des anticorps pour éliminer tous les virus du foie et dans ce cas le patient est complètement guéri. Lorsque l’immunité est trop forte avec une production excessive d’anticorps inadaptée, cela va entrainer une destruction très rapide des cellules contenant des virus.
Malheureusement, ce cas évoluera vers une hépatite fulminante et cette forme fulminante est rencontrée à peu près dans moins de 1 % des cas. Et c’est une forme grave qui peut évoluer vers la mort sans une transplantation hépatique n’ayant pas de guérison à ce niveau. Le seul traitement efficace à ce niveau à ce jour reste la transplantation hépatique, et elle n’est pas accessible à tout le monde ou même les conditions ne s’y prêtent pas. Tandis que chez d’autres il y a une production d’anticorps insuffisante qui éliminera certaines cellules contenant des virus et celles qui vont persister avec des virus et à ce stade, ce cas évoluera vers la forme chronique. Et cette forme sera un portage d’antigène du virus sans conséquence au niveau du foie, et cette période peut aller jusqu’à 20 ans, voire plus. C’est à cette période que nous déclarons la personne comme asymptomatique. Il n’a pas de signe. Lorsque le dépistage n’est pas fait à temps pour faire un suivi régulier, il y aura à un moment donné des attaques du foie par ces virus donc une inflammation chronique suivra et sera responsable d’un durcissement du foie appelé la fibrose. Et si jusque-là il n’y a pas de traitement ou de prise en charge adéquate, cette fibrose évoluera vers la formation de nodule et aboutir à la cirrhose.
Pourtant, la guérison de la cirrhose est très difficile, et au-delà de la cirrhose, la maladie peut évoluer jusqu’au cancer du foie. Certaines personnes restent longtemps asymptomatiques pendant des années car elles sont en phase d’attente ; le virus est dans leur corps, mais la situation est sous la maîtrise de l’organisme.
Mali Tribune : Quelle est la situation de l’hépatite dans notre pays et les risques à long terme d’une hépatite non traitée ?
Pr. I. K. : Les risques à long terme d’une hépatite non traitée sont les complications ; à savoir : la cirrhose, qui est une maladie grave, et le carcinome-hépato cellulaire un cancer du foie beaucoup plus grave que la cirrhose. Ces deux principales complications sont des maladies graves et des risques à long terme d’une hépatite non traitée.
Le Mali se situe dans une zone de prévalence élevée, c’est-à-dire autour de 8 %. Il faut également signaler qu’il n’y a pas d’étude de grande envergure qui concerne tout le territoire du pays pour pouvoir faire une prévalence nationale. Mais quelques études réalisées et qui concernent des groupes spécifiques au niveau de ces groupes, nous avons des prévalences vont au-delà de 10 à 16 % raison pour laquelle j’ai qualifié la situation d’inquiétante.
Dans les quelques études réalisées notamment les tests au niveau de l’Ecole de médecine et d’odontostomatologie, nous constatons de plus en plus que dans notre pays, les personnes atteintes de cirrhose, de cancer du foie qui sont les complications de ces infections sont de plus en plus des jeunes de moins de 50 ans.
Avant 2017, l’accès au traitement par rapport à l’hépatite Viral B (HVB) à savoir le Ténofovir n’était pas accessible à tous les Maliens. La boite de ce médicament coûtait 75 000 F CFA, voire plus dans certaines pharmacies. Avec l’appui des autorités, ce médicament a été rendu beaucoup plus accessible en ramenant le prix autour de 5000 à 7000 F CFA la boite qui fait un mois de traitement.
En plus de Ténofovir, il existe des antirétroviraux d’action directe utilisés dans la prise en charge, du traitement du virus de l’hépatite C. Egalement très cher, il n’était accessible qu’autour de 500 000 F CFA. Avec le progrès, il est cédé aujourd’hui à 200 000 F CFA pour les trois mois de traitement et si la chance sourit à ce patient, il pourrait guérir complètement et sur ce côté selon le médecin il y a espoir de guérison.
Mali Tribune : Quelles sont les politiques de dépistage ?
Pr. I. K. : Les politiques de dépistage tournent autour de quelques axes. Chez les femmes enceintes, il est recommandé lors de la consultation prénatale, aux gynécologues et sages-femmes de faire le dépistage des virus de l’hépatite B et C pour éviter la contamination mère-enfant qui expose beaucoup plus rapidement aux complications, c’est-à-dire la chronicité très élevée chez les enfants et la survenue des complications à bas âge.
Axe en cas d’infection avec certains virus comme le VIH, il est important de faire attention car ces infections partagent les mêmes voies de transmissions que le VIH, il est recommandé de dépister de façon systématique le virus de l’hépatite B et C. Il faut le dépistage chez les prisonniers et les agents de santé qui sont en contact permanent avec les malades.
Lors des recrutements notamment dans l’armée, il est important d’effectuer un dépistage chez les recrues afin de détecter les agents pathogènes. Le dépistage n’est gratuit que lors de la célébration de la Journée de lutte contre l’hépatite B et C à travers les campagnes de dépistage. Et parfois les organisations ou associations organisent des activités avec le dépistage gratuit. En dehors de ceux-ci, le dépistage est payant au niveau des laboratoires aux environs de 7500 à 10 000 F CFA et l’accessibilité dépend des usagers.
Propos recueillis par
Oumou Fofana
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