Allons-nous au devant d'un 26 mars bis ? Comment ne pas se poser cette question devant l'étrange similitude entre le contexte socio-politique qui prévalait au Mali à la veille des événements qui ont balayé le régime dictatorial du général Moussa Traoré et la situation que traverse actuellement notre pays après la signature des accords d'Alger ? En effet, l'entêtement de Moussa Traoré à ne pas accéder aux revendications légitimes des forces vives du Mali d'alors, regroupées au sein du mouvement démocratique, relatives à l'ouverture politique via l'instauration du multipartisme intégral, le respect des libertés individuelles et collectives et l'amélioration des conditions d'existence du plus grand nombre, a été à l'origine de l'insurrection populaire qui a fini par emporter l'autocrate.
De la même manière, le Général Amadou Toumani Touré n'est-il pas en train de cristalliser, au fil des jours, les mécontentements des forces vives de la nation malienne à cause des désormais tristement célèbres accords d'Alger ? Au niveau des partis politiques, le RPM d'Ibrahim Boubacar Kéïta, un poids lourd qui revendique à lui seul le tiers des députés à l'Assemblée nationale, n'est pas allé par quatre chemins pour marquer sa désapprobation par rapport à la signature de ces accords de la honte. Il serait même dans la logique d'attaquer lesdits accords devant la Cour Constitutionnelle. Ces accords, selon le parti des tisserands, à côté du fait qu'ils sont anti-constitutionnels, ne prennent pas en compte les préoccupations des trois régions du Nord-Mali, mais plutôt les vœux de quelques individus qui ne sont même pas représentatifs de Kidal elle-même. Loin d'être alors une potion magique, ils ne sont, en réalité qu’une bombe à retardement.
Du côté des syndicats, la CSTM, qui est la deuxième centrale syndicale du Mali, a énergiquement dénoncé ces accords, considérant qu’ils portent atteinte à la loi fondamentale à plusieurs égards. L'UNTM, quant à elle, a préféré réserver sa réponse. Ce qui est en soi un désaveu. Du côté de la société civile, le CCA-ONG, qu'on ne peut pas suspecter de prise de position partisane, a, dans une déclaration, dénoncé "les contradictions fondamentales entre le préambule et le contenu de ces accords, l'existence de velléités d'autonomisation de la région de Kidal, l'impunité consacrée à travers le traitement des insurgés". Bref, cette composante importante de la société civile estime qu'il y a un "risque d'effritement de l'autorité de l'Etat et que les accords constituent un moyen de déplacer le problème dans le temps et non une solution durable comme préconisée dans le préambule".
Par ailleurs, des voix courageuses de patriotes se sont élevées, ça et là, pour démontrer, qui l'anti-constitutionnalité des accords, à l'image du jeune et brillant avocat, Me Mamadou Ismaël Konaté, qui leur caractère inique et dangereux en ce qu'ils déclenchent les forces centrifuges et mettent en péril l'unité nationale.
Avec la fougue juvénile qui les caractérise, les jeunes Maliens de France, regroupés au sein du Mouvement des Jeunes pour la Démocratie, la Paix et la Solidarité (MJPDPS) ont organisé, le17 juillet à Paris, une marche de protestation contre les accords d'Alger. Une marche à l'issue de laquelle, ils ont remis une lettre de protestation au Premier secrétaire de l'ambassade à l'intention du président Amadou Toumani Touré dans laquelle ils lançaient un avertissement au gouvernement malien pour l'informer que leur Mouvement "s'inscrit dans toute logique de contestation pour faire échec à l'application des accords de la honte qui constituent une injure à l'égard du peuple malien"
Last but not least, présidé par Almouzar Maïga, le Collectif des Ressortissants du Nord n'est pas resté en marge de ce concert de condamnation nationale. Dans une véritable monographie, ce collectif a passé au peigne fin les accords de la reddition en jetant une lumière impitoyable sur leurs incohérences et leurs conséquences sur la paix sociale. Le tam-tam du Mouvement Citoyen, qui n'a jamais été, au demeurant, une force politique majeure, à peine une dizaine de députés sur 147 se réclament de lui à l'Assemblée nationale-pourra-t-il noyer sous son tintamarre ce concert de rejets légitime ? En tout cas, ATT semble donner l'impression qu'il n'a cure des coups de semonce tirés par une très large composante de l'opinion nationale. Tout se passe, en effet, comme si, pour lui "le peuple malien aboie et la caravane des accords d'Alger passe". Car au lieu de saisir la perche tendue à travers l'organisation des Etats généraux du Nord qui lui aurait permis de sortir le Mali de la crise née des accords d'Alger, il persiste à vouloir appliquer ces accords de la honte. Contre vents et marée.
A l'image d'un certain Moussa Traoré, farouchement opposé à l'avènement de la démocratie et du multipartisme au Mali.
Yaya SIDIBE