Décryptage : Les carottes sont-elles cuites pour l’élection présidentielle ?

Charte, paix, révision, stratégie, etc., séquencent la trajectoire de la transition.

2 Août 2025 - 02:00
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Décryptage : Les carottes sont-elles cuites pour l’élection présidentielle ?

Vendredi 25 février 2022, sous un ciel dégagé, la dernière parution du journal officiel de la République du Mali, consacre la révision de la charte de la transition. L’article 09 énonce que « le président de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielles et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision ». À petite allure, la transition chemine vers le retour à l’ordre constitutionnel. Comme tout régime transitoire, l’enjeu reste la capacité à faire entendre sa voix dans les organisations régionales et internationales et la consolidation des rapports diplomatiques. Dimanche, 18 juin 2023, les Maliens se rendent aux urnes pour le référendum constitutionnel. Samedi 22 juillet 2023, la nouvelle constitution est promulguée par le président Assimi Goïta. Dans la foulée, l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) se prépare pour l’organisation et la gestion des futurs scrutins. Ça, c’était le temps d’avant. 

La marmite de la République

Trois ans plus tard, la trajectoire de la transition connaît une accélération inattendue. Mardi, 08 juillet 2025, une nouvelle révision de la charte succède à la précédente. Elle stipule en son nouvel article 09 que « le président de la transition est éligible à l’élection du président de la république et aux élections générales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ». Sur le foyer des révisions constitutionnelles, pour la deuxième fois, on remet le couvercle sur la marmite de la République.

Dans la même charte, l’article 04 précise que le président « remplit les fonctions de Chef de l’État pour une durée de cinq (5) ans renouvelables, autant de fois que nécessaire, jusqu’à la pacification du pays à compter de la promulgation de la charte ». Les carottes semblent cuites. Mais, l’espoir des consultations électorales diminue. Le retour à l’ordre constitutionnel est mal engagé. La pacification du Mali est l’un des arguments utilisés par la transition pour justifier le non-retour à l’ordre constitutionnel. Résistera-t-il à l’épreuve des faits ? 

Un plan de maîtrise sécuritaire commun

Ce qui est certain, la décision de lier la tenue des élections à la pacification du territoire suscite un sentiment de méfiance chez une partie de la population. On ne parle que de ça dans les grins bamakois. On s’épie aussi. Dans le fond, la crise sécuritaire aussi bien au Mali qu’au Niger et au Burkina-Faso est un élément de contexte des processus actuels interagissant dans la construction de nos États. Elle dépasse le seul cadre d’un État ou d’un régime.

Elle se caractérise par son aspect protéiforme. Face à cette crise, l’une des solutions serait la mise en place d’un plan de maîtrise sécuritaire commun à l’Afrique de l’Ouest pour les trente ans à venir. Lequel plan doit impliquer les acteurs locaux et l’Union africaine pour tracer un plan de paix durable et équilibré.

Savonner la planche

Terminons par les changements au sujet de la charte de la transition contre lesquels les réactions sont immédiates. Vendredi 27 juin 2025, l’ancien Premier ministre de la transition, Docteur Choguel Kokalla Maïga, s’est lamenté. « L'objectif final est à présent clair pour tout le monde : créer, fabriquer de toutes pièces une nouvelle classe politique (…), saisir la propagation et l'approfondissement du terrorisme combinés au sentiment patriotique des Maliens pour continuer à perpétuer les anciennes pratiques : abuser du pouvoir, faire peur aux citoyens honnêtes en agitant le chiffon rouge du terrorisme (…)».

Le stratagème : savonner la planche tout en étant ouvert au débat. Certes, ça ronchonne. Mais voilà, une nouvelle séquence se joue entre l’exécutif et l’ancien premier ministre. Laquelle séquence place le pays dans une situation de fragilité nouvelle au moment où le 18 juillet 2025, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, offre une médiation pour contribuer à la résolution de la crise malienne. Du pain bénit pour les uns. Un prêche dans le désert pour les autres. De toute évidence, ces différentes séquences, matinées de stratégies, modifieraient la trajectoire de la transition dans un pays, traumatisé par le narcoterrorisme.

Mais, gardons espoir, les carottes ne sont pas encore cuites. Espérons que le projet de charte nationale pour la paix et la réconciliation apporte la paix et accélère le retour à l’ordre constitutionnel par l’organisation d’élections « libres, apaisées, transparentes, inclusives et crédibles » pour sortir au plus vite de la trière sécuritaire.

 

Mohamed Amara

Sociologue

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