Rapports 2013-2014 du VEGAL sur la gestion du fonds d’accès universel et L’attribution de La 3ieme licence de téléphonie globale

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Dans son rapport 2013 rendu seulement public le 26 mai 2015, le Bureau du Vérificateur Général a initié une mission de vérification financière de la gestion du Fonds d’Accès Universel par l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP). Après vérification, il ressort que la gestion de ce fonds a été calamiteuse avec plus de 4 milliards de F CFA à rembourser du fait d’un détournement de finalité du FAU par l’AMRTP. L’analyse de ces rapports met aussi à nue les nombreux vices de forme qui ont entachées l’attribution de la troisième licence à un opérateur déjà empêtré dans de nombreux problèmes partout où il opère au détriment d’un opérateur solide comme MTN qui était tant attendue par les consommateurs pour mener une concurrence équilibrée aux deux opérateurs de poids que sont Orange Mali et Sotelma-Malitel.

 

Créée par l’Ordonnance n°2011-024/P-RM du 28 septembre 2011 portant régulation du secteur des télécommunications/TIC et des postes, l’AMRTP est une Autorité Administrative Indépendante chargée, notamment, de veiller sur les intérêts nationaux et la défense des consommateurs dans le domaine des télécommunications/TIC et des postes. Dans ce cadre, elle contribue à la mobilisation à hauteur de 1% du chiffre d’affaires annuel de chaque opérateur téléphonique pour renflouer le Fonds d’Accès Universel (FAU) servant à financer le Service d’Accès Universel. Ce Service consiste en « la fourniture de l’accès à un ensemble de services minimaux, évolutifs dans le temps, de qualité minimale, sur l’ensemble de la population, indépendamment de sa localisation géographique et à des conditions tarifaires abordables ». Le FAU, mis en place en 2002, est alimenté par les contributions annuelles versées par les opérateurs téléphoniques Orange et Malitel.

La vérification avait pour objectif d’éclairer les maliens sur le processus de recouvrement et de reversement de la contribution au FAU, les opérations de dépenses et de placement du FAU à travers les Dépôts à Terme (DAT). Elle a pour objectif aussi de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de gestion du FAU par l’AMRTP pour les exercices allant de 2002 à 2012.

De son institution en 2002 au 31 décembre 2012, les ressources collectées au titre du FAU se chiffrent à 9,91 milliards de FCFA. L’importance de ces ressources a conduit les autorités politiques à solliciter de l’AMRTP la mise à disposition d’une partie du FAU pour faire face aux besoins financiers liés à la gestion de la crise sécuritaire et institutionnelle que le Mali a traversée. De même, les préoccupations étalées publiquement par le corps social quant à la régularité de l’emploi de ces fonds soutiennent la pertinence de cette vérification.

Il ressort des travaux de vérification que le Gouvernement, en vertu d’une loi d’habilitation, a pris l’Ordonnance n°2011-023/P-RM du 28 septembre 2011 relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication et l’Ordonnance n°2011-024/ P-RM du 28 septembre 2011 portant régulation du secteur des télécommunications/TIC et des postes. Ces ordonnances ont été déposées à l’Assemblée Nationale dans le délai fixé par la loi d’habilitation. L’Assemblée Nationale ne s’est pas prononcée sur leur ratification. La non-ratification de ces ordonnances a eu pour conséquence la non-adoption de certains décrets dont ceux régissant le FAU et l’Accès Universel.

La gestion du FAU comporte des irrégularités financières

Selon le rapport du Végal, l’AMRTP a effectué des opérations non éligibles sur le FAU, en violation des dispositions de l’article 45 de la Loi n°01-005 du 27 février 2001 portant modification de l’Ordonnance n°99-043/P-RM du 30 septembre 1999. Pour ces textes, régissant les télécommunications en République du Mali, l’État est détenteur de tous les avoirs du Comité de Régulation des Télécommunications, à l’exception de ceux du compte de service universel alimenté par le FAU. Ainsi, une dépense relative au paiement de la contribution du Mali au Fonds Mondial de Solidarité Numérique pour un montant de 300 000 euros, soit 199,41 millions de FCFA, a été supportée par le FAU.

En outre, une opération de transfert d’un montant de 8,91 milliards de FCFA, représentant la contribution du secteur des télécommunications à l’effort de libération des régions nord du Mali, a été ordonnée sur le FAU contrairement aux dispositions susvisées. Sur ce montant 4,91 milliards de FCFA ont été effectivement virés et 4 milliards de FCFA n’ont pu être

virés du fait de la tension de trésorerie de la Banque domiciliataire.

Comme recommandations, la mission de vérification du Végal demande au Président de l’Assemblée Nationale de provoquer la délibération à bonne date sur les ordonnances qui lui sont soumises par le Gouvernement. Au Premier Ministre, cette mission du Végal demande de faire rembourser à l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes le montant de 4,91 milliards de FCFA correspondant au montant des opérations de dépenses, non-éligibles, effectués sur le Fonds d’Accès Universel.

Quant au ministre en charge de la Communication et des nouvelles technologies de l’Information, la même mission demande de rembourser à l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications /TIC et Postes le montant de 199,41 millions de FCFA représentant le paiement, non-éligible, au Fonds d’Accès Universel de la contribution du Mali au

Fonds Mondial de la Solidarité Numérique. Et au Directeur Général de l’Autorité Malienne de régulation des télécommunications /TIC et Postes d’annuler l’ordre de virement de 4 milliards de FCFA émis sur le compte « FAU » domicilié à la Banque Régionale de Solidarité au Mali.

 

Attribution de la 3ième Licence de téléphonie globale : l’anarchie

Quant à l’attribution de la 3ième licence de téléphonie globale, le rapport 2013 du Végal constate que le Ministère chargé des Télécommunications s’est référé à un cadre juridique inapproprié. Ainsi, d’une part, le Comité Technique interministériel d’Appui à l’attribution de la 3ème licence de téléphonie globale, a conduit les opérations de cette attribution alors qu’il n’avait pas la compétence matérielle pour effectuer ces actes. D’autre part, le Ministre de la Poste et des Nouvelles Technologies a attribué la 3ème licence par entente directe, en violation des textes en vigueur.

Toujours, selon le rapport, le Ministère de la Poste et des nouvelles technologies (MPNT) a posé des actes non conformes pour le recrutement du Cabinet-conseil du Gouvernement.

Le MPNT a sélectionné le Cabinet-conseil sans avis de manifestation d’intérêt préalable. Sur autorisation accordée par le Ministre chargé des Finances, il a restreint la sélection à la liste des Cabinets présélectionnés lors du recrutement du Conseiller à la privatisation de la Sotelma alors qu’une telle autorisation devait émaner de la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public (DGMP-DSP). Encore, cette manière de procéder peut exclure de la compétition des candidats potentiels. De plus, le marché conclu n’a été ni enregistré au Secrétariat Général du Gouvernement ni numéroté par la DGMP-DSP.

Enfin, d’autres irrégularités ont entaché l’exécution du marché comme le fait que le MPNT ne s’est pas assuré des capacités du cabinet à exécuter le Marché. Car, il n’a pas exigé que le candidat sélectionné s’enregistre auprès des services fiscaux et parafiscaux et désigne un représentant au Mali. Il n’a aussi  pas exigé que le contrat de marché soit enregistré au service des Impôts, ce dont il est résulté que les droits d’enregistrement, de l’ordre de 4,33 millions de FCFA, n’aient pas été versés. Il ressort aussi que le MPNT a versé des honoraires indus au Cabinet-conseil, alors qu’il n’existe aucune pièce qui démontre que celui-ci a effectué une quelconque prestation.

Quant à la procédure d’appel d’offres annulée, elle était aussi entachée de manquements

Importants. Ainsi, d’une part, le MPNT n’a pas exigé que soit reversé au Trésor Public le produit de la vente des Dossiers d’Appel d’Offres (DAO) s’élevant à 52,48 millions de FCFA. D’autre part, il n’a pas imposé au titulaire du marché de constituer une garantie de bonne exécution telle que prévue non seulement par les textes relatifs aux marchés publics et délégations de service public mais aussi par le DAO. N’ayant pas à subir les conséquences d’une garantie financière, le groupement déclaré attributaire a pu faire perdurer le processus de paiement du prix de la licence sur plus d’une année. Cet écoulement du temps a eu de lourdes répercussions financières, car l’État a été privé de ressources substantielles légitimement attendues pour financer des actions de développement socio-économique.

A retenir que pour éviter toute cette anarchie, la mission de vérification du Bureau du Végal recommande à l’Etat d’appliquer strictement les textes nationaux et les instruments communautaires relatifs à l’entité compétente pour conduire la procédure de sélection des candidats à l’obtention des licences de téléphonie globale. Cette mission demande entre autres au Ministre en charge de la Poste et des nouvelles technologies de respecter les procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public, relatives à l’obligation de fournir une garantie de bonne exécution par l’attributaire du marché. Et aussi de respecter les procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public, en matière de passation de délégations de service public par entente directe.

Notons enfin que le Gouvernement du Mali a placé la réforme du secteur des télécommunications et l’amélioration de l’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication au centre de sa politique de développement. Il s’agit d’un secteur susceptible de contribuer amplement au développement économique et social du pays et de renforcer sa compétitivité. À ce titre, la forte croissance observée de 2000 à 2010 dans la desserte téléphonique révèle le fort potentiel du secteur. De 110 000 en 2000, le nombre de lignes téléphoniques a dépassé les 6 millions à la fin 2010.

Cette croissance témoigne d’un accès de plus en plus massif des citoyens au service de la téléphonie. Elle permet également à l’État de réaliser des recettes substantielles et aux citoyens d’améliorer leur connectivité pour leur vie sociale et leurs activités économiques si une gestion saine et efficace est faite des différentes structures qui s’occupent du secteur comme l’AMRTP.

Dieudonné Tembely

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