Que sont-ils devenus… Abdou Traoré : Le tempérament de feu

Abdou Traoré est un pur produit du Centre Salif Kéita. Il fait partie de ces jeunots qui ont contribué à donner raison à Domingo parce que celui-ci, à son retour d'Europe, avait clairement dit que l'exploit du football malien réside dans la formation des jeunes. Malheureusement on ne l'a pas suivi dans ce sens. Abdou Traoré était un joueur au tempérament impulsif, au point qu'il fut surnommé Ben Laden, Kèlè Tèguèrain (le parrain de la guerre en bambara). Qu'est-ce qui explique ce caractère ? Qui est ce joueur dont la constance en équipe nationale est incontestable ? Quelles furent sa carrière et sa retraite ? L'enfant de Lafiabougou nous a reçus au terrain d'entraînement du LCBA dans le cadre de la rubrique "Que sont-ils devenus ?"

26 Avr 2025 - 01:20
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Que sont-ils devenus… Abdou Traoré : Le tempérament de feu
Abdou Traoré

Abdou Traoré est de cette catégorie de jeunes talents que nous avons vu grandir. Parce que leur firmament a coïncidé avec nos premiers pas dans la presse. Parler de ce joueur nous replonge dans les méandres de l'histoire du footballeur malien, avec comme point de mire la Coupe du monde junior de 1999, dont il était l'un des éléments clés. A cause de ces Aiglons, pour la première fois, notre article occupa la manchette du journal "Le Républicain". Comment ?

Jeudi 15 avril 1999. En 1/4 de finale, les Aiglons, menés par 3 buts à 1 et réduits à dix après l'expulsion de Ténéman Ndiaye, finissent par s'imposer par 5 à 4 au terme des prolongations. Ténéman, Mamadou Bagayoko, Abdoulaye Camara dit Bako et le petit Dissa sont les buteurs maliens. C'était la fête à Bamako. Nous l'avons vécue pour avoir suivi jusqu'au centre ville une foule venant de Samè (le siège du Républicain était à Niomirambougou).

A notre retour du boulevard de l'Indépendance, le directeur de publication, Ibrahim Traoré dit Francky, nous confie une tâche : résumer le match et greffer l'ambiance à Bamako. Confier une telle mission à un journaliste stagiaire relève aussi d'une émotion créée par l'exploit des juniors.

Nous remettons l'article à Sékou Tamboura, notre mentor et formateur à l'époque avec comme titre "Une victoire exceptionnelle". Crépin apporte sa touche et choisit plutôt "Qualification historique". Cet article occupe la une du journal le Républicain, et toutes les radios privées de Bamako le commentent le vendredi 16 avril 1999.

Nous rappelons  ce match, parce que notre héros de la semaine, Abdou Traoré y a joué un grand rôle. Nous voyons encore cette image où il profite d'un arrêt de jeu pour regrouper les autres joueurs.  Qu'est-ce qu'il a dit à ses co équipiers ? Quelles explications à l'engagement de ces Aiglons durant cette Coupe du monde ?

Abdou se souvient : "Il ne faut pas que le découragement prenne le dessus sur notre volonté. C'est l'honneur du Mali, du grand Mali qui est en jeu. On ne peut pas être éliminés banalement comme ça. Tout reste possible et tout dépend de nous-mêmes. Notre engagement se résumait à la rage de vaincre, le sens patriotique, la dette morale à payer au peuple malien pour son soutien de tout temps. Sinon pour ce match contre le Cameroun, notre  prime de qualification était  de 800 000 F CFA par joueur, pendant que les Camerounais avaient individuellement 7 000 000 F CFA.  La différence est patente".

Ce message passe comme une dose de drogue dans les veines des joueurs. Et la suite est connue.

Justifiant son caractère impulsif sur le terrain, Abdou Traoré soutient qu'un homme qui défend des intérêts quel que soit le niveau n'a pas droit à l'erreur au risque de faire des mécontents. "Or, pour faire des heureux il faut se battre. Cela ne peut être bâti que sur le sérieux et l'engagement", renchérit-il.

Polyvalence

Cela nous permet d'affirmer qu'il était un polyvalent. Il évoluait à tous les postes selon les circonstances. Cela ne peut se faire sans la technicité et le talent. Très dur sur l'adversaire, il avait également ce secret de se confiner dans un rôle de dépositaire par des passes précises, et l'exécution des coups francs. Cependant, son distinguo par rapport à beaucoup de joueurs de sa génération, est sa constance dans les différentes équipes nationales : junior, Aigles primes, Aigles senior. Tous les entraineurs qui se sont succédé lui ont fait appel et selon lui c'est de façon injuste qu'il n'a pas participé à la Can-2002.

Pour ce cas, il accuse l'entraineur national adjoint de l'époque, chargé en son temps de la gestion de l'effectif local (les Aigles locaux étaient payés à 200 000 F CFA par mois) pour renforcer la liste définitive du coach Henry Kasperzack. Notre héros de la semaine soutient que les joueurs du Djoliba ont été injustement écartés de l'équipe nationale. Et  à un moment donné, il a même annulé son transfert au Stade malien de Bamako, parce que le technicien en question est intervenu dans son intention de changer de club. Il était déçu de lui.

Abdou Traoré est l'un des acteurs majeurs de la qualification des Aigles olympiques au JO d'Athènes.

Avec le Djoliba, il a remporté quatre coupes du Mali (2003, 2004, 2007, 2008), trois titres de champion (2004,2008, 2009)  et deux doublés.

Abdou Traoré a pris sa retraite footballistique en 2011. Immédiatement, il a pris les rênes des cadets du LCBA. Décidé à faire carrière dans le coaching, ses formations à Bamako sont sanctionnées par les licences D et C. En 2019 il s'envole pour l'Ecole normale supérieure en sciences et technologies des entraîneurs, pour quatre ans d'études en Algérie.

Nanti de ce diplôme de haut niveau, il fit un saut sur le banc de touche du FC Guerriers du Mandé (D2) et le Centre Sowoye Touré de Gao. Et depuis 2023, il tient la barre technique du LCBA. Il est aussi le directeur du centre de formation. Parallèlement à ces fonctions, Abdou Traoré est professeur de football de l'école Livia Lamour sise à Hamdallaye ACI 2000 et chargé d'éducation physique dans deux lycées de Bamako. 

Sa longue et riche carrière est liée à de bons souvenirs : les matches de l'équipe nationale en 1999, le coup franc magistral qu'il a marqué en 2003 contre le Marananthan de Togo à Bamako en Ligue des champions de clubs et la qualification des Aigles B aux Jeux olympiques d'Athènes juillet 2003 contre le Cameroun. Ce jour-là, c'est Dramane Traoré dit Rivaldo qui a marqué l'unique but malien qui élimina les Camerounais.   

Quant aux mauvais souvenirs Abdou en retient deux : l'élimination des Aiglons en demi-finale de la Coupe du monde face à l'Espagne, la chute du Djoliba AC à domicile contre l'Espérance de Tunis en 2000.

Faudrait-il rappeler qu'Abdou Traoré a fait les beaux jours du CSK de 1993 à 1999, en compagnie des Seydou Kéita dit Seydoublen, Mahamadou Diarra dit Djilla, Alfousseyni Karembé, Dramane Coulibaly dit Scifo, Adama Coulibaly dit Dan, Amadou Coulibaly dit Amadou Sion et autres.C'est contre son gré qu'il a rejoint le Djoliba lors de la saison 1999-2000. Issu d'une famille Djolibiste ses parents ne comprenaient pas ce paradoxe. Aussi les dirigeants du club de Hérémakono digéraient mal l'égarement d'un des leurs. Ils montèrent la pression, mais le jeune Abdou Traoré résistait. Finalement la leçon de morale de  sa défunte maman eut raison de sa volonté de résistance.

Et au prix de compromis entre les responsables des deux clubs, il signera au Djoliba qui a vraiment mis les moyens  pour le débaucher.

Il signe à l'Africa Sports d'Abidjan pour une saison (2009-2010) et à l'AS Déguénlin d'Odiénné (2010-2011). A ce niveau un mal de genou l'obligea à mettre un terme à sa carrière. Abdou Traoré est marié et père de deux filles, dont la première joue à l'équipe de basket-ball de l'AS Police.

Dans la vie, il aime le football, la lecture du Coran et les jeux de cartes. Il déteste le mensonge, la vanité et la honte.

                         O. Roger Sissoko

 

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