Mali : Une raffinerie d’or pour briser les chaînes de la dépendance
Pendant des décennies, le Mali a été un géant minier aux talons d’Achille . Troisième producteur d’or d’Afrique, exportant chaque année plus de 70 tonnes de métal précieux, notre pays n’en a tiré qu’une infime part des bénéfices réels.

L’essentiel de l’or malien part brut, transformé et valorisé ailleurs : en Suisse, aux Émirats arabes unis, en Afrique du Sud… Et avec lui, s’envolent les marges, les emplois, les devises et les opportunités industrielles.
Une raffinerie à vocation régionale pour une meilleure valorisation de nos ressources aurifères.
Mais cette ère touche à sa fin. Le Mali s’apprête à inaugurer la plus grande raffinerie d’or de toute l’Afrique de l’Ouest. Une infrastructure stratégique capable de purifier jusqu’à 200 tonnes d’or par an à 99,5 % de pureté, dans le respect des normes internationales de certification. C’est une révolution silencieuse, mais décisive.
Cette raffinerie permettra non seulement de raffiner notre propre or, mais aussi d’attirer celui de nos voisins renforçant ainsi l’intégration régionale tout en créant et organisant mieux la chaîne de valeur régionale de l’or au profit de nos états et nos populations africaines. Une dynamique d’intégration régionale et d’industrialisation des pays de la sous-région et de l’Afrique. Une manière aussi de rétablir une balance commerciale plus juste, en réduisant drastiquement la sortie de devises et la dépendance vis-à-vis des places de marché étrangères.
Estimation des retombées économiques directes et indirectes
Hypothèses de base :
•Capacité de raffinage : 200 tonnes/an = 6,4 millions d’onces d’or
•Prix moyen de l’once : 2 000 USD
•Prime de valorisation (différence entre l’or raffiné localement vs exporté brut) : 30 à 60 USD par once
•Taux de transformation locale actuel : <10 %
•Fiscalité effective sur l’activité de raffinage : environ 10 % à 15 % des marges selon structure
•Nombre d’emplois directs estimés : 2 500 à 3 500
•Nombre d’emplois indirects : 10 000 à 15 000
Résultats estimés :
1) Valeur brute de l’or raffiné :
.200 tonnes/ an = 6,4 millions Oz x 2000 USD = 12 Mds US
2)Valeur ajoutée nette captée localement:
Prime de 30-60 USD/oz x6,4 Millions oz = 200 à 400 Millions USD
3)Recettes fiscales supplémentaires pour l’Etat: Impôt sur les sociétés,TVA, Redevances :
100 à 150 millions par an
4) Réduction de la fuite illicite de capitaux( estimation BCEAO): 200 à 300 millions USD/ an
5) Création d’emplois directs et indirects( raffinage,logistique,sécurité , maintenance et commerce):
12.000 à 18.000
6)Économies sur les frais logistiques et assurances ( Évitements des hubs étrangers pour le raffinage):
25 à 50 Millions USD/ an
En 5 ans, cette raffinerie pourrait générer plus d’1 milliard USD de gains cumulés pour le Mali, tout en stimulant des filières annexes : bijouterie, certification, stockage, formation professionnelle, et transport sécurisé.
Recommandations majeures pour un projet véritablement structurant:
1. Adopter un cadre fiscal incitatif et progressif
•Accorder des avantages temporaires aux compagnies qui choisissent de raffiner localement (TVA réduite, amortissement accéléré).
•Imposer à terme un quota progressif de transformation locale de l’or (ex. : 25 % en 2027, 50 % en 2029).
2. Créer un label international “Or Raffiné au Mali”
•Mettre en place une agence de certification nationale accréditée par le London Bullion Market Association (LBMA) pour garantir la qualité et la traçabilité.
3. Organiser la raffinerie en société anonyme mixte
•Structure de gouvernance partagée entre l’État, les États de l’AES intéressés le secteur privé malien et des autres pays de l’AES , des compagnies minières et des investisseurs techniques étrangers. Cela rassure les partenaires tout en garantissant l’ancrage national et régional
4. Planifier l’intégration régionale
•Offrir des conditions avantageuses pour les pays voisins souhaitant raffiner leur or au Mali, en créant une zone économique spéciale aurifère avec services douaniers, fiscaux et sécuritaires simplifiés.
5. Sécuriser l’approvisionnement énergétique et la logistique
•Doter le site d’une autonomie énergétique solaire + thermique,
•Construire une infrastructure logistique dédiée : voies d’accès, centres de stockage, transport sécurisé.
6. Former les talents maliens
•Créer une école de métallurgie et technologies minières, adossée à la raffinerie, pour former les ingénieurs, techniciens, agents de sécurité, etc.
Une ambition nationale à portée continentale :
Ce projet ne concerne pas que le Mali. Il incarne une stratégie de rupture pour les pays de l’AES et pour toute l’Afrique de l’Ouest, en brisant la logique postcoloniale d’exportation brute. Il peut être un socle d’intégration économique et un pas concret vers l’industrialisation minière africaine. Demain, c’est peut-être sur l’or certifié du Mali que reposera une monnaie régionale souveraine, stable et crédible.
Conclusion : Forger l’avenir du Mali et de la sous-région avec notre propre or
En 2027, la première barre d’or issue de cette raffinerie portera un sceau nouveau. Elle dira au monde : le Mali et la sous-région ne se contentent plus d’extraire, ils transforment,Ils ne subissent plus, il choisissent. Ce ne sera pas seulement un produit de plus sur le marché mondial : ce sera un symbole de dignité économique, un tournant vers une prospérité construite par les mains maliennes et africaines pour les générations maliennes et africaines.
Ne plus exporter nos rêves, mais les raffiner ici, au cœur du Sahel, voilà le défi. Et il commence maintenant.
H. Niang
Ancien Ministre ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Promotion des Investissements
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