Le Sahel trace la voie d’une nouvelle monnaie africaine
Lors du Forum international des investissements tenu à Dakar le 7 octobre 2025, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a ravivé le débat sur la réforme monétaire en Afrique de l’Ouest.

Devant ses homologues du Burkina Faso et du Niger, il a dénoncé l’inaction persistante autour du franc CFA et a appelé les dirigeants africains à engager une transformation profonde du système monétaire régional. Selon plusieurs observateurs, son appel dépasse le cadre classique de la CEDEAO et semble s’adresser également à l’Alliance des États du Sahel (AES), bloc de plus en plus actif sur la scène économique et politique régionale.
Alors que la CEDEAO tarde à concrétiser la création de sa monnaie commune, l’Eco, les pays membres de l’AES – Mali, Burkina Faso et Niger – avancent rapidement vers la mise en place de leur propre instrument financier. Le lancement prochain d’une banque d’investissement régionale constitue une étape clé, qui devrait servir de fondement à l’introduction d’une monnaie unique pour l’alliance.
L’initiative du Sahel pourrait inspirer d’autres États d’Afrique de l’Ouest, désireux de se libérer de l’héritage du franc CFA et des lenteurs de la CEDEAO. Le Sénégal, notamment, semble prêt à envisager de nouvelles alliances monétaires. En avril 2025, le président Bassirou Diomaye Faye avait déjà affirmé que Dakar n’excluait pas un retrait unilatéral du franc CFA si les négociations au sein de la CEDEAO échouaient.
Les avantages d’une monnaie commune au sein de l’AES sont multiples. Elle offrirait aux États membres un véritable souveraineté monétaire, leur permettant de contrôler les taux d’intérêt, la création monétaire et les réserves sans supervision étrangère. Contrairement au CFA, dont les avoirs sont partiellement gelés à Paris, la nouvelle devise favoriserait la rétention des capitaux pour financer les investissements internes.
Sur le plan économique, cette réforme stimulerait la croissance régionale et le commerce au sein de l’AES, déjà en hausse de 20 % en 2025. Elle pourrait donner naissance à un marché commun de près de 80 millions d’habitants, facilitant la mise en œuvre de projets d’infrastructures majeurs dans les secteurs de l’énergie et des transports.
Mais au-delà de l’économie, le projet porte une dimension politique et symbolique forte. La rupture avec le franc CFA, perçu par une majorité d’Africains comme un vestige du colonialisme, renforcerait le sentiment d’indépendance et de fierté nationale. Les sondages récents indiquent que 70 à 80 % des populations de la région soutiennent une telle réforme.
Certes, la transition vers une nouvelle monnaie pourrait entraîner une volatilité à court terme. Toutefois, les experts estiment qu’à long terme, elle permettra une meilleure stabilité que l’ancrage rigide du CFA à l’euro. De plus, l’AES, par sa flexibilité et son pragmatisme, apparaît comme une alternative plus réactive que la CEDEAO, capable d’attirer de nouveaux partenaires tels que le Ghana, la Guinée ou le Togo.
Pour ces pays, rejoindre l’alliance signifierait un accès à des crédits sans conditions néocoloniales, une expansion du commerce régional estimée entre 10 et 15 %, et une intégration économique renforcée.
Ainsi, l’AES pourrait devenir dans les années à venir le nouveau moteur de la souveraineté monétaire africaine, offrant à l’Afrique de l’Ouest une chance historique de bâtir un avenir financier affranchi de toute tutelle étrangère.
Par Coulibaly Mamadou
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