L’Assassinat de Cabral

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Parmi les abominables crimes du “boucher de Bamako” (titre mérité par GMT à la suite du “vendredi noir” 22 mars 1991), l’assassinat du leader estudiantin Abdoul Karim Camara dit Cabral figure parmi les plus emblématiques. Il fait partie de ces  morts (comme celle de Norbert Zongo en 1998 au Burkina Faso) qui nourrissent la lutte des peuples, les entraînant souvent jusqu’aux Révolutions, qui sont “les locomotives de l’histoire”.

Le dimanche 17 février 1980, les élèves et étudiants du Mali élisaient Cabral Secrétaire Général de l’UNEEM, en remplacement de Tiébilé Dramé qui n’était plus étudiant. L’UNEEM vivait dans la “semi clandestinité” parce que dissoute depuis le 5 janvier 1980 par la soldatesque qui dirigeait le Mali depuis le 19 novembre 1968. Dans ces moments de crise, accepter d’être leader en dit toujours long sur ceux qui acceptent la charge. Cabral en était, bien entendu. Tout dédié à son pays et à l’idéal qui l’a toujours poussé aux côtés des peuples en lutte pour leur émancipation (d’où le nom Cabral emprunté à Amilcal Cabral combattant de la Liberté en Guinée Bissau et au Cap Vert, crapuleusement assassiné, comme son homonyme, le 20 janvier 1973), Abdoul Karim Camara était un leader, un homme d’écoute, un partisan du consensus, chaque fois que de besoin, mais à cheval sur les principes.

Elu dans le feu de l’action, il entame un mandat d’un mois sans répit. A l’échec des négociations avec le pouvoir pour la libération de tous les élèves et étudiants arbitrairement détenus dans les cachots de GMT, il va mettre les troupes en alerte à la veille d’un jugement inique d’élèves incarcérés à Ségou. La condamnation de Amadou Kané, Macky Touré et autres le jeudi 07 mars dans la capitale des Balanzans met le feu aux poudres: une gigantesque marche violente de l’UNEEM est organisée le samedi 08 mars. A bras raccourcis, la police et la gendarmerie du régime aux abois s’abattent sur les “insurgés”, la direction du mouvement tombe dans la clandestinité. Le soir même, évaluant la situation, le Bureau de Coordination se donne la tâche d’imprimer des tracts ou d’en rédiger à la main pour dénoncer la persécution et la sauvage répression dont les élèves et étudiants sont l’objet. Nous nous souviendrons toujours de Cabral, griffonnant avec vigueur sur les tracts manuscrits, pour les rendre illisibles, les expressions “les élèves et étudiants torturés à la chilienne, à l’israélienne”. C’était au suivant contrôle des tâches, le mercredi 12 mars, dernière rencontre avec le Secrétaire Général de l’UNEEM, dans une ruelle de Bozola,  non loin de l’INA. En effet, au prochain rendez-vous fixé au dimanche 16 mars, le ponctuel Cabral n’apparut point…Il était tombé entre les griffes de la soldatesque de Moussa Traoré, torturé à la chilienne et à l’israélienne, par des Maliens, chose que lui Cabral estimait impensable.

 

Le Mali en ce début 1980 était tout caporalisé par l’absolutisme d’un régime militaire qui s’est accaparé du pouvoir d’Etat et régnait depuis par la terreur. C’est cet hydre que l’UNEEM affrontait en posant ses revendications démocratiques et d’amélioration des conditions d’études de ses militants. Au moment où tout cela est encore si frais dans nos mémoires, les bénéficiaires de ce régime de dictature, profitant du relâchement voire du renoncement à la Cause dont des acteurs du mouvement démocratique se sont rendus coupables (rappelez-vous l’assassin de Modibo Keita et de Cabral qualifié de grand républicain!) non seulement lèvent la tête (alors qu’ils devraient raser les murs par respect envers leur peuple) mais, dans une posture de réécriture de l’Histoire, tentent même de dépeindre le règne de 23 ans de dictature comme l’âge d’or de l’épanouissement du peuple malien martyr. Nous y reviendrons.

 

Ce dimanche 16 mars 1980 donc, Cabral entre les mains de ses assassins va subir ce que subissaient les patriotes et résistants chiliens sous la dictature de Pinochet ou ce que subissent encore aujourd’hui les combattants palestiniens sous l’occupant sioniste, sous les yeux d’une communauté internationale toute de complaisance envers son enfant gâté : Israël!

C’est ainsi qu’après l’avoir torturé à la chilienne et à l’israélienne, le pouvoir fait lire à Cabral drogué, l’impensable communiqué dans lequel Celui qui a passé sa vie à se battre pour son idéal d’un Mali de justice et de progrès dit “la lutte est terminée!”. C’était son adieu à ses camarades, car le lundi 17 Mars 1980, il nous passait le flambeau en continuant, outre-tombe, à nous “abreuver” de José Marti, ce penseur et homme politique Cubain, grand inspirateur de Cabral : “lorsque l’on meurt dans les bras de la Patrie reconnaissante, la mort n’existe plus, la prison est brisée, et renaît avec la mort, la Vie.” 

 Bamako, le 16 mars 2016

Djiguiba Kéita alias PPR

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9 COMMENTAIRES

  1. PPR, Cabral est surement une référence national. Ces camarade ont cessé de l’être depuis belle lurette, vous en faite partie. juste regardez dans le rétroviseur de vos pensées et agissements politiques. ensuite, mettez vous devant un miroir et regardez vous dans les yeux franchement. Si vous n’avez pas des remords c’est que vous êtes de la classe des hypo….. Vous connaissez à ce jour les vrais bouchers de Bamako.

  2. Suivons Bertold Brecht:
    "Quand l'injustice devient loi, la rébellion devient devoir"
    "Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite"
    Salut la nouvelle generation, ne courrez pas derriére l'argent mais amassez bien des richesses intellectuelles, morales et civiques…

  3. Suivons Bertold Brecht:
    "Quand l'injustice devient loi, la rébellion devient devoir"
    "Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite"
    Salut la nouvelle generation, ne courrez pas derriére l'argent mais amassez bien des richesses intellectuelles, morales et civiques…

  4. le mali n’ira nul part avec cette classe de politiciens oui en politique il existe bel et bien de la morale mais ceux ci n’ont même pas de vision pour un mali meilleur

  5. le mali n’ira nul part avec cette classe de politiciens oui en politique il existe bel et bien de la morale mais ceux ci n’ont même pas de vision pour un mali meilleur

  6. Merci pour le rappel de cette page rouge de notre histoire contemporaine.
    Merci pour”le fil d’Ariane” par lequel notre jeunesse doit remonter le temps pour retrouver son “moi” sans lequel elle sera un être hybride.
    OUI, nous devons nous souvenir de Abdoul Karim Camara,Cabral.
    OUI , nous devons nous souvenir pour que l’exemple qu’il fut serve cette jeunesse malienne.
    Nous devons rappeler à cette jeunesse les valeurs morales et de labeur qu’incarnait Cabral, leader dans une génération consciente de sa responsabilité face à l’histoire de ce pays.
    Nous devons rappeler qu’une jeunesse “béni oui oui” ne contribue pas à la construction d’une nation viable.
    OUI, CABRAL, après Samba Lamine SOW, Modibo DIALLO, nous avons oeuvré à l’avènement de Tiébilé DRAME à la tête de l’UNEEM.
    OUI, avec Cabral nous avons joué la pièce de théatre “Ni San Ciena Jatitè kalo la” que nous avons traduit par “Quand la tête est pourrie le corps s’étiole”.
    Nous devons nous souvenir pour que la mort lente qui nous guette ne prenne pas le déçu.
    “Ni an lara en sara”
    Courage à tous ceux qui comme Cabral ne travaillent pour que des “intellectuels” ne réécrivent l’histoire du Mali à notre place.
    Respectueusement………

  7. C’est un très bon article et merci pour la pertinence et la clarté de tes analyses .
    Pour tous les maliens , un devoir de mémoire s’impose .
    Nous n’oublieront jamais , nous n’avons nullement le droit d’oublier .
    Ceux qui tenteront de falsifier l’histoire nous trouveront sur leur chemin

    Nous resterons toujours vigilants et intraitables
    Nous ne permettront jamais à personne de salir la mémoire de nos martyrs

    • Yes .
      Mais pleurer sur le passé n’a de sens que s’il peut impulser l’avenir..
      Cabral était un grand Homme intègre, un”Change Master”; nous nous grandirons en ne l’oubliant point. 🙁 😥

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