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Le ministre algérien aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel[/caption]
Les observateurs s'interrogent sur le rôle qu'entend jouer Alger dans la crise du nord du Mali et en cas d'intervention militaire. Abdelkader Messahel, ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines, affirme au micro de Christophe Boisbouvier que l'Algérie ne découvre pas aujourd'hui le dossier et qu'il faut bien séparer les mouvements rebelles maliens des organisations terroristes.
Abdelkader Messahel, bonjour. Que pensez-vous de la résolution du Conseil de sécurité qui vient d’être prise sur le Mali ?
En fait, je pense que cette résolution est l’expression d’une plus grande convergence. Je crois que c’est une résolution qui prend en charge les préoccupations fondamentales en ce qui nous concerne, en tous les cas, en tant qu’Algérie, en tant que pays du champ [Algérie-Mali-Mauritanie-Niger, ndlr]. D’abord la préservation de l’intégrité territoriale du Mali, qui est non-négociable. La deuxième préoccupation prise en charge par cette résolution, c’est qu’aujourd’hui la menace est identifiée à travers cette résolution, puisqu’on parle des narcotrafiquants et du terrorisme, qui a toujours été le point de vue défendu par l’Algérie. La troisième préoccupation, c’est la centralité du Mali dans la recherche de toute solution à ses problèmes.
Il faut que Bamako soit d’accord…
Le quatrième élément essentiel qui est fondamental, dans le contexte actuel : l’Algérie a toujours défendu le principe du « double track ». La lutte et l’éradication du terrorisme, ce n’est pas un phénomène nouveau pour nous. Nous sommes un pays qui a beaucoup consenti et qui a beaucoup lutté contre le terrorisme et le crime organisé. Mais le plus important de cette résolution est qu’elle est en train de faire la démarcation entre ce qui peut être les groupes armés du Nord et le terrorisme, ça a été toujours la position de l’Algérie. Donc, je pense que cette résolution est un bon début.
Ce que vous appelez le « double track », c’est la double approche ?
La double approche, c’est quoi ? Je pense que les auditeurs de Radio France Internationale doivent bien comprendre la position de l’Algérie. Notre pays n’est pas en train de découvrir depuis six mois que dans cette région est le terrorisme. Pour nous, il n’y a pas de négociation avec le terrorisme. Le terrorisme et le crime organisé, il faut les éradiquer. En revanche, dans le nord du Mali, il y a toujours eu, depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui, des rebellions, de manière assez récurrente. Moi, je pense que l’occasion est venue pour que ces groupes au nord du Mali se distinguent du terrorisme et du crime organisé, et en même temps qu’ils s’engagent dans un processus national, qui préserve l’unité nationale du Mali et qui éloignent de ces groupes toute tentation d’indépendance, ou d’alliance ou de quelconque connivence avec des groupes terroristes. Donc : négociations avec les groupes qui se démarquent du terrorisme et du crime organisé, dans le cadre de la prise en charge de certaines revendications légitimes des populations du Nord.
Est-ce que le groupe Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali peut se démarquer de ces groupes terroristes ?
Nous souhaitons que ce groupe se démarque définitivement de tout ce qui est relation ou connivence avec tout ce qui est terrorisme. Nous le pensons, nous le souhaitons. Nous pensons également que le MLNA se démarque de toutes ses revendications indépendantistes. A partir de là…
Et le Mujao ?
Le Mujao, c’est un groupe terroriste, c’est un groupe de narcotrafiquants. D’ailleurs, je suis très surpris que votre radio ne mette pas tellement en exergue tout ce qu’il fait comme dégâts dans la région.
Avec d’ailleurs des ressortissants algériens pris en otages d’ailleurs par le Mujao…
Le Mujao est un groupe terroriste, composé de narcotrafiquants notoires et connus. Donc, je pense que de ce côté-là, il n’y a pas équivoque. Donc, il faut faire la distinction, parce qu’on a l’impression, chez beaucoup, même nos frères au niveau du continent, le nord du Mali pense que c’est une région qui est prise en charge totalement par l’intégrisme religieux, par l’islamisme, par le narcotrafiquant. Non. Il y a des groupes qui tous les dix ans mènent des révoltes. Je pense qu’il faut une approche globale. Et c’est le moment de régler définitivement les problèmes. Moi, je reviens d’une tournée dans les pays du Sahel. J’étais particulièrement au Mali. J’étais vraiment heureux de voir comment il y a une prise de conscience sur des problèmes essentiels pour les Maliens, à savoir la préservation de leur unité nationale, le dialogue avec ceux qui renoncent au terrorisme et au crime organisé, et avec un débat global qui impliquerait toutes les populations du Nord – les Arabes, les Songhaïs, les Peuls, les Touaregs… Moi, je pense que nous sommes dans une dynamique qu’il va falloir consolider. Mais il faut qu’il n’y ait plus d’équivoque sur la position de l’Algérie : le terrorisme et le crime organisé, il faut le convaincre surtout par la force.
Dans le cadre de cette « double approche », si l’approche militaire est privilégiée, est-ce que l’Algérie serait prête à y apporter sa contribution ?
L’Algérie a un cadre dans lequel elle travaille avec les pays du champ. Nous avons un comité politique, nous avons un comité d’état-major. Nous avons une unité de vision entre les services de renseignement. Donc, nous sommes déjà engagés dans la lutte antiterroriste. L’Algérie a des accords militaires bilatéraux avec le Mali, qui ne datent pas d’aujourd’hui. Nous faisons de la formation, nous faisons dans le renforcement des capacités, nous faisons dans le soutien logistique. Donc, ce n’est pas quelque chose de nouveau pour nous. Et nous sommes dans un contexte, si l’Algérie, d’ailleurs comme tous les pays du champ, est sollicitée, d’ailleurs la résolution du Conseil de sécurité le souhaite, donc, nous, nous sommes pour le renforcement des capacités de l’armée malienne, qui doit être elle aussi au centre dans le redéploiement de l’Etat malien à travers tout son territoire.
Vous pourriez donc apporter votre aide logistique ?
Le soutien logistique, nous l’avons fait, dans la limite de nos moyens à différentes étapes des relations entre nos deux pays. Et je pense que dans la lutte antiterroriste, nous partageons l’information, nous partageons nos analyses. Je pense que sur ce plan-là, il n’y pas d’équivoque.
Est-ce que votre prudence actuelle n’est pas liée au fait que vous ne voulez pas voir de soldats français au sud de vos frontières ?
Le problème, ce n’est pas une question de prudence. Moi, je pense qu’il faut faire la bonne analyse, voir réellement quels sont les rapports de force et surtout éviter des dérives à notre région. Il faut se concerter. Nous sommes dans un dialogue avec les Français. Moi, j’étais à Paris il y a quelques jours. Donc, on a eu…
François Hollande va venir à Alger dans quelques semaines…
On a eu une bonne concertation avec nos partenaires français. Les Américains étaient chez nous. Je pars, moi, aux Etats-Unis dans quelques jours. Donc, je pense que le dialogue que nous avons amorcé avec les partenaires les plus importants rend les positions convergentes envers la stabilité du Mali, son unité nationale et surtout, surtout, pour ce pays-là, lui éviter de graves dérives.
RFI/ 16/10/2012