Sahel central : plus de 19 millions de personnes confrontées à la crise alimentaire
Un rapport conjoint de Food Security and Nutrition Working Group, soutenu par l’IGAD et la CEDEAO, a récemment tiré la sonnette d’alarme sur une réalité largement reléguée en arrière-plan.

Le Sahel, ainsi qu’une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, traverse une crise alimentaire d’une ampleur sans précédent.
Près de 52 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans la région, soit une augmentation de 30% par rapport à 2023. Pour le seul Sahel central (Mali, Burkina Faso, Niger), 19 millions de personnes sont touchées, dont plus de 3 millions en situation d’urgence humanitaire (phase 4 selon le Cadre Harmonisé).
Le nombre de déplacés internes continue de croître. En avril 2025, on dénombrait 4,85 millions de personnes déplacées au sein des pays sahéliens. La majorité de ces déplacements est causée par les conflits armés, mais les sécheresses prolongées, la hausse des prix alimentaires et l’effondrement des moyens d’existence aggravent la situation. En moyenne, le prix du mil, aliment de base dans la région, a augmenté de 48% au Burkina Faso, de 52% au Mali et de près de 60% au Niger depuis le début de l’année.
La crise touche désormais des zones autrefois considérées comme stables. Au Mali, des régions comme Sikasso ou Ségou, habituellement excédentaires sur le plan agricole, affichent aujourd’hui des poches de malnutrition sévère. Au Burkina Faso, près de 800 000 personnes vivent actuellement dans des zones hors de contrôle de l’État, où l’accès humanitaire est extrêmement limité, voire impossible. Les distributions alimentaires du Programme alimentaire mondial n’atteignent plus qu’une fraction des bénéficiaires identifiés dans certaines zones, en raison des risques sécuritaires.
Un désengagement progressif des partenaires techniques et financiers traditionnels
Face à cela, les réponses nationales restent en deçà. Aucun plan actualisé de riposte multisectorielle n’a été publié depuis le début du deuxième trimestre 2025. Les Plans de réponse humanitaire des pays concernés accusent des retards de financement critiques : le Mali n’a mobilisé que 19% des 752 millions de dollars nécessaires, le Niger 23% sur un besoin estimé à 638 millions et le Burkina Faso 16% sur 671 millions attendus. Ces chiffres traduisent un désengagement progressif des partenaires techniques et financiers traditionnels, mais aussi une faiblesse interne de mobilisation des ressources domestiques.
Les États sahéliens, pris dans des enjeux de souveraineté, de réformes monétaires et de redéfinition de leurs alliances, semblent parfois reléguer cette urgence alimentaire au second plan. Et pourtant, c’est bien la faim, silencieuse et persistante, qui mine les fondations sociales. Les tensions communautaires, les déplacements forcés, l’effondrement du tissu économique rural, tout cela découle d’une insécurité alimentaire structurelle, qui dépasse la seule saison agricole.
Le rapport de FSNWG appelle à une rupture. Il ne suffit plus de distribuer de la nourriture, ni de gérer des crises à court terme. Il faut repenser les politiques agricoles, sécuriser les marchés locaux, créer des stocks alimentaires stratégiques, investir dans les cultures résilientes et surtout redonner un pouvoir économique réel aux communautés rurales.
Sans cela, les États risquent de perdre le peu de cohésion territoriale qui leur reste. Il y a assurément tellement de faille que les discours politiques et les promesses peinent à combler.
Cheick B. CISSE
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