Le football malien : Même pas meilleur deuxième : le talent ne suffit point
Le verdict est tombé, cruel mais prévisible. Le Mali ne participera pas au prochain Mondial et n’a même pas réussi à figurer parmi les meilleurs deuxièmes des éliminatoires.

Pour une nation souvent citée parmi les grandes promesses du football africain, le constat est désolant. Une génération pleine de talents, mais un système malade.
Le football malien, miné par un amateurisme institutionnel et un manque de mental collectif, semble condamné à revivre les mêmes désillusions, décennie après décennie.
Une longue disette qui dure depuis 1972
Depuis sa seule finale de Coupe d’Afrique des Nations en 1972, perdue face au Congo, le Mali court après un titre majeur.
Cette génération emmenée par le légendaire Salif Keïta, premier Ballon d’Or africain (1970), incarnait alors l’âge d’or d’un football audacieux et inspiré. Mais depuis, plus de cinquante ans de frustration et d’occasions manquées ont suivi.
En 1994, les Aigles signaient un retour prometteur sur la scène continentale, atteignant les demi-finales de la CAN en Tunisie. L’espoir renaissait.
Pourtant, le Mali n’a jamais su franchir le cap décisif. Des joueurs comme Frédéric Oumar Kanouté, Seydou Keïta, Mahamadou Diarra, Momo Sissoko ont fait rayonner le pays à l’étranger, sans parvenir à écrire une page dorée avec la sélection nationale. Des stars, mais pas de titres. Des talents, mais pas d’identité collective.
Un problème de mentalité et d’ambition
Le constat s’impose : le football malien ne manque pas de techniciens, mais d’une mentalité conquérante. Trop de joueurs abordent les compétitions avec un état d’esprit résigné, sans la rage de vaincre qu’impose le haut niveau.
Le confort individuel, renforcé par la réussite en club, semble parfois l’emporter sur le sens du devoir national. Contrairement à des sélections comme le Sénégal ou le Maroc, où la fierté du maillot transcende les ego, le Mali peine à bâtir une culture de la gagne.
Les générations passent, le talent reste, mais le mental collectif demeure fragile.
Une direction sans vision, prisonnière de l’amateurisme
Le mal est aussi et surtout institutionnel. La Fédération malienne de football (FEMAFOOT) a longtemps été le théâtre de rivalités politiques et personnelles, au détriment de la planification technique. Trop souvent, les postes de décision reviennent à des personnes qui ne connaissent pas véritablement le football, incapables de bâtir une stratégie à long terme. Les crises internes, les querelles de leadership et la politisation du sport ont freiné toute réforme sérieuse.
Le limogeage d’Éric Sékou Chelle, censé amorcer un nouveau départ, n’aura été qu’un épisode de plus dans ce qui peut être qualifié comme d’un essayage incertain, preuve d’un système instable et sans continuité.
Le championnat local, lui, reste sous-financé, mal structuré, et incapable d’alimenter durablement l’équipe nationale.
Un potentiel inexploité
De génération en génération, le Mali produit des talents précoces en témoigne le succès des sélections U17 et U20, souvent parmi les meilleures d’Afrique.
Mais la transition vers le haut niveau reste mal gérée : absence de suivi, cadre institutionnel impropice, entre autres.
Le pays demeure ainsi un “vivier brut”, incapable de transformer ses promesses en performances durables. Le problème n’est pas le talent : c’est la structure qui l’entoure.
Pour reconstruire : redonner le pouvoir aux vrais hommes du football
La renaissance du football malien doit passer par une révolution institutionnelle.
Il faut confier la gestion du sport roi à des professionnels formés, à des anciens joueurs et techniciens capables de comprendre les exigences du haut niveau.
Des figures comme Seydou Keïta, Frédéric Kanouté, Mohamed Lamine Sissoko ou Mahamadou Diarra, et bien d’autres pourraient jouer un rôle moteur dans cette refondation. Le football malien a donc besoin d’une vision à long terme, indépendante des cycles politiques, d’un programme national de formation cohérent, d’une professionnalisation des clubs, d’une direction technique nationale stable. Mais surtout, d’une réelle volonté de reformer le secteur, débarrassé de toutes interférences malsaines.
Un sursaut ou une fatalité ?
Depuis 1972, le Mali vit sur un héritage de promesses et d’espoirs sans lendemain.
Le pays n’a jamais manqué de talent, mais il a toujours manqué d’ambition collective, de rigueur et de professionnalisme. Le football malien est à la croisée des chemins :
Soit il continue à vivre dans le cycle des illusions, soit il se dote enfin d’un projet national clair, porté par des acteurs du terrain. Car à force de rater les rendez-vous de l’histoire, le message devient clair : le talent ne suffit point.
Ahmed M. Thiam
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