Crise de carburant :: Une épreuve qui sera surmontée
Étouffer la capitale, attiser la colère populaire, fissurer la solidarité nationale : telle est la nouvelle équation des groupes armés qui cherchent à transformer la pénurie de carburant en instrument de déstabilisation. Face à cette offensive insidieuse, les autorités maliennes ont choisi la résilience, coûteuse, mais indispensable.

Depuis plusieurs semaines, Bamako respire difficilement. Dans les files interminables des stations-service, les visages sont fermés, les voix s’élèvent, la rumeur enfle. Officiellement, il s’agit d’une pénurie de carburant, comme le pays en a déjà connu. Mais en profondeur, c’est une offensive d’un autre genre qui se joue : celle d’un étranglement planifié, visant à transformer la fatigue sociale en levier politique.
Les attaques répétées contre les camions-citernes sur les routes du Sénégal et de la Côte d’Ivoire n’ont rien de fortuit. Elles obéissent à une logique : couper Bamako de ses sources d’approvisionnement, isoler la capitale, et faire de la rareté une arme psychologique. Les assaillants ne cherchent pas seulement à brûler des citernes, ils veulent enflammer les esprits.
Le carburant, arme de siège
Pour les stratèges jihadistes, l’objectif est simple : provoquer une crise urbaine majeure. Si Bamako manque d’essence, si les transports se figent et que les prix s’envolent, alors la colère populaire viendra naturellement éroder le soutien dont bénéficie le pouvoir. Et dans cette confusion, les forces armées, contraintes de protéger le sud, abandonneraient leurs positions avancées dans le nord et le centre.
C’est le piège : transformer une crise d’approvisionnement en effondrement moral et stratégique. L’arme n’est plus la kalachnikov, mais la rareté, un siège économique, une guerre d’usure.
La riposte logistique d’un État debout
Conscient du danger, l’État malien a décidé de répondre non pas dans le discours, mais par l’action. Des convois militaires escortent désormais les camions-citernes depuis les ports de Dakar et d’Abidjan. Des moyens aériens sont engagés pour surveiller les axes les plus exposés. Chaque litre de carburant livré à Bamako devient ainsi une victoire logistique, mais aussi symbolique.
Cette stratégie a un coût : celui du carburant consommé pour protéger le carburant, des heures de vol, des primes de risque. Mais reculer serait pire. Car derrière les pipelines et les routes d’approvisionnement se joue la survie d’un État qui refuse de plier.
Les rumeurs, un autre champ de bataille
Les jihadistes le savent : une société déstabilisée n’a pas besoin de bombes pour vaciller. Il suffit d’une rumeur. À chaque hausse de prix, à chaque station fermée, les spéculations surgissent : « les autorités cachent les stocks », « les militaires sont prioritaires », « le carburant est réservé aux privilégiés ». Ces mots, ces soupçons, minent la confiance — et c’est bien cette fracture invisible que cherchent à creuser les ennemis du pays.
L’enjeu n’est donc plus seulement sécuritaire ou économique : il est psychologique. Tenir, c’est refuser la panique. Résister, c’est garder confiance.
L’unité, première ligne de défense
Dans cette bataille sans front, la cohésion nationale reste la meilleure défense. Les autorités, les leaders religieux, les médias et les citoyens sont appelés à faire bloc. Ne pas céder aux spéculations, refuser les manipulations, préserver la solidarité — voilà l’autre front, celui que les balles ne peuvent atteindre.
Car au fond, la guerre que traverse le Mali n’est pas seulement territoriale. Elle vise les esprits, les convictions, la confiance collective. Et c’est là que se joue la différence entre une crise passagère et un effondrement durable.
Le test d’une nation
Douze ans après le début du conflit, le Mali se retrouve face à une épreuve inédite : celle de la résilience civile. Les groupes armés veulent un pays qui doute ; les autorités veulent un pays qui tienne. Entre ces deux visions, c’est la maturité nationale qui s’éprouve.
La bataille du carburant n’est pas qu’une crise d’essence : c’est un test de stabilité, un révélateur de force morale. Et dans cette guerre d’usure, la première victoire, c’est de rester debout, ensemble.
A.Tounkara
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