Révision constitutionnelle : Souhaitée par le président de la République

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Par correspondance N°303/PRM du 01 juillet 2011, le président de la République a déposé sur la table des députés un projet de loi portant révision de la Constitution de 1992, dont nous vous proposons le texte intégral.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
J’ai l’honneur de vous transmettre, pour préparation à la délibération de l’Assemblée nationale, le projet de loi portant révision de la Constitution.

Ce projet de loi que j’ai initié a été présenté au conseil des ministres du 15 juin, après avis de la Cour suprême.

Le 19 avril 2010, j’ai publié le projet de réformes politiques pour la consolidation de la démocratie au Mali. Ce document a retenu les mesures jugées pertinentes et utiles parmi celles proposées par le Comité d’experts que j’avais mis en place en février 2008. Les unes renvoient à la révision de la Constitution du 25 février 1992 ; les autres, à la modification ou à l’élaboration des textes fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de certaines institutions de la République ou le cadre juridique de l’exercice de droits et libertés.

Le projet de loi de révision de la Constitution, sur lequel le peuple malien sera appelé à se prononcer, s’inscrit dans une démarche cherchant à améliorer le processus démocratique, à adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant.

Dans la forme, il conserve sans changement plus de la moitié des dispositions du texte de 1992. Au fond, en plus d’une légère reformulation du préambule et certains articles imposés par l’institution d’une seconde chambre et de la consécration, en plus du français, des langues nationales comme langues d’expression officielle, il comporte des réaménagements significatifs. Toutes ces innovations sont inscrites dans les cent cinq (105) articles qui vous sont soumis. Elles portent sur l’organisation et le fonctionnement des institutions, le régime des droits et libertés, notamment le droit de suffrage, et les délais de tenue des élections présidentielles.

1.    Il est proposé un réaménagement de l’exécutif dans le cadre du régime semi- présidentiel actuel :
2.   
– Deux nouvelles conditions sont posées pour la recevabilité de la candidature à l’élection du président de la République : il faut être Malien «d’origine» et n’avoir aucune autre nationalité et être âgé de moins de 75 ans ;

– Le président de la République prête serment désormais devant la Cour constitutionnelle (qui n’était pas créée en 1992) en gardant sa coiffure conformément aux dispositions du guide du protocole règlementant les tenues pour les cérémonies officielles ;

– Le président de la République conserve les pouvoirs propres que lui confère la Constitution. En outre, il définit la politique de la nation dont le gouvernement assure la conduite ;

– La possibilité est donnée au président de la République de mettre fin aux fonctions du Premier ministre sans la présentation par celui-ci  de la démission du gouvernement. Dans la même logique, la fin de la mission du Premier ministre entraîne la démission collective des autres membres du gouvernement ;

– Il est prévu de laisser vacant le siège du député appelé au gouvernement. Dans ce cas, l’exercice de son mandat est suspendu. A la fin de sa mission gouvernementale, sauf s’il fait l’objet de poursuites judiciaires, il retrouve son siège ;

– Le régime de déclaration des biens du président de la République, du Premier ministre et des ministres a été réaménagé pour permettre le contrôle de la véracité des déclarations et assurer un meilleur suivi de l’évolution du patrimoine ;

– Le statut pénal du président de la République est complété. Un régime de sanction est organisé pour les infractions commises en dehors de l’exercice de ses fonctions ;

– Le gouvernement demeure responsable devant l’Assemblée nationale qui peut le renverser. Mais, il ne peut présenter qu’un programme de gouvernement.

2. Le Parlement est renforcé :
2.1. Il est crée une seconde chambre, le Sénat, qui imprimera une nouvelle dynamique au travail législatif que pour le contrôle de l’action gouvernementale ;

2.2. Les capacités du Parlement sont renforcées tant par l’exercice de la fonction législative que pour le contrôle de l’action gouvernementale, notamment avec la possibilité qui lui est donnée de recourir à l’appui de la Cour des comptes.

3. Le pouvoir juridictionnel est réaménagé pour répondre aux exigences actuelles :
3.1. Les compétences de la Cour constitutionnelle en matière électorale (articles 33 et 86 nouveaux) sont réaménagées afin de la décharger de la proclamation des résultats des élections législatives et présidentielle. Elle ne connaîtra que des réclamations consécutives à la proclamation des résultats. Ses moyens sont renforcés et les procédures d’investigation réaménagées pour faire mieux accepter ses décisions ;

3.2. Pour renforcer l’indépendance des membres de la Cour constitutionnelle à l’égard des autorités de nomination, il leur est confié un mandat non renouvelable dont la durée est portée à 9 ans. Il est institué un renouvellement par tiers de ses membres tous les 3 ans. Les neuf membres sont nommés, à l’occurrence de trois, par le président de la République, deux par le président de l’Assemblée nationale, deux par le président du Sénat et deux, par le Conseil supérieur de la magistrature ;
3.3. Il est ouvert un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception ouvert aux justiciables ;
3.4. La Cour suprême, constituée de la Section judiciaire et de la Section administrative est maintenue en tant qu’institution constitutionnelle ;

3.5. L’actuelle Section des comptes devient la nouvelle Cour des comptes, juridiction suprême d’un nouvel ordre formé avec des chambres régionales des comptes.

4. Le Haut conseil des collectivités qui est resté sans impact sur le fonctionnement de l’Etat est supprimé.

5. Le Conseil économique social et culturel est réaménagé dans ses attributions et ses modalités de fonctionnement. Son caractère d’organe consultatif est affirmé ainsi que le caractère facultatif de sa consultation :

5.1. L’exposé du recueil des attentes, des besoins et des problèmes de la société civile avec des orientations et des propositions devant les institutions est de droit ;
5.2. Pour rendre effectifs les principes du tripartisme, les représentants de l’Etat seront des conseillers à part entière désignés par le président de la République ;
5.3. A l’instar des autres institutions de la République, l’organisation, les règles de fonctionnement et la désignation des membres du CESC seront désormais fixées par une loi organique.

6. L’autorité chargée de la gestion des réclamations mettant en cause une décision administrative peut consulter la Cour constitutionnelle et la Cour suprême.

7. Une nouvelle autorité indépendante dont le statut est organisé par une loi organique assure la régulation de l’audio visuel et veille  au respect de l’expression plurielle des courants de pensée et d’opinion. Il  remplace le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat et le Conseil supérieur de la communication.

8. Le régime libéral qui régit la formation des partis politiques est maintenu. Et il est consacré selon la voie appropriée, la possibilité pour les groupements politiques aussi de concourir à l’expression du suffrage.

9. De nouvelles perspectives sont ouvertes en ce qui concerne les élections :

9.1. Il est donné un fondement constitutionnel à l’élection des députés selon un système mixte combinant le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle ;

9.2. Les délais et le calendrier électoral sont revus pour tenir compte des expériences vécues ;
9.3 Une meilleure assise juridique est donnée aux mesures de discrimination positive favorisant l’accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

10. Les droits et libertés sont mieux protégés avec l’institution du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception.

11. La procédure de révision de la Constitution est assouplie par la possibilité ouverte de le faire sans passer par le référendum qui ne demeure obligatoire que pour la modification de la durée et de la limitation du nombre de mandats présidentiels.

Telle est l’économie du projet de loi soumis à la délibération de votre auguste Assemblée.
Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de ma très haute considération.
Le président de la République, Amadou Toumani Touré

Notre commentaire :
On dénombre 122 articles dans la Constitution du 25 février 1992. Alors que 105 anciens articles font l’objet de révision. S’agissant de ladite révision constitutionnelle :

– l’article 17 précise que le troisième alinéa de l’article 36 de la Constitution est complété par la phrase suivante : «La personnalité assurant les fonctions de Président de la République ne peut être candidat à ladite élection ». Comme telle, cette disposition exclu d’office, en cas de vide constitutionnel, l’actuel Président de l’Assemblée nationale candidat potentiel de l’ADEMA PASJ ;
– l’article 9 dispose que le premier alinéa de l’article 28 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes : «Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi». Cette disposition peut être sujet à interprétation, s’agit il des partis politiques qui regroupent leurs forces pour une conquête du pouvoir ? Où s’agit-il des associations à caractère politique ? Si tel est le cas, il est certain que cela contribue à affaiblir les partis politiques et favorise les candidatures indépendantes ;

– l’article 11 dispose que l’article 31 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes : «Article 31 : Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine, n’avoir aucune autre nationalité et jouir de ses droits civils et politiques. Le candidat doit, le jour de l’élection, être âgé d’au moins trente cinq (5) ans et d’au plus soixante quinze (75) ans».

Cet article exclu les potentiels candidats bénéficiant de la nationalité malienne par le droit du sol, c’est-à-dire nés sur le territoire malien mais de parents d’origine étrangère. L’âge maximum retenu paraît élevé pour assurer la plus haute fonction de l’Etat ; il est évident que c’est à cet âge que les ennuis de santé se font plus pressent et plus grave, l’individu est très exposé à la sénilité. Ne serait-il pas raisonnable de ramener l’âge maximum à 65 ans, qui amènera le Président de la République après deux mandats successifs de se retirer de la vie active à l’âge de 75 ans, qui semble être l’âge limite pour toute activité professionnelle.
La Rédaction

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