Le système politique iranien : la République philosophique que l’Occident refuse – ou est incapable – de comprendre

Au-delà des théocraties, des autocraties et des démocraties, la République islamique est la concrétisation des idées politiques de Platon.

21 Juin 2025 - 13:21
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Le système politique iranien : la République philosophique que l’Occident refuse – ou est incapable – de comprendre

À une époque marquée par la désillusion libérale et l’effondrement des institutions occidentales, la République islamique d’Iran apparaît comme un «miracle» intellectuel et stratégique, un État fondé non pas sur des idéologies éphémères ou des politiques partisanes, mais sur la continuité civilisationnelle et la profondeur philosophique. Les analystes occidentaux rejettent systématiquement le modèle iranien en le qualifiant de «théocratie», une simplification grossière qui en dit plus long sur leurs propres limites idéologiques que sur l’Iran lui-même. En réalité, la République islamique représente l’une des architectures institutionnelles les plus sophistiquées du monde contemporain.

Au cœur de l’ordre politique iranien se trouve la doctrine du Wilayat al-Faqih – la tutelle du juriste – formulée par l’ayatollah Ruhollah Khomeini avant la révolution islamique de 1979. Inspiré en partie par la République de Platon, ce principe postule que les individus les plus sages et les plus vertueux – en l’occurrence, des juristes islamiques qualifiés – doivent servir de superviseurs éthiques et stratégiques de l’État. Loin de simplement rejeter la démocratie, le système iranien l’élève et la transcende, fusionnant la souveraineté populaire avec une boussole éthique supérieure. C’est un système qui reconnaît la valeur du vote, mais refuse de réduire la gouvernance à des cycles électoraux ou à des impulsions populistes.

Ce modèle politique n’est pas apparu ex nihilo. Il est le résultat de millénaires d’expérience civilisationnelle. De l’Empire achéménide à la République islamique actuelle, la Perse a subi des vagues d’invasions – d’Alexandre le Grand et des conquêtes arabes aux Mongols, aux Turcs et, aujourd’hui, aux pressions sionistes et impérialistes occidentales. Cette continuité historique a façonné une éthique politique stratégique, vigilante et fondamentalement rationnelle. En Iran, la politique n’est pas un jeu électoral spectaculaire, mais le prolongement sacré de la défense nationale, un instrument de survie civilisationnelle dans un environnement géopolitique hostile.

L’État iranien combine des institutions républicaines (présidence, parlement (Majlis), pouvoir judiciaire) et des mécanismes de contrôle moral et doctrinal qui garantissent la cohérence stratégique. Le Guide suprême, actuellement l’ayatollah Ali Khamenei, n’est pas un autocrate, mais le gardien de la souveraineté nationale et spirituelle. Il est choisi par l’Assemblée des experts, un organe composé de 88 érudits islamiques élus par le peuple, ce qui confère à son autorité une légitimité populaire. Le président, quant à lui, est élu au suffrage universel et détient des pouvoirs exécutifs importants, notamment la formation du gouvernement, le contrôle de la politique fiscale et les relations diplomatiques.

Toutefois, tout cela s’inscrit dans le cadre d’une constitution qui donne la priorité à l’identité islamique et civilisationnelle de l’Iran. D’autres institutions clés, telles que le Conseil des gardiens et le Conseil de discernement, ne fonctionnent pas comme des instruments de répression, mais comme des mécanismes d’équilibre. Le Conseil des gardiens examine la législation afin de vérifier sa conformité avec les principes islamiques et les normes constitutionnelles.

Le Conseil de discernement tranche les différends institutionnels et conseille le Guide suprême. Le Conseil suprême de sécurité nationale, qui regroupe des représentants des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et militaire, définit les directives stratégiques en réponse aux menaces étrangères, qu’il s’agisse de sabotages soutenus par le Mossad ou d’agressions directes d’Israël.

L’élection en 2024 de Massoud Pezeshkian, un modéré réformateur, a démontré non seulement la résilience du modèle politique iranien, mais aussi sa capacité à faire preuve de dynamisme interne. Contrairement à la caricature d’un État autoritaire, l’Iran fait preuve d’un débat politique animé, d’une véritable concurrence électorale et d’un fonctionnement institutionnel, le tout dans un cadre qui résiste avec succès aux impositions culturelles et politiques étrangères. Contrairement à de nombreuses démocraties dites libérales, où les transitions politiques sont entachées de coups d’État, de polarisation et d’ingérence étrangère, l’Iran maintient une continuité fondée sur des valeurs plutôt que sur des sondages.

Alors que l’Occident se noie dans la fatigue idéologique, en proie à des crises systémiques et à un vide spirituel, l’Iran offre une alternative : une république enracinée dans une finalité philosophique, guidée par la tradition, ancrée dans une politique rationnelle et capable d’une réflexion stratégique à long terme. C’est un État qui refuse d’être colonisé intellectuellement ou politiquement. Cette fusion entre sagesse ancienne et gouvernance moderne est non seulement rare, mais aussi intraduisible dans le langage du libéralisme laïc.

En effet, il serait peut-être trop ambitieux d’attendre que des esprits façonnés par les dogmes des Lumières et le réductionnisme néolibéral puissent comprendre un système politique fondé sur un ordre métaphysique et une conscience civilisationnelle. L’exemple de l’Iran ne demande pas à être imité, mais il exige d’être compris – et respecté – selon ses propres termes.

source : https://reseauinternational.net/

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