Le Mali à la CIJ : quand la dérision algérienne se heurte au droit international
Le 19 septembre 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a publié un communiqué confirmant que le Mali a déposé, le 16 septembre, une requête introductive d’instance contre l’Algérie.

L’affaire porte sur la destruction présumée, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, d’un drone de reconnaissance malien par les forces de défense algériennes, alors que l’appareil effectuait une mission de surveillance dans l’espace aérien du Mali.
Je signale que derrière la sobriété du communiqué se cache un acte d’une portée considérable : Bamako accuse Alger d’avoir franchi une ligne rouge. Il ne s’agit pas d’un simple incident technique ni d’une rumeur, mais d’un acte d’agression caractérisé, en violation flagrante de la Charte des Nations unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine et du Pacte de non-agression et de défense commune de 2005. Notre pays appuie son argumentaire sur la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui définit précisément ce qui constitue une agression. En saisissant la CIJ, le Mali a pris soin de s’appuyer sur les dispositions juridiques adéquates, invoquant l’article 40 du Statut de la Cour et l’article 38(5) de son Règlement. Cette démarche permet de déposer une requête même en l’absence d’un consentement préalable de l’État défendeur. Désormais, la balle est dans le camp de l’Algérie, appelée à décider si elle accepte ou non de se soumettre à la compétence de la Cour.
Ce qui retient l’attention, au-delà de l’aspect juridique, c’est le contraste entre le sérieux de la démarche malienne et la désinvolture affichée par Alger depuis des mois. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Mphamed Attaf au lieu de prendre au sérieux l’accusation de Bamako, a choisi d’en rire publiquement. En conférence de presse, il a balayé l’affaire d’un revers de main, la qualifiant de « fake news » et insinuant qu’il s’agissait d’une manipulation médiatique destinée à brouiller l’opinion publique. Cette posture faite de dérision s’avère aujourd’hui intenable. La saisine de la CIJ a donné à la plainte malienne une dimension solennelle, balayant l’argument de la rumeur ou de l’invention. Ce qui était tourné en dérision par Alger est désormais inscrit dans les registres de la plus haute juridiction internationale.
Il est clair que le ministre algérien a commis une faute politique. En croyant désamorcer la gravité de l’accusation par la moquerie, il a en réalité affaibli la position de son pays. Car désormais, deux scénarios se présentent : soit l’Algérie refuse de reconnaître la compétence de la CIJ, et elle apparaîtra aux yeux du monde comme une puissance régionale qui fuit ses responsabilités ; soit elle accepte, et elle devra affronter un débat juridique où ses actes seront examinés à la lumière du droit international. Dans les deux cas, la légèreté initiale devient un handicap.
Pour le Mali, cette initiative dépasse largement le cadre d’un contentieux bilatéral. Elle constitue un signal politique adressé à la communauté internationale : un État peut mobiliser les instruments du droit international pour défendre sa souveraineté et demander des comptes lorsqu’il s’estime agressé. La CIJ n’est pas seulement un tribunal technique, c’est aussi un espace où se joue la crédibilité des États. En choisissant de s’y présenter, Bamako modifie le rapport de force et oblige Alger à sortir de sa posture de dénégation.
Ainsi, l’Algérie se retrouve acculée par sa propre imprudence. Refuser de comparaître devant la CIJ, c’est se discréditer en alimentant l’idée que la dérision et la négation ne suffisent pas à masquer la réalité des faits. Accepter, c’est courir le risque d’une condamnation qui affaiblirait son image régionale. Dans les deux hypothèses, la diplomatie algérienne paie le prix d’un calcul à courte vue. Le ministre des Affaires étrangères, qui avait voulu tourner en ridicule la plainte malienne, se retrouve en porte-à-faux. Ce qu’il avait qualifié de “fake news” est désormais gravé dans les annales de la justice internationale, rappelant que les rires moqueurs pèsent bien peu face au sérieux implacable du droit.
Dicko Seidina Oumar
Journaliste- Historien- Écrivain
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