Poutine veut un nouvel ordre mondial pour contrer l’Occident: à quoi ressemble-t-il?

Le président russe Vladimir Poutine est actuellement en visite en Chine pour y promouvoir son idée d’un nouvel ordre mondial. À quoi ressemble-t-il? Le bloc que Poutine tente de forger est-il puissant et influent? Que cela signifie-t-il pour l’Europe et pour la suite de la guerre en Ukraine?

1 Sep 2025 - 13:21
1 Sep 2025 - 14:06
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Poutine veut un nouvel ordre mondial pour contrer l’Occident: à quoi ressemble-t-il?

1. À quoi ressemble le nouvel ordre mondial voulu par Poutine?

Le président russe a exposé sa vision en détail le jeudi 7 novembre dernier, lors d’un discours et d’une table ronde de plus de trois heures à l’occasion de la réunion annuelle du Valdai Discussion Club à Sotchi. Poutine a esquissé un ordre mondial multipolaire comme alternative à “l’hégémonie occidentale” actuelle.

Selon lui, l’ordre mondial dominé par l’Occident appartient au passé, car les puissances émergentes telles que la Chine, l’Inde et les pays d’Afrique et d’Amérique latine revendiquent désormais leur place sur l’échiquier géopolitique. Ces nations sont plus fortes sur le plan économique et “le modèle occidental qui impose sa volonté aux autres” aurait échoué, selon le président russe.

Les sanctions occidentales contre la Russie et les tentatives d’isoler des pays comme l’Iran conduisent au “chaos” et à “l’instabilité économique en Europe”, a-t-il estimé. Et l’élargissement de l’OTAN vers l’Ukraine conduit à des “tensions militaires”.

2. Que deviendrait l’OTAN?

Un an plus tôt, devant le même auditoire, Poutine avait déjà formulé un certain nombre de principes pour ce monde multipolaire. Les pays doivent pouvoir commercer librement, sans sanctions ni barrières commerciales. Les différences culturelles et politiques doivent être considérées et respectées comme une force, et non comme une faiblesse: l’Inde en tant que démocratie côtoyant la Chine et son système rigoureusement contrôlé, par exemple.

Tous les pays, quelle que soit leur taille, ont leur mot à dire. Plus de blocs militaires exclusifs comme l’OTAN, mais un “système de sécurité eurasien” sans domination occidentale. Aucun pays ne doit dominer les autres, comme le font les États-Unis avec des sanctions extraterritoriales contre Huawei, par exemple, mais aussi contre des entreprises européennes.

Si le discours de novembre 2024 était encore une vision assez théorique, la longue interview accordée par Poutine à l’agence de presse chinoise avant sa visite de cette semaine est plus “concrète”. Le président russe y explique comment il entend mettre sa vision en pratique. À savoir en institutionnalisant et en approfondissant les relations sino-russes, tant au sein de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) que des BRICS.

L’OCS est une organisation eurasienne chargée de la sécurité. Les BRICS – à l’origine composés du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – sont désormais onze, après l’adhésion de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Éthiopie, de l’Indonésie et de l’Iran. Poutine considère les BRICS comme “le prototype de nouvelles relations libres et non alignées entre les États et les peuples”.

Les BRICS représen­tent environ 45% de la population mondiale, 35% du PIB mondial et 35 % de la production mondiale de pétrole. Ce n’est pas négligea­ble, mais le groupe reste encore assez disparate.

3. Le bloc que Poutine tente de forger est-il puissant et influent?

L’OCS compte dix États membres: la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Biélorussie, ainsi que 16 pays observateurs ou partenaires. L’organisation représente près de la moitié de la population mondiale et 23,5 % du PIB mondial. Elle est considérée comme une sorte de “contre-OTAN”. La visite de Poutine en Chine coïncide avec le sommet annuel de l’OCS, le plus important depuis sa création en 2001.

Outre Poutine, ses homologues iranien et turc, respectivement Masoud Pezeshkian et Recep Tayyip Erdogan, ainsi que le Premier ministre indien Narendra Modi seront également présents. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un est invité à assister à un défilé militaire.

Les BRICS représentent environ 45% de la population mondiale, 35% du PIB mondial et de la production mondiale de pétrole. Ce n’est pas négligeable, mais le groupe reste encore assez disparate. Les BRICS sont effectivement peu institutionnalisés – il ne s’agit pas d’un traité strict avec un processus décisionnel contraignant –, très hétérogènes en interne et avec des intérêts divergents. Par exemple, l’Inde freine les mesures sévères contre le dollar, la Russie tente principalement de contourner la pression des sanctions via les BRICS, tandis que l’Inde et le Brésil souhaitent justement maintenir des liens économiques étroits avec l’Occident.

Il existe également des frictions géopolitiques: la Chine et l’Inde restent tendues à propos de leur frontière, tout comme l’Égypte et l’Éthiopie au sujet du Nil. Sur le plan économique, les membres se gênent parfois mutuellement: l’essor industriel de la Chine évince ses partenaires de certains secteurs et marchés, ce qui conduit par exemple à une désindustrialisation très précoce d’un pays encore récemment industrialisé comme le Brésil.

Les BRICS tirent également leur puissance des alternatives financières aux institutions financières telles que la Banque mondiale et le FMI. Ils disposent de leur propre banque et d’un filet de sécurité financier qui offre des prêts et des aides. Le commerce et les transactions entre les pays membres s’effectuent de plus en plus en monnaies locales, afin de mettre fin à la domination du dollar. On spécule même parfois sur la création d’une monnaie commune, mais le chemin à parcourir est encore long.

4. Quel impact pour l’Europe et la guerre en Ukraine?

La dynamique des BRICS n’impacte pas (encore) directement l’UE, mais elle affecte l’Europe sur le plan économique et géopolitique. Les BRICS se développent principalement en tant que porte-parole du monde non occidental. Cela signifie que l’Europe bénéficie d’un soutien moins évident pour ses positions à l’ONU ou dans les dossiers mondiaux tels que le climat, le commerce et la réglementation. Avec l’arrivée de nouveaux membres tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran, les BRICS contrôlent une part croissante des flux d’énergie et de matières premières.

La Russie utilise les BRICS pour montrer qu’elle n’est pas isolée dans le conflit avec l’Ukraine. Des États membres tels que l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud refusent les sanctions et continuent à commercialiser de l’énergie ou des produits agricoles, ce qui donne un peu de répit financier à Moscou. Plus les BRICS se développent en tant que marché alternatif pour le pétrole et le gaz russes, moins les sanctions européennes sont efficaces. Cela donne encore plus de marge de manœuvre à la Russie. Pour l’Europe, la question clé est de savoir si les BRICS deviendront, comme le souhaite Poutine, une contre-puissance. Dans ce cas, les BRICS deviendront un système parallèle qui limitera considérablement le pouvoir économique et la marge de manœuvre diplomatique de l’Europe.

Source: https://www.7sur7.be/

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