Terrorisme au Sahel… Jeu trouble de Nouakchott

Alors que le Mali et ses alliés de l'AES intensifient la lutte contre les groupes djihadistes, des accusations troublantes ciblent la Mauritanie. Moscou affirme que ce pays servirait de point de passage pour des armes ukrainiennes destinées aux terroristes, une allégation qui s’ajoute à une inquiétante multiplication des bases-arrières le long de la frontière malienne.

1 Sep 2025 - 02:19
 2
Terrorisme au Sahel… Jeu trouble de Nouakchott

Le Sahel est un échiquier mouvant où les alliances se font et se défont entre djihadistes et communautés locales acquises à leur cause. Au cœur de cette mésalliance/alliance, la recomposition géopolitique au Sahel se joue entre la Russie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui forment depuis le 16 septembre 2023 l’Alliance des États du Sahel (AES).

Cette Confédération vient consolider leur partenariat avec la Russie pour faire face à l’insécurité croissante dans le Sahel dont ils se sentent seuls concernés et esseulés. Mais cette nouvelle stratégie se heurte à une menace qui dépasse les frontières : l’ambiguïté de la Mauritanie, pays voisin accusé de mener une politique de «neutralité armée» hypocrite au risque de compromettre la stabilité de la région toute entière.

Révélations russes et accusations de complicité

C’est le diplomate russe Dmitri Polianski qui a mis le feu aux poudres en juillet 2025. Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, il a ouvertement accusé la Mauritanie de servir de couloir de transit à des armes ukrainiennes. Selon lui, les services secrets ukrainiens utiliseraient le pays pour acheminer des drones et d'autres armements à des groupes terroristes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), positionnés sur toute cette bande sahélienne qui borde la frontière du Mali avec la Mauritanie. Ces révélations, largement relayées par l’agence de presse TASS, s’inscrivent dans une offensive de communication de la Russie, qui cherche à dénoncer l’influence occidentale en Afrique et à conforter ses propres alliances avec nos trois pays, comme récemment le démontre la rencontre des hautes autorités militaires de l'AES à Moscou avec leurs homologues russes.

Ces accusations, aussi graves soient-elles, ne sortent pas de nulle part. Elles font écho à des soupçons persistants sur la posture mauritanienne. En avril 2025, une enquête de TV5 Monde révélait déjà l’implantation de cellules djihadistes dans l’est de la Mauritanie et au Sénégal. Ces zones, peu surveillées et militairement délaissées, serviraient de bases-arrières pour mener des raids fréquents au Mali. Selon l'enquête, des centaines de combattants y stockeraient armes et motos pour s'infiltrer à travers la frontière, profitant de sa porosité.

 

Une «neutralité» sournoise et dangereuse

La position mauritanienne n'est pas nouvelle. L'histoire récente montre un précédent troublant. En 2010, des documents attribués à Oussama Ben Laden laissaient entendre qu'un pacte de non-agression avait été conclu entre AQMI et le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz. En échange d'une absence d'attaques sur le territoire mauritanien, les terroristes auraient bénéficié d'une libre circulation, de soins médicaux et d'un soutien logistique. Ce passé obscur jette une ombre sur la politique actuelle de Nouakchott. 

Alors que le Mali renforce son dispositif militaire avec l’appui de la Russie, il se retrouve de plus en plus encerclé par des menaces transfrontalières, alimentées par des flux logistiques qui échappent à son contrôle. Pour le Mali, la menace est à la fois interne et externe, ce qui rend la lutte contre le terrorisme encore plus complexe.

La rupture avec la CEDEAO et l’essor de l’AES témoignent de la volonté du Mali, du Burkina et du Niger de réaffirmer leur souveraineté. Mais cette nouvelle orientation, marquée par un rapprochement avec la Russie, accentue aussi la méfiance des acteurs régionaux et occidentaux. Le Sahel se transforme en un bloc soudé comme une citadelle imprenable. Les zones d’influence où la Mauritanie, partenaire ambiguë de l'Otan, semble jouer pour la partition du Mali par l'ouest font encore l'objet d'attaques sporadiques. Mais avec la stabilisation de la frontière algérienne par les Fama, qui y ont effectué un déploiement massif de troupes et de moyens logistiques, la partie est loin d'être gagnée par les Groupes armés terroristes (GAT). Entre son rôle de façade et une possible duplicité, la «neutralité armée» mauritanienne pourrait bien se transformer en menace pour ses voisins. La messe est dite et la cause est entendue. Aux autorités militaires maliennes de trouver la bonne parade pour disqualifier et neutraliser réellement ce pays-proxy des plans et stratégie de l'Otan. Malgré un communiqué de dernière minute, pondu par le Ministère des affaires étrangères, tendant à se masquer derrière un démenti peu convaincant.

 

Khaly-Moustapha LEYE

 

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0