Interview du S.G du syndicat des surveillants de prison : «La libération de Wadoussène a déclenché notre colère» «Nous allons observer pour voir la suite des déclarations d’IBK»

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Après que la section syndicale des surveillants de prison qu’il dirige ait déposé un préavis de grève le vendredi 12 décembre courant, Abdoulaye Fofana s’est confié à votre journal. Dans cette interview, le Lieutenant Fofana parle de la libération de Mohamed Ali Wadoussène, leur rencontre avec le chef de l’Etat et la sanction infligée au régisseur de la Maison centrale d’arrêt de Bamako, entre autres. Si les surveillants de prison avouent avoir rencontré un IBK sensible à leurs doléances, ils n’entendent toutefois pas baisser la garde jusqu’à la satisfaction de leurs revendications: le dédommagement des héritiers de feu Kola Sofara, l’adoption d’un statut-loi et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Lisez plutôt !

 

Mohamed Ali Wadoussène et autres ont été récemment libérés en échange du Français Serge Lazarevic. Comment, vous, surveillants de prison, avez reçu cette décision des autorités maliennes ?

En tout cas, nous n’avons pas vu de décision de justice le concernant. Après l’évasion spectaculaire  dont il a été à la base en juin dernier, au cours de laquelle notre collègue, l’Adjudant Kola Sofara, est décédé, Wadoussène avait été repris quelques mois après. Depuis lors, il n’est plus revenu à la Maison centrale d’arrêt de Bamako. Je ne pense donc pas que la MCA ait reçu une décision de justice dans ce sens.

Comme  vous l’avez tantôt  rappelé, vous avez perdu un des vôtres lors de cette évasion. Depuis lors, quels sont les actes que les autorités maliennes ont posé pour honorer la mémoire du disparu, en l’occurrence l’Adjudant Sofara ?        

Je dois vous dire que la perte de notre collègue nous a fait mal. Il était d’ailleurs le Secrétaire chargé aux droits de l’Homme de la section syndicale des surveillants de prison du Mali. Quand l’accident est survenu, le ministre nous a appuyés à hauteur de 500 000 FCFA pour organiser les obsèques. Depuis lors, le gouvernement n’a plus fait une «autoréaction».

 

Quelles sont les promesses que le chef de l’Etat vous a faites lors de votre rencontre, avant-hier samedi ?     

Nous avons déposé, vendredi, un préavis de grève, parce que nous sommes un syndicat affilié à l’Union nationale de travailleurs du Mali (Untm) et au Syndicat des travailleurs de l’administration d’Etat (Syntade). C’est la libération de Wadoussène qui a été l’élément déclencheur de notre colère, en réalité. Cela a naturellement trouvé que les surveillants de prison étaient angoissés parce que nous dénonçons, depuis longtemps, nos conditions de travail et bien d’autres choses. Le préavis de grève comporte trois points. Il y a d’abord le dédommagement des héritiers de feu l’Adjudant Sofara. Il y a ensuite l’adoption d’un statut-loi pour les surveillants de prison. Et enfin l’amélioration de nos conditions de vie et de travail. Le ministre de la Justice n’étant pas là, c’est celui de la Sécurité, Général Sada Samaké, qui nous a reçus avant-hier en tant que ministre intérimaire. Il me semble que ce dernier a rendu compte au chef de l’Etat qui a dû comprendre que le problème était effectivement sérieux. Certes, nous n’avons pas les moyens, mais nous sommes prêts à en découdre avec cette situation, une fois pour toute. C’est certainement compte tenu de la gravité de la situation qu’ils  [Ndlr: le chef de l’Etat et son gouvernement] nous ont fait appel. D’entrée de jeu, le Président de la République a reconnu qu’il y a des problèmes et que ce qui s’est passé est déplorable. Il a dit qu’il s’attèlera à ce que nous ayons un statut digne de ce nom. Il a aussi dit que la mort de Kola Sofara est déplorable et qu’il allait faire en sorte que ses héritiers soient soulagés de leur souffrance. Il s’est enfin engagé à nous rassurer des meilleures conditions de vie et de travail. C’est en réalité des promesses verbales. Le préavis est en tout cas lancé, s’il doit avoir consensus, c’est naturellement à travers une commission de conciliation.

 

On peut espérer une levée de votre mot d’ordre de grève après cette rencontre avec le chef de l’Etat, non ?          

Je pense que cela pourrait  servir de leçon à l’Administration. A partir du moment où le chef de l’Etat a donné son accord, je ne vois pas pourquoi elle va s’opposer à la satisfaction de ces trois points.

 Le chef de l’Etat a certainement fait des promesses à court et à moyen terme. Que vous a-t-il promis sur le court terme ? Sur le moyen terme, c’est le statut, notamment votre attachement au département de la sécurité. Vous a-t-il donné un planning pour l’exécution de ces promesses ? 

En réalité, nous n’avons pas évoqué le point concernant notre attachement au département de la Sécurité avec le chef de l’Etat. Parce que dans l’amélioration de nos conditions de vie et de travail, ce problème pourra ressortir lors des échanges au sein de la commission de conciliation.

N’est-ce pas une manière pour le chef de l’Etat de vous diviser en vous recevant sans l’Untm à laquelle vous êtes affiliés ?             

Je dirai non. Nous sommes en train de rendre fidèlement compte à l’Untm. Nous avons appelé son Secrétaire général, Katilé, avant même de déposer notre préavis de grève. Il se préparait pour une tournée syndicale à Kayes. Le même jour où il est revenu de son voyage, il nous a rencontrés quand nous venions juste de terminer la rencontre du vendredi. Il nous a encouragés et nous a réaffirmé le soutien de la centrale. Il en a été de même lorsque nous avons rencontré le chef de l’Etat. Je me suis même procuré ses conseils avant d’y aller. Donc, tous les actes que nous posons le sont sous le couvert de l’Untm.

 

IBK ne vous a pas reçus pour parler de vos conditions de vie et de travail, mais plutôt parce que vous étiez fâchés après la libération de Wadoussène. A ce sujet, que vous a-t-il dit de manière concrète ?

Ce qui nous a beaucoup apaisés, c’est d’avoir constaté qu’il était sensible à nos problèmes. C’est d’ailleurs lui qui a été le premier à intervenir en déplorant ce qui est arrivé à la prison centrale et en priant pour le repos de l’âme du défunt Sofara. Il a également avoué que nous avons un problème de statut et que nous sommes réellement une force de sécurité. Cela, il l’a dit en présence du Premier ministre et des autres membres de son Cabinet. Mais nous allons observer pour voir la suite de ces déclarations. Parce que nous souhaitons qu’au cours des travaux de la commission de conciliation, cela entre en ligne de compte. Donc, il ne devrait pas  avoir normalement blocage si l’Administration est de bonne foi. Dans le cas contraire, nous serons obligés de maintenir le mot d’ordre de grève.

C’est dire que le cas Wadoussène est oublié pour les surveillants de prison ?      

Le cas Wadoussène ne peutpas être ainsi oublié pour la simple raison que nous étions accompagnés par deux frères du regretté Kola Sofara qui ont même affirmé avoir introduit une plainte au niveau de la justice. Nous, syndicat, avons aussi introduit une plainte, l’administration de la MCA aussi. Nous avons tous porté plainte contre Wadoussène et autres pour assassinat et complicité d’assassinat. Il se peut qu’il ait été élargi pour d’autres raisons, l’Etat étant ce qu’il est. Mais, ce qui nous avait surtout vexés, c’est le fait de ne pas nous associer alors même que nous avons un camarade qui a été froidement abattu.

Et le cas de votre camarade qui a été sanctionné à la suite de cette évasion, qu’en est-il ?   

Le Commandant Abdoulaye Idrissa Maïga est l’un de nos chefs qui sont à la hauteur. Il a opéré un grand changement pendant le peu de temps qu’il a passé à la MCA. Nous regrettons le fait qu’il a perdu sa place de Régisseur. Mais ce qui est sûr, c’est que cette situation ne peut pas rester comme ça. Nous ne pouvons pas exiger qu’il revienne à la MCA, mais il doit trouver un autre point de chute. Pourquoi pas à la Présidence pour que le chef de l’Etat soit imprégné en temps réel de nos problèmes.

Après le cas de Ségou, la sanction du Régisseur de Bamako est la deuxième fois que vos éléments subissent des mesures administratives pour des cas d’évasion. En tant que Secrétaire général de la section syndicale, quel appel avez-vous à lancer à vos autres collègues par rapport à de telles situations ?                                 

Qu’ils restent vigilants, mobilisés et surtout très soudés. L’objet de notre bataille est toute simple: c’est surtout l’amélioration de nos conditions de vie et de travail. Nous devons lutter pour avoir ces moyens-là. Parce qu’en exerçant cette double mission de sécurité et en étant acteur de la chaîne pénale, vous pouvez ne pas être compris par la population si vous n’avez pas de moyens. Mais, tôt ou tard, la vérité va triompher.

Réalisée par Bakary SOGODOGO

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