Mme Djourte Fatimata Dembelé à propos de la lutte contre les VBG : « Il y a, certes, des acquis mais, le combat n’est pas gagné»

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Les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes viennent de se terminer. Les acteurs engagés dans ce combat font l’état de leur lutte. Mme Djourté Fatimata Dembélé, Avocate de son état et non moins Directrice de la Maison de la Femme et de l’Enfant, Rive droite, fait partie des actrices clés de cette lutte pour avoir mis sur orbite des activités de sensibilisation, notamment la journée porte ouverte, l’organisation des séances d’écoute juridique et psychologique au sein du service… Pour cette année, son service n’a pas pu organiser ces activités faute de moyens. Dans un entretien qu’elle nous a accordé, la Directrice revient sur sa vision des 16 jours d’activisme, la Cvjr, les stratégies à mettre en œuvre pour réduire les VBG. Lisez plutôt !

 L’OBSERVATOIRE : Les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes viennent de s’achever. Chacun des acteurs et actrices pense avoir fait son travail de sensibilisation pour lutter contre ces pratiques qui entravent à l’épanouissement de la femme et de l’enfant considérés comme les couches sociales les plus touchées par les actes de violences inouïes.

En tant qu’actrice de lutte contre les VBG, que dites-vous des 16 jours d’activisme contre les VBG qui ont eu lieu du 25 novembre au 10 décembre derniers ?

 Mme Djourté Fatimata Dembélé : Chaque année, nous célébrons les 16 jours d’activisme sur les violences basées sur le genre. Pour moi, la campagne de cette année a été très timide parce que nous avons beaucoup d’actions sur le terrain. En ce qui concerne notre structure qu’est la Maison de la Femme et de l’Enfant,  les femmes ont continué à affluer qui pour chercher de l’aide, un appui qui consiste  à les écouter, orienter vers des structures de prise en charge spécialisées ou à assurer cette prise en charge lorsque notre structure est en mesure de la faire. Il se trouve qu’actuellement nous ne sommes pas en mesure de faire ces prises en charge mais donnons juste des conseils.  Nous avons besoin d’un psychologue pour entendre les victimes, leur donner des conseils et avons également besoin des auteurs des violences avec nous pour voir quelques  séances de thérapie que nous trouvons nécessaires et cela en vue de  faire la prise en charge des auteurs de ces violences  ainsi que les  survivantes.

Chaque année, à la même période, nous avons l’habitude de consacrer quelques  journées de portes ouvertes pour la prise en charge et interventions sur les VBG et soutenir ces personnes. Toutes ces activités n’ont pas eu lieu cette année faute de moyens et, comme d’habitude, nous n’avons pas été touchées par des partenaires pour nous recevoir afin de nous appuyer par rapport à notre programme global d’intervention. Nous n’avons pas pu organiser les journées portes ouvertes mais avons continué à prendre les dossiers des demandeurs de service concernant les VBG, car, c’est un travail de tous les jours pour la Maison de la Femme et de l’Enfant.

Selon vous, quels sont les acquis pour ces associations qui  luttent  contre les violences faites aux femmes ?

 Nous ne pouvons pas dire que ces associations ont gagné leur  combat ; mais, il faut reconnaître qu’il y a des acquis par rapport au fait que nous sommes tous sensibilisés  sur l’existence de ces violences dans notre société. Nous savons aussi qu’elles  sont multiples  et sont en train d’épouser d’autres formes plus délicates. Nous en sommes tous conscients et savons également que les besoins sont là et qu’il y a lieu d’y faire face. La question qui se pose est de trouver les stratégies à mettre en œuvre pour avancer dans  la lutte afin de gagner le combat. C’est là le problème. Nous n’avons pas gagné le combat parce qu’il n’y a pas de synergie d’actions dans la prise en charge des VBG et les ressources nous manquent également. C’est bien  d’écouter une femme qui a des problèmes. Il est bon de savoir que la prise en charge ne se limite pas à elle seule, l’étendre à tout son environnement à savoir sa famille, son entourage. C’est pourquoi je souhaite une prise en charge holistique qui consiste à prendre en compte les problèmes psychologiques, juridiques et s’il le faut aller vers la médiation ; car, la plupart de ces personnes n’ont pas assez de ressources pour se payer l’assistance judiciaire en vue de résoudre leurs problèmes. Cependant, il faut reconnaitre que ces violences touchent deux catégories de femmes, à savoir celles dites aisées et celles dites pauvres.

Ainsi, si les premières ont les moyens de se payer l’assistance judiciaire, par contre, les secondes ont besoin d’un appui faute de pouvoir d’assumer elles mêmes leur prise en charge. Il faut des activités génératrices de revenus pour ces femmes pour leur permettre d’acquérir une certaine autonomie afin de pouvoir éradiquer ce phénomène de violence dont elles sont victimes. Car, on a constaté que la plupart des de ces actes violences sont d’ordre économique. Quand la femme n’arrive pas à se prendre en charge, quand l’homme est au chômage et ne parvient pas à résoudre les problèmes de la famille, çà peut l’inciter à la violence. C’est pour toutes les raisons ci-dessus  évoquées  que nous suggérons la prise en charge holistique. A l’heure actuelle, nous nous occupons seulement de la prise en charge juridique en ignorant sciemment celle psychologique et d’ordre socio-économique alors que la solution aux violences n’est pas du seul ressort de la justice mais psychologique. Car, certaines formes de violences sont en l’Homme même. Et cela est dû souvent à des déficits au niveau de sa personnalité que seul le psychologue est en mesure de détecter. Il faudra, également, la présence de l’Etat et des partenaires techniques et financiers aux côtés de ces associations qui luttent contre les VBG. C’est pourquoi nous souhaitons une synergie d’actions entre organisations intervenant dans ce domaine pour le rayonnement de leurs interventions et/ou engagements.

La Commission Vérité, Justice, Réconciliation (CVJR) fonctionne depuis quelques mois au grand dam des victimes des différents conflits qu’a connus notre pays. Qu’en pensez de la CVJR ?

Je suis entièrement qu’il faut implanter des structures et continuer à identifier les personnes de la période qui a été indiquée c’est-à-dire de 1960 à jours. Je dis que ce n’est pas une tâche aisée ; mais, il y a lieu de séquencer les périodes pour avoir des résultats palpables, parce que le simple fait de dire qu’une personne, une famille a été victime n’est pas suffisant, il faut établir les preuves et les causes réelles. Je sais que, depuis 1960, bien de preuves ont disparu. C’est un travail de longue haleine qui demande une expertise considérable. Donc, avant d’aller vers des réparations, il faut que le dommage soit bien établi. C’est une tâche difficile. C’est pourquoi je demande à la CVJR de travailler en profondeur. Pour ce faire, il faut requérir des spécialistes à la tête de ses Bureaux pour faire face à ces besoins cruciaux des victimes. Pour ma part, je souhaite bon vent à la CVJR.

Votre mot de la fin ?

Il faut sortir de l’idée que les activités de sensibilisation sur les VBG se limitent seulement à ces 16 jours d’activisme où  les actions sont intenses. Une fois cette période passée tout le monde baisse les bras sauf les structures qui n’ont pas les moyens de continuer.

Pour moi, nous devons  sortir de ce schéma  en étalant les activités de sensibilisation tout au long de l’année si voulons diminuer le taux élevé de violences à défaut de l’éradiquer complètement dans nos sociétés. Il faut faire en sorte que ce taux baisse, que nous n’ayons plus ses méfaits sur la vie de la femme, de sa famille et sur tout son environnement au niveau communautaire et même au niveau de l’Etat. Nous n’avons pas fait de calculs sur les coûts que sa prise en charge nécessite ; notamment, les charges financières. Bien des cas de pertes en vies humaines sont liés aux conséquences de ces violences. Donc, nous disons qu’il est temps d’intervenir et  agir pour arrêter ces violences. Les montants qui y sont perdus pouvaient être investis à travers des actions de développement si nous arrivons à stopper ce phénomène de violences. Nous devons aller vers c’est que moi j’appelle «l’étude» sur les charges de santé cachée par rapport au fait de violences. C’est une étude que je recommande et sur laquelle je suis présentement. Je n’ai pas les moyens de la mener toute seule à l’heure actuelle, mais, je dispose de quelques données que je peux bien mettre à la disposition de qui voulait l’entreprendre. Çà c’est dans le cadre des actions concertées.

 

Entretien réalisé par Ambaba de Dissongo

 

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