23 MAI – 23 AOÜT : 92 jours de crise

Vingt-trois mai 2006, vingt-trois août, cela fait exactement trois mois qu’ont été perpétrées les attaques surprises et traîtresses de la bande de FAGAGA à Kidal et à Ménaka, marquant le début d’une nouvelle insurrection armée dans cette partie Nord du pays...

23 Août 2006 - 06:58
23 Août 2006 - 06:58
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Vingt-trois mai 2006, vingt-trois août, cela fait exactement trois mois qu’ont été perpétrées les attaques surprises et traîtresses de la bande de FAGAGA à Kidal et à Ménaka, marquant le début d’une nouvelle insurrection armée dans cette partie Nord du pays. Au terme de négociations menées avec le plus grand dilettantisme du côté gouvernemental, un accord dit d’Alger a été signé pour faire largement la part belle à la seule région de Kidal. Il n’en fallait pas plus pour le rendre indigeste pour la plus grande partie de l’opinion nationale qui y voit un acte majeur de forfaiture. De campagnes d’explication et de dénonciation, c’est l’engrenage. Le film des événements.

 

Le 23 mai dernier, aux premières heures de la journée, un groupe d’individus armés, à bord de véhicules 4X4, avec à sa tête un certain colonel Hassan FAGAGA, attaquait par surprises les positions de l’armée régulière à Kidal. Rejoints par des éléments internes des camps, ils ont pillé les magasins d’armes et de munitions de l’armée nationale, manifestement prise au dépourvu et ne disposant de ce fait que d’une faible capacité de réaction, détruisant et incendiant une bonne partie du reste de matériel lourd difficile à transporter et de peu d’utilité du pour une rébellion caractérisée par sa mobilité. L’on apprendra plus tard que cette attaque a causé des pertes en vies humaines dont celle d’un élément intégré dans l’armée.

Des attaques simultanées

Les assaillants de ce 23 mai, dont un bon nombre est issu des rangs de l’armée malienne où ils ont été intégrés dans les conditions qui se passent de tout commentaire et où ils ont obtenu leurs galons en l’absence de tout critère militaire, garderont Kidal sous leur contrôle durant toute la journée, avant de se retirer dans les montagnes de Tégargharet emportant leur butin. Au cours de la même journée, l’information est tombée qu’à quelques centaines de kilomètres de Kidal, à Ménaka précisément, un autre «intégré », commandant d’unité, faisait défection. Il s’agissait du commandant Ba Mossa qui, à la tête d’éléments sous ses ordres, après avoir pillé les magasins d’armement de sa propre compagnie, prenait le maquis ou les montagnes pour rejoindre FAGAGA, déserteur déjà dépuis de nombreux mois. D’autres personnalités, dont encore Iyad Ag GHALY  ou le président de l’Assemblée régionale, les rejoindront peu après les attaques. Pourtant après avoir été reçu par le chef de l’Etat, Iyad devait de nouveau, dans une dizaine de jours suivant leur entrevue, retourner dans la capitale pour discuter de questions se rapportant à Kidal. Mais c’était pour endormir la conscience de ses interlocuteurs et bien réussir son coup.

Ces attaques simultanées, certainement bien préparées en amont dans l’ignorance visiblement des services de renseignement de notre pays, ont conduit l’armée à sortir un peu de sa torpeur. Des renforts de troupes ont été dépêchés, à partir de Gao, mais également de Bamako, Kati…, dont certaines aéroportées, dans les localités concernées par les attaques rebelles. C’était ensuite le début d’une «drôle de guerre », l’armée étant confinée dans une sorte de mission d’observation à la Nation-Unie sur son propre territoire.

Le paradoxe rebelle

Au plan politique, les rebelles n’ont pas perdu de temps. Dès le lendemain de leurs attaques, ils sont montés sur les antennes d’une chaîne internationale de radio pour demander une médiation étrangère. Après quelques moments de flottement, le Gouvernement malien accédera à cette requête aussi farfelue que saugrenue de la part d’une bande d’irrédentistes qui, seulement la veille, ne croyait qu’au langage des armes. Une nouvelle fois, le choix des deux parties s’est porté sur l’Algérie, médiateur également lors des crises précédentes. C’est donc dans la capitale de ce pays que les négociations ont été menées incognito, dans la plus grande fébrilité, avant d’aboutir à l’accord de tous les scandales dit «Accord d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal ». Un accord contestable autant dans le fond que dans la forme comme en attestent largement la vive polémique et la controverse actuelle dont il est à l’origine.

A l’avant-garde du combat démocratique, la presse nationale et même étrangère n’est pas allée de main morte pour dénoncer cet accord qualifié abondamment de : parjure, forfaiture, accord de la capitulation, triomphe du colonel sur les généraux…Face à la volée de bois vert consécutive à sa signature, le régime s’est alors engagé dans une vaste offensive de charme. L’argument massue sans cesse seriné et rabâché, c’est qu’il fallait faire le choix entre la paix et la «guerre », en présentant sournoisement au passage ceux qui rejettent l’Accord d’Alger comme les ennemis de la paix certains allant jusqu’à les qualifier de «va-t-en guerre ». Or il s’agit simplement, comme cela est permis dans toute démocratie, de dénoncer ce qui pourrait constituer un précédent fâcheux en terme d’atteinte aux principes démocratiques et républicains. Il s’agit de dénoncer la dérive d’un régime de toute évidence dépassé par les événements.

Récupération des voltigeurs

Tenant leur sucre d’orge, certains opportunistes et autres zélateurs ont malheureusement  décidé de transporter le débat autour de l’accord dans la rue pour mieux amuser la galerie. Place à été alors faite aux meetings, déclarations de soutien, à temps et à contre temps, initiés par des voltigeurs surfant sur la désorientation d’un régime véritablement en panne d’inspiration. Les associations de jeunes et de femmes, les partis politiques et autres organisations de la société civile ont brillé dans cet exercice sans avoir jamais eu l’assurance de susciter l’adhésion des populations à l’accord. Les maires des communes du district de Bamako ne sont pas non plus demeurés en reste de cet exercice plutôt spectaculaire que véritablement efficient, l’opinion s’étant déjà fait sa religion sur la capitulation des Généraux face au colonel FAGAGA et au seigneur Iyad. 

De ce bal des opportunistes, une formation politique a courageusement décidé de se mettre à l’écart : le Rassemblement pour le Mali (Rpm). Autant à l’Assemblée nationale, par la voix de ses députés dont l’un a interpellé récemment le ministre Kafougouna KONE, qu’à l’interne à l’image de l’union des jeunes, les Tisserands n’ont jamais caché leur désapprobation de cet accord se réservant le droit de l’attaquer devant la cour constitutionnelle. De façon moins tranchée, le BARA également s’est singularité par son analyse critique de la situation au Nord, situant les responsabilités des uns et des autres en prenant soin de souligner les facteurs non humains dans le retard de développement de la région de Kidal pour laquelle beaucoup d’effort a pourtant été consenti. L’on notera également que le Parti citoyen pour le renouveau (PCR), pourtant historiquement proche du président de la République, ne s’est pas fait le chantre de l’Accord d’Alger, préférant faire l’impasse là-dessus. Idem pour l’US-RDA qui s’est réuni sur le sujet avant d’opter pour le «non communiqué ».

Application de l’Accord

Au plan de l’application de l’Accord signé le 4 juillet dernier, notre administration a prestement et spectaculairement rompu avec sa légendaire réputation de lourdeur. Et pour cause : nombre de dispositions «prioritaires » contenues dans ledit accord connaissent déjà une application. En effet, dans le document paraphé par le Gouvernement de la République du Mali et les insurgés touaregs, il est prévu : insertion dans le Journal officiel de l’Accord après sa signature ; arrêté ministériel portant création du Comité de suivi après signature de l’Accord ; signature et remise au Comité de suivi, dès la publication de l’Accord, de l’arrêté ministériel portant création à Kidal, composition, missions et fonctions du Conseil régional provisoire de coordination et de suivi ; installation du Comité de suivi…Seulement un mois environ après la signature de l’Accord, sont devenues des réalités : l’insertion dans le Journal officiel, la création et l’installation du Comité de suivi et du Conseil régional provisoire de coordination et de suivi.

En outre, sous les auspices du médiateur algérien, des actions sont en cours pour la résolution de l’épineuse question sécuritaire qui passe par l’intégration des insurgés dans les unités spéciales et leur installation socioéconomique. Cela, conformément aux termes de l’Accord qui dispose que la remise des armes et le retour des munitions se feront simultanément avec l’intégration des éléments armés. Selon certaines sources, les recrutements en cours au niveau des différents corps habillés devront déjà prendre en compte ce point de l’Accord qui présente en fait de nombreuses implications et contraintes pour le pouvoir. Etait-ce déjà le cas (30 éléments) avec la récente sortie de promotion des élèves gendarmes de l’école baptisée «Balla KONE » ? 

Les rebelles se confortent

Pendant que le Gouvernement s’active sur tous les fronts et se coupe les cheveux en quatre pour honorer ses engagements, la partie rebelle en attente des retombées de son one-man-show du 23 mai dernier se préoccupe de conforter sa position à travers une meilleure structuration, en n'oubliant pas bien sûr de semer la graine de la zizanie et de la confusion. C’est le sens du congrès tenu du 9 au 18 août dernier, dans les montagnes de Tégargaret, par l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, une sorte de branche politique de la rébellion avec laquelle le Gouvernement de la République du Mali n’a pas hésité à signer à Alger un accord. Les rebelles étant représentés à l’occasion par un certain chauffeur répondant du nom de Ag BIBI alors que le Gouvernement avait comme émissaire un Général de l’armée malienne, ministre de la République, le sieur Kafougouna KONE.

Une alliance qui n’a en réalité rien de démocratique comme le prouve l’absence de récépissé autorisant sa création, mais également et surtout la configuration outrageusement belliciste du Bureau exécutif issu de son congrès : Iyad Ag GHALLY, Secrétaire général, Hassan Ag FAGAGA, chef d’état major général, commandant Ba Mossa, chef d’état major général adjoint, commandant Ada Ag MASSAMAD, chef d’état major opérationnel…Avec un tel dispositif qui ne réserve que les postes secondaires aux « non militaires », les insurgés touaregs ne font aucunement mystère des velléités qui les animent au grand dam d’un Gouvernement contraint et forcé de retirer ses troupes déployées sur le terrain dans le cadre de sa mission régalienne de maintien de l’ordre public. Du reste, ne s’agit-il pas là des jalons d’une violation future de l’Accord lorsqu’on sait qu’il y est clairement stipulé que les unités spéciales seront rattachées à la Garde nationale ? Rien n’est moins sûr avec des individus prêts à se dédire à tout moment.

Par Bertin DAKOUO

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