Dans cette histoire réelle, inspirée de l’ouvrage d’Anzata Ouattara, nous comprendrons que l’enfant ne fait toujours pas le bonheur. Phénomène tout à fait naturel, la joie d’enfanter est un rêve pour presque toutes les femmes. Toutefois, combien parmi elles arrivent à réaliser ce rêve ? Plusieurs il faut le reconnaitre. Combien encore finissent à être les victimes de leur propre désir ? Nombreuses il faut l’avouer. Le cas de cette dame est à la fois extraordinaire et tragique. Autant elle a été meurtrie par son propre amour, de la même manière son fils qui la battait, l’humiliait et la détruisait a mérité sa fin funeste. D’aucuns se poseront certainement la question de savoir : comment une femme peut souhaiter la mort de son propre enfant ? Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le sentiment de cette dame se justifie. Ces quelques lignes le prouveront-ils ? A vous d’en juger…
‘’ Toutes les femmes souhaitent être mères, c’est naturel ! Autrefois je rêvais d’avoir un enfant. J’avais visité toutes les médecines de renommée, parcouru des kilomètres pour consulter les tradipraticiens, des hommes de Dieu et que sais-je encore ?
J’étais mariée depuis prés de six ans et le besoin d’avoir un enfant se faisait sentir. Fofana ne disait rien mais son silence en disait long. Nous avions pourtant les moyens de tout offrir à un enfant. J’étais commerçante et je gagnais bien ma vie. Fofana travaillait sur la digue de Mopti, mais il a démissionné pour se lancer dans les affaires. A un moment donné, même nos relations étaient limitées. Nous ne nous retrouvions que pendant ma période de fécondité parce qu’il espérait que je tombe enceinte. Je sentais mon foyer s’effriter sous mes yeux. Korotoumou, une amie du quartier m’a conseillée de voir son marabout car selon elle il avait remède à tout. Au départ, j’étais très hésitante mais l’idée d’avoir un jour un enfant me hantait tellement que je suis allée avec elle voir ce dernier. Il m’a rassuré que j’enfanterais mais que cela nécessiterait d’énormes sacrifices.
Il fallait lui apporter un chat noir, un chien noir et des œufs. Je devais me priver de manger de la viande rouge et des œufs pendant la période de la grossesse. Mon désir d’enfanter était si fort que j’ai accepté toutes ses conditions. Les sacrifices ont été faits à minuit précise. Effectivement, deux mois après, je suis tombée enceinte, à la grande joie de mon mari. Après six ans de mariage, j’ai poussé un ouf de soulagement. Inutile de vous dire comment l’enfant a été accueilli. C’était un vrai bonheur. J’avais déjà trente huit ans lorsque j’ai eu Abdoul Kader mon fils tant désiré. Qui aurait pu imaginer qu’Abdoul, ce fils que je voulais à tout prix allait se transformer en monstre ? Dès l’âge de douze ans, Abdoul était incontrôlable. On ne pouvait plus rien garder dans la maison. Il volait tout. Mes bijoux et mes pagnes disparaissaient. Fofana avait beau le frapper, Abdoul n’écoutait personne. Fofana se reprochait le fait de l’avoir trop gâté. Abdoul volait tout l’argent de mon commerce. Même ma marchandise y passait. Il était nul à l’école et refusait d’y aller. Je ne savais plus quoi faire pour canaliser cet enfant que j’avais pourtant désiré. Il n’avait aucune pitié pour moi. A force de le battre pour qu’il change de comportement, il a porté main sur son père à treize ans. Je n’en pouvais plus, Fofana a décidé de ne plus lui adresser la parole. Tous les jours les voisins venaient se plaindre de l’attitude de notre fils. Il ne ratait aucune occasion pour voler chez les gens. J’avais mal au cœur. Malgré toutes les tentatives, Abdoul ne changeait pas. Il buvait et se droguait. Plusieurs fois, la police est venue l’arrêter pour des vols ou encore pour consommation et vente de drogue. Je craignais le pire. Une nuit, mon fils m’a demandé de l’argent. J’ai refusé car je ne voulais pas qu’il achète de la drogue. Ce jour là, j’ai regretté le fait de l’avoir mis au monde. Abdoul m’a frappée. Il avait dix-sept ans, il était tellement costaud que je n’ai pas pu me défendre. J’avais tellement honte que je n’ai pas osé en parler à quelqu’un. Et c’est vite devenu son habitude. Dès qu’il manquait d’argent, il nous battait son père et moi. Un soir, en sortant de mon magasin de prêt à porter, je fus abordée par trois jeunes hommes armés qui m’ont demandé d’ouvrir le magasin. Il était environ 19h. Vu leur mine, je savais que c’étaient des bandits. J’ai ouvert mais en prenant tout mon temps, espérant que quelqu’un viendrait à mon secours. L’un d’eux m’a dit : « La vielle dépêche toi ! Si tu n’étais pas la mère de notre ami, on t’aurait tuée depuis. C’est d’ailleurs lui qui nous a demandé de vider ton magasin et prendre la recette sans tuer ».
J’étais stupéfaite ! Mon propre fils avait commandé ce vol. J’ai ouvert le magasin et ils ont tout pris. Abdoul savait qu’à cause de lui, je gardais mon argent au magasin avant de tout transférer à la banque. J’avais près de 2 000 000 de francs et plus d’une soixantaine de bijoux.les complices de mon fils ont tout pris. Lorsqu’ils sont partis, je n’ai pas osé informer la police, de peur qu’on n’arrête mon propre fils. Je n’avais que mes yeux pour pleurer. Je me demandais comment j’avais pu mettre au monde mon propre ennemi. Abdoul était tellement cruel. Rien ne l’effrayait. Il savait faire mal. Après le vol de mon magasin, Abdoul a fait trois jours dehors avant de rentrer à la maison. Dès son arrivée, j’ai essayé de l’amadouer afin qu’il me rende mon argent et ma marchandise. Mais vous n’imaginez jamais la baffe que j’ai reçue. J’étais complètement ruinée et révoltée contre mon propre fils. Fofana ne pouvant plus supporter les agissements d’Abdoul a quitté la maison pour vivre ailleurs. Il n’a pas manqué de me dire qu’il aurait préféré qu’Abdoul ne soit pas né. J’étais hypertendue à cause de mon fils. Un mois après le vol dans mon magasin, la police est venue chercher Abdoul. Il était recherché pour vol, viol et assassinat. A défaut de lui, la police qui était sûre que je couvrais mon fils m’a gardée pendant deux jours. Après plusieurs interrogations, j’ai été relâchée, malade et meurtrie. La nuit tombée, Abdoul est rentré à la maison aux environs de 1h du matin. Il voulait que je lui donne de l’argent pour quitter la ville car en plus de la police, ses complices voulaient le tuer. Maintenant j’en avais marre et j’étais fatiguée de subir les agissements d’Abdoul. Le cœur en feu, je l’ai rassuré en lui disant que j’avais de l’argent en banque et que je l’aiderais à fuir. Dès qu’il s’est endormi, je suis sortie chercher la police. Je voulais qu’elle l’enferme pour toujours car je ne voulais de lui. Il me faisait trop souffrir.
Lorsque la police l’emmenait, Abdoul m’a regardé méchamment en me disant: « c’est toi ma mère qui m’a livré, je vais te faire tuer, compte sur moi ! » Je pleurais à chaudes larmes. Je voulais d’un enfant, c’est vrai ! Mais comment Dieu avait pu me donner cet enfant ?
Est-ce à cause des pratiques que j’ai utilisées pour l’avoir ? Je m’interroge ? L’un des policiers qui n’a pas supporté les paroles d’Abdoul l’a giflé. Malgré les menottes, Abdoul s’est mis à se battre avec lui. Il était tellement fort qu’il a réussi à faire tomber le policier. Il voulait s’emparer de son arme lorsque l’un des policiers a tiré sur lui à bout portant. Mon fils est mort sous mes yeux. Je ne veux pas vous mentir en disant que j’étais triste ! Non ! J’étais soulagée. J’ais désiré ardemment cet enfant mais il ne l’a pas rendu. Au contraire, il a détruit ma vie. A cause de lui tous mes parents et amis m’ont abandonné, même Fofana son propre père m’a abandonnée aussi. Que voulez-vous que je ressente ?
J’ai connu cette joie d’enfanter, mais tous les enfants ne sont pas les bienvenus. Si j’avais su, j’aurais choisi de vivre sans enfant. Là où les mères sont fières de brandir leurs enfants, le mien me battait et m’humiliait. Il est mort, Dieu soit loué ! ‘’