AMRTP : le Dr Choguel rattrapé par ses casseroles : Plus de 2 milliards FCFA à justifier

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Mis en veilleuse, au moment  de sa nomination dans le gouvernement, le dossier sur la mauvaise gestion de l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et des Postes (AMRTP) qui a occasionné une perte sèche de 2,5 milliard de francs CFA dans la caisse, est aujourd’hui, remis au goût du jour. Élaboré par des experts, chargés de faire toute la lumière sur la gestion calamiteuse de ces fonds, ce dossier épingle Choguel Kokala Maïga, Directeur Général de l’AMRTP, à l’époque des faits. Mais aussi, ses complices.  À l’issue de leurs investigations, les enquêteurs sont tombés, à leur corps défendant, sur des zones d’ombre dans la gestion de ces 2,5 milliards de francs CFA.

Relégué aux oubliettes, ce dossier risque de sonner le glas pour le Dr Choguel Kokala Maïga, président du Mouvement Patriotique pour le Renouveau (MPR). Avant d’envoyer ses complices en prison.

L’AMRTP n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, en vue de sa privatisation. Du moins, pas à notre connaissance. Mais tout porte à croire qu’il a été victime d’une Offre Publique d’Achat (OPA) qui ne dit pas son nom : elle a été au service exclusif de son dirlo, le Dr Choguel Kokala Maïga et de ses complices: gestion clanique des ressources humaines et financières ; achat de conscience et de silence ; magouille et affairisme à ciel ouvert… Tout y passait sans que cela n’offusque personne. Depuis l’AMRTP porte les germes de sa propre destruction

L’AMRTP, un service de mafieux pour des mafieux

Avec l’arrivée du Dr Choguel à la tête de l’AMRTP, les magouilles, l’affairisme et bien d’autres phénomènes jugés diffus sont devenus courants au niveau de ce service.

L’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications et Poste (AMRTP) est chargée de gérer et réglementer la télécommunication au Mali. Elle assure l’application de la politique du gouvernement, garanti la concurrence loyale entre les opérateurs de téléphonie et protège l’intérêt des utilisateurs. Elle jouit également d’une autonomie financière et ses ressources proviennent (essentiellement) d’une taxe de 2% sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécom. Et cela fait beaucoup d’argent. Près de 46 milliards FCFA se trouvaient dans les caisses de l’AMRTP à la fin de l’année 2015. Cela a créé beaucoup de convoitises.

Et c’est en 2008 que Choguel Kokala Maiga est nommé Directeur général de l’AMRTP (ex Comité de Régulation des Télécommunications, en abrégé CRT). Titulaire d’un doctorat d’État en télécommunication, il a été ministre de l’Industrie et du Commerce entre 2002 et 2007 et dirige le parti MPR (Mouvement patriotique pour le renouveau). Le 10 Janvier 2015, le Dr  Choguel revient aux affaires. Et cette fois-ci, en tant que ministre de l’Économie numérique, de l’information et de la communication, et aucun remplaçant n’est nommé à l’AMRT. Alors, il cumule les deux postes et dirige de fait ces services de l’État, jusqu’à son limogeage du gouvernement le 7Juillet 2016.

Courant Juin 2016, l’AMRTP reçoit une mission du Contrôle Général des Services Publics. Selon le rapport d’enquête, il y a des éléments d’abus des biens de l’État et d’enrichissement illicite couvrant la période 2012 à 2015.

Dans le mécanisme, les revenus de l’AMRTP sont partagés entre un budget de fonctionnement et le Fonds d’Accès Universel (FAU) dont le but principal est de créer un service minimal (téléphonie, Internet, etc.) accessible à tous les Maliens (à un prix abordable). Aussi, les excédents du budget de fonctionnement sont reversés dans le FAU. Mais le rapport  d’enquête révèle plusieurs dépenses difficiles à justifier pour une autorité de régulation.

Quelques exemples suffisent pour se rendre à l’évidence : l’organisation d’une colonie de vacances à l’étranger pour les enfants du personnel de l’AMRTP pour un coût de 494,035 millions FCFA ; l’achat de 227 tablettes iPad, 80 téléphones iPhone et 100 ordinateurs pour les ministres, les services de la présidence et de l’Assemblée Nationale, les fonctionnaires de l’AMRTP, ainsi que d’autres services administratifs. Le tout pour une enveloppe de  468,169 millions de FCFA.

Ensuite vient, les frais de communication des membres du Conseil d’Administration de l’AMRTP  pour une enveloppe de 28,10 millions de nos francs et le cumul de salaire et d’émoluments du poste de directeur général par le ministre Choguel pour un montant de  86.272.390 FCFA. De par ce cumul de poste, le Dr  Choguel Kokala Maïga, en tant que ministre de la Com, était de facto, son propre supérieur hiérarchique pour le poste de dirlo général de l’AMRTP.

 Abus des biens de l’État

Mais comment expliquer des dépenses de 500 millions de francs CFA pour des vacances d’enfants dans notre pays où 43% de la population vit dans le dénuement total et où près de 2000 personnes meurent de paludisme chaque année parce qu’elles n’ont pas 500 FCFA pour la dose de maloxine ? Seuls le Dr Chaude-gueule, pardon le Dr Choguel, ancien patron de l’AMRTP pourrait y répondre. Du moins à l’heure actuelle. En somme c’est 1,076 milliard FCFA (1 076.577.097 F) du contribuable que les responsables de l’AMRTP ont dépensé, sans justificatif, et en toute illégalité. Autrement dit, les décaissements ont été sans rapport avec les besoins réels de l’AMRTP.

Toutefois, entre 2012 et 2015, l’AMRTP a passé 108 marchés et contrats totalisant  8,706 milliards  de FCFA. Mais le hic qui titille, c’est que certains de ces contrats ont été payés avant leur exécution. En même temps, d‘autres n’ont jamais été déclarés  aux services des impôts. En bloc, les contrôleurs ont relevé 18 manquements aux principes de gestion saine.

Double perception de salaire par Choguel

En cumulant les deux postes, le Dr Choguel Kokala Maïga, était ministre de la Communication et Dg de l’AMRTP. Du coup, il était lui-même son supérieur hiérarchique, donc pas de compte à rendre à quelqu’un. Et c’est en mars 2015 qu’il décide de lancer un appel à candidature pour  lui remplacer à l’AMRTP.

Une fois, la commission de dépouillement mise en place, le nom du Dr Choguel n’y figure pas ; 7 membres sont nommés par la décision n°2015-023/MENIC-SG du 1er avril 2015 et l’AMRTP octroie 12 millions de francs CFA sur ses comptes pour couvrir les frais de la commission. Et le chèque est signé par le Dr Choguel lui-même, en sa qualité de Dg de l’AMRTP. Le 3 Avril 2015 – soit 2 jours après la mise en place de la commission – le secrétaire général du Ministère de l’économie numérique, Mamadou Hady Traoré (lui-même président de la commission), octroie à son ministre 4 millions FCFA pour 8 jours de futurs travaux en tant que « superviseur » de la commission. Quelles manœuvres dolosives ? Mais toujours est-il que l’essentiel pour Choguel est qu’il y a à boire et à manger.

Dans le processus, le Dr Choguel, en sa qualité de Dg de l’AMRTP s’est payé, en tant que lui-même son supérieur hiérarchique, le ministre de la Com. Cependant, il percevait 500 000 FCFA par jour – soit 500 fois le salaire minimum garanti par l’État. Pour un travail qui n’avait absolument aucune raison d’exister et qui en toute vraisemblance était fictif.

Fraude Bancaire  à ciel ouvert

Au moment où le rapport des contrôleurs a été établi, l’AMRTP possédait 18 comptes courants et 12 comptes dits « dépôt à termes » (DAT). Dans le jargon bancaire, un DAT est un placement sur une période fixe qui génère des intérêts plus ou moins importants en fonction de la durée et du montant placé. Il est considéré comme sans-risque et les taux pratiqués sont basés sur le taux de placement interbancaire, le taux de refinancement de la banque centrale (BCEAO) ou le taux d’intérêt des bons du Trésor.

Durant toute l’année 2015 le taux de prêt interbancaire (sur 12 mois) a fluctué entre 3,78% et 6%. Et une enquête menée auprès de plusieurs banques à Bamako sur les taux de DAT de ces comptes, donne une fourchette comprise entre 4,5% et 5,5% pour un dépôt d’un milliard FCFA sur 12 mois. Donc, au-delà de la taxe perçue sur les activités des opérateurs de télécom au Mali, l’AMRTP devrait engranger d’énormes revenus sur les intérêts de ses comptes DAT. Pourtant, en 2015, le taux moyen que l’AMRTP a perçu sur ses comptes DAT dépasse à peine 2% – les intérêts perçus ne s’élèvent qu’à 914 millions FCFA, soit un taux de 2,13% – moins qu’un simple compte d’épargne.

Pourquoi l’AMRTP perçoit aussi peu d’argent sur ses comptes DAT ? Le rapport des contrôleurs ne disant rien sur cette incongruité, il est difficile de répondre à cette question sans avoir le détail des accords signés avec les banques.

Mais selon des informations, certains banquiers reverseraient des fonds « hors-circuits » aux responsables d’entreprise contre un taux en-dessous de la « normale ». Est-ce le cas de l’AMRTP ? Un simple contrôle diligenté auprès des banques ou de l’AMRTP lèverait le voile sur cette question. En chiffre, le trou de caisse subi par l’AMRTP est important et les enquêteurs l’évaluent à 2,5 milliards de francs CFA pour la seule année 2015.

Un scandale fumant

Mais, pour  les responsables en charge du dossier, c’est cette situation pour le moins accablante qui sortira bientôt du placard.

À  en croire nos sources, généralement, bien informées, il s’agira pour les spécialistes de faire toute la lumière sur la gestion du Dr Choguel Kokala  Maïga, à la tête de l’AMRTP. Une gestion en proie à l’opacité.

Élaboré, par des Experts en matière de contrôles financiers, ce dossier épingle plusieurs cadres, dont le Dr Choguel Kokala Maïga,  Directeur Général de l’AMRTP et « sinistre » de la Communication, à l’époque des faits.

À en croire le rapport d’enquête, monsieur Choguel s’est beurré au passage du magot. Si ces accusations s’avèrent fondées, elles risquent de sonner le glas pour le Dr Choguel Kokala Maïga dans l’arène politique. Ou, à tout le moins d’entacher sa crédibilité.

En 2015, notre confrère le journal « Infosept » titrait à la une : « AMRTP : partout des trous de caisse ». Il ne croyait pas si bien dire. Il s’agissait, en réalité, de la mauvaise gestion à ciel ouvert au sein de cette structure.

Plus grave, lors de cette gestion, les caisses de l’AMRTP ont coulé comme le Djoliba dans son lit. À coup de milliards.  Il s’agit, notamment de 2,5 milliards FCFA de perte sèche.

Grosso modo, les enquêteurs, indiquent que, la gestion du Dr Choguel Kokala Maïga, à la tête de l’AMRTP, n’a pas été transparente, encore moins libre. D’où leur décision, à l’unanimité, de tirer les choses au clair.

En attendant, l’ancien dirlo de l’AMRTP et l’ex ministre de la communication, le Dr Choguel, risque gros. Très gros. Ses complices aussi. Accablant.

Nous y reviendrons !

Jean Pierre James

Nouvel Reveil

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2 COMMENTAIRES

  1. Chogel est du nord et de surcroît Maiga . Peine perdue il sera protégé. Donc ne te fatigues pas pour faire des révélations sur un nordiste. Si tu ne fait pas attention ça risque de se retourner contre toi.!.

  2. La première phase dans la lutte contre la corruption dans ce pays, c’est de mettre aux arrêts, tous ceux, qui de près ou de loin, sont impliqués dans des affaires relatives aux délits d’atteintes aux deniers publics, d’abus de biens sociaux, corruption et de détournement de biens de l’état. Tous sans aucune exception doivent être interpellés, quelques soient leurs positions sociales, leurs âges ou leurs fonctions. Que des magistrats de haut niveau, au dessus de tout soupçon, soient désignés dans les règles, pour prendre en charge l’ensemble des dossiers. Que leur procès passe en direct sur les chaînes de télévisions et des radios, pour que chaque Malien sache ce qui s’est passé réellement dans les faits, les mécanismes utilisés, les montages grossiers pour prendre l’argent de l’état, la comparution des complices, l’utilisation de l’argent, la destination des fonds, sont autant de choses qui devraient être mises sur la place publique. Prendre les affaires, dossier par dossier, Ministère par Ministère, la Présidence et tous les services de l’état où des gens gèrent les biens publics, doivent être passés au peigne fin, même si cela doit prendre une année entière. Voilà de quoi a besoin le Mali, car il n’est pas normale que dans un pays comme le nôtre, de simples petits fonctionnaires, avec un salaire de moins de trois cent mille francs, soient propriétaires de trois à quatre villas, pendant que le cadre intègre ayant travaillé toute sa vie, habite dans un taudis, avec une famille de cinq à huit personnes. Choguel n’est que la face visible de l’iceberg. Des Choguels, il y’en a à la pelle dans l’administration Malienne. Il faut que des audits tous azimuts soient menés dans ce pays pour qu’enfin, un début de peur commence à s’emparer des gestionnaires des biens de l’état. Prenez l’exemple du Rwanda.

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