Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (21 avril 2011) - 5 : 11 fois plus de fonds détournés au Programme TB qu’au Programme Palu

23 Juin 2011 - 00:00
23 Juin 2011 - 00:00
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Dans cette cinquième partie de notre traduction, l’OIG du Fonds Mondial détaille par le menu les différentes étapes de son enquête et justifie le fait de s’être concentré sur la DAF du ministère de la Santé et les programmes de lutte contre la tuberculose et le paludisme. D’où il ressort que les fonds détournés au PNLT (506 millions de FCFA), représentent onze fois les fraudes constatées au PNLP (46 millions de FCFA).

II. Méthodologie

A. Etendue de l'enquête
L’OIG examiné près de 75% des dépenses effectuées au titre des quatre subventions. Comme l'illustre le tableau ci-dessous, des 13 millions d’USD que le GF a déboursés pour les quatre subventions, l'enquête a porté sur 9,7 millions d’USD dépensés par les deux principaux organismes d'exécution (Bénéficiaires principaux PR), le PNLT et le PNLP, et leurs bénéficiaires secondaires (SR). Les dépenses engagées par PSI, qui représentaient la plupart des médicaments au titre des subventions, n'ont pas été examinés dans le cadre de cette enquête.

Compte tenu de la répartition des fonds et de la nécessité pour l’OIG de se concentrer sur le PNLT et le PNLP, l'enquête a examiné 7,9 millions de dollars de dépenses PNLT et 1,8 million de dollars de dépenses du PNLP. Le PNLT, par conséquent, représentait 84% des dépenses enquêtées.

B. Processus de l'enquête
L'enquête de l’OIG consistait à obtenir, à organiser et à analyser plus de 50.000 pages de documents des programmes, ainsi qu’à réaliser des entretiens avec près de 1000 personnes, parmi lesquelles des opérateurs économiques, le personnel de mise en œuvre des subventions, le personnel des bénéficiaires principaux, le personnel du LFA (Local fund agent, Agent local du Fonds), le personnel de l’auditeur externe (SEC Diarra ), les membres du CCM (Mécanisme de Coordination national) et le personnel du Secrétariat du GF.

1. Obtention et organisation de la documentation
La collecte des documents a commencé lors de la vérification par l'OIG des subventions, à l'automne 2009. L'équipe de vérification (i) a examiné le système comptable utilisé par la DAF pour enregistrer les transactions des programmes et (ii) des échantillons de dépenses pour examiner la documentation y afférant.  Dès cette époque, l'Unité d'audit de l’OIG a constaté que plus de 80%t des 8,7 millions de dollars de retraits en espèces effectués à partir des comptes bancaires des programmes n’étaient pas convenablement comptabilisés dans le système comptable TOMPRO.

Dans la foulée de ces constatations, la DAF, avec l'aide de l'auditeur externe nouvellement recruté, la SEC Diarra, a entrepris de reconstituer les livres comptables et les comptes des programmes sur la base de la documentation y afférant disponibles. Ce processus a pris fin au printemps 2010, date à laquelle les informations ont a été mises à la disposition de l’Unité d'enquête de l’OIG pour des recherches complémentaires.

Malgré les efforts entrepris pour compléter les livres et registres comptables, le contenu du système de comptabilité TOMPRO était insuffisant pour une utilisation par l’OIG dans son enquête. Les données saisies dans le système comptable ont été déficientes, en principe, de deux façons: (i) elle ne fournissaient pas de lien clair entre les retraits bancaires, d'une part, et les preuves de la façon dont l'argent avait été dépensé («dépenses»), d'autre part, et (ii) elle ne permettaient pas d'identifier les personnes ou entreprises («vendeurs») qui avaient finalement reçu des fonds des programmes.
En raison de ces lacunes, l’OIG a consacré beaucoup de temps et de ressources à recréer un dossier électronique des décaissements des programmes et des dépenses qui (i) répertoriait la totalité des transactions bancaires, (ii) standardisait et récapitulait convenablement les noms des fournisseurs pour toutes les dépenses, et (iii ) liait de manières appropriée dépenses et retraits bancaires. L’OIG a collecté, scanné, revu et enregistré plus de 50.000 pages de documentation à l'appui des dépenses pour les quatre subventions sous enquête. L’OIG a également obtenu indépendamment les relevés bancaires pour les cinq comptes concernés et enregistré toutes les transactions bancaires dans sa base de données pour l’analyse légale.

2. Analyse des documents
Puisque les fraudes initiales constatées par le ministère de la Santé étaient liées à des falsifications de chèques perpétrées par le comptable de la DAF, l’Individu A, l'OIG a mené un examen de comptabilité juridique des activités dans tous les comptes bancaires utilisés tout au long de la mise en œuvre des quatre subventions. En plus de l'acquisition des relevés bancaires originaux, l’OIG a également obtenu les chèques annulés directement auprès des banques, afin de vérifier l'identité de leurs bénéficiaires et, dans certains cas, de vérifier la légitimité des autorisations et des signatures. L’OIG a cherché à identifier les cas dans lesquels les retraits par chèques ont été faites par des personnes non habilitées (telles que le comptable du programme), ou dans lesquels les chèques émis au bénéfice d’une personne ou d’une entité ont été encaissés par d’autres.

L'approche comptable juridique a également cherché à rapprocher l'activité des comptes bancaires de la documentation justificative relative aux dépenses effectuées par les programmes et conservée par la DAF. L’OIG a examiné la documentation des dépenses afin d’y déceler des irrégularités ou des indices de fraude, de corruption et de collusion et d'autres violations des procédures (par exemple, un fournisseur de gré à gré quand un processus d'appel d'offres était requis).

L’OIG a également examiné la documentation relative aux subventions émanant de structures ayant une fonction de surveillance. Dans ce contexte, ont été examinés les rapports d’audit, du LFA, du CCM et des rapports émis par le GF lui-même. En outre, l’OIG a interrogé les LFA et FPM qui avaient supervisé les subventions. Enfin, l’OIG a inspecté légalement les ordinateurs des acteurs de mise en œuvre des subventions pour y rechercher des fichiers électroniques pertinents pour l'enquête.
3. Entretiens

Après identification des documents suspects, les enquêteurs de l’OIG ont poursuivi leur travail par des entretiens avec des employés des programmes et des fournisseurs. L’OIG a contacté les fournisseurs par téléphone ou par courriel et, lorsque cela était possible (c'est à dire à Bamako) a visité leurs locaux. Lorsqu’il y a pu avoir un contact physique avec un fournisseur, il a été demandé au vendeur de confirmer la validité des factures qui portaient le nom de son entreprise que l'OIG lui a présentées. Les enquêteurs de l’OIG ont interrogé des centaines de propriétaires d'entreprises et de fournisseurs, ainsi que 33 fonctionnaires.

Plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations concernant le fait d'être identifiés par leurs noms dans ce rapport, en indiquant qu'ils craignaient des vengeances et de représailles si les informations qu'ils avaient fournies leur étaient publiquement attribuées. L’OIG cite donc ces personnes comme des «témoins confidentiels», ou plus génériquement, et leur a promis l'anonymat. Leurs informations ne sont incluses dans ce rapport que lorsqu’elles ont corroborées par d'autres témoins ou documents et donc jugées crédibles.
4. Limites de l'enquête
L’enquête de l’OIG a été limitée par un certain nombre de facteurs internes et externes. Les facteurs internes liés au temps et aux ressources a conduit l'équipe à prendre les décisions suivantes:
• L'enquête s’est focalisée sur les subventions Tuberculose parce que, jusqu’au 31 décembre  2009,  date jusqu'à laquelle l’OIG a recueilli tous ses renseignements, elles représentaient 84% des dépenses directes des deux programmes et que l'ampleur de la fraude dans le programme TB avait déjà été découverte à cette époque (ce qui a été confirmé par la DAF, avec des retraits anormaux supplémentaires décelés lors de l'audit de l’OIG) et dépassait celle relative au programme contre le paludisme par un facteur 10: soit 506 millions de FCFA contre 46 millions.

• L’OIG a concentré son enquête sur la DAF, le PNLP et le PNLT, et n'a pas examiné les dépenses effectuées par le PSI, qui représentaient pourtant la plupart des achats de médicaments au titre des subventions.

• L'enquête a porté sur les dépenses engagées à Bamako.
• La composante comptabilité juridique de l'enquête était en partie dépendante de travaux entrepris par la DAF entre Novembre 2009 et Mars 2010. Durant ce temps, les employés de la DAF ont reconstitué les livres comptables et documents justificatifs fournis à l'équipe de l’OIG pour justifier les retraits bancaires. Dans certains cas, l'OIG a été en mesure de confirmer de manière indépendante le lien retrait / documentation, mais, dans d'autres, il a été contraint de s'appuyer sur les conclusions émises par la DAF.

Par ailleurs, l'initiation par le Mali d'une enquête pénale sur la gestion des subventions du GF à contraint l’OIG à abréger son enquête sur les principaux responsables et certains fournisseurs-clés, afin de ne pas perturber son déroulement. L'incarcération au Mali de fonctionnaires-clés a également rendu ceux-ci indisponibles pour des entretiens avec l’OIG, les fonctionnaires les ayant remplacés ayant affirmé à l'OIG qu'ils n'étaient pas au courant de leurs activités passées.

C. Concepts pertinents de fraude et d'abus

Le Code de conduite du Fonds Mondial pour les fournisseurs donne les définitions suivantes des concepts pertinents de fautes: «manœuvres frauduleuses» désigne tout acte ou omission, y compris une fausse déclaration, qui induit en erreur, sciemment ou par imprudence, ou tente de tromper, une personne ou une entité, afin d'obtenir un avantage financier ou autre ou pour éviter une obligation; la pratique «collusive »désigne un arrangement entre deux ou plusieurs personnes ou entités conçu pour atteindre un but illégal, y compris d’influencer indûment les actions d'une autre personne ou entité, et, «pratique anti concurrentielle» désigne tout accord, décision ou  pratique qui a pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser la concurrence sur un marché.

L'institution financière internationale de lutte contre la corruption Force Task fournit des définitions similaires. D'autres concepts pertinents du droit pénal sont les suivantes: «appropriation frauduleuse »désigne l'utilisation illégale intentionnelle des biens ou des fonds d'une autre personne, pour son propre usage ou à d'autres fins non autorisées, en particulier par un fonctionnaire public, un agent fiduciaire, un exécuteur testamentaire ou un administrateur de la succession d'un défunt, ou par toute personne ayant la responsabilité de prendre soin et de protéger l'actif d’une autre (obligation fiduciaire), «conspiration" signifie accord pour commettre un acte illégal. Il s'agit d'une compréhension mutuelle, de façon orale ou tacite, entre deux ou plusieurs personnes, pour coopérer les unes avec les autres pour accomplir un acte illégal.
D. Processus de réponse

L’OIG a fourni au Secrétariat du Fonds mondial, au LFA et au CCM, la possibilité d'examiner et de commenter ses conclusions avant la publication du rapport. L’OIG a invité chacune de ces entités à fournir une réponse écrite, qui serait annexée au rapport. Chacune a décliné. Le CCM a reçu une copie du rapport le 21 Mars 2011 et il lui a été donné plus de quatre semaines pour fournir une réponse. Malgré plusieurs rappels, il n'a pas répondu.

Néanmoins, l'OIG a examiné tous les commentaires soumis avant la finalisation du rapport. Tous les éléments de preuve découverts dans cette enquête ont été partagés, sur une base continue, avec le magistrat nommé directement par le Président du Mali pour enquêter sur l'affaire.

E. Taux de change
Ce rapport chiffre les montants en dollars des Etats-Unis (USD), ou en Francs d'Afrique occidentale (CFA), le cas échéant, pour faciliter la lecture. Aux fins du présent rapport, le taux de change entre CFA et USD a été défini comme la moyenne du taux de change de la période allant du 1er Janvier 2005 au 31 Décembre 2009, ce qui donne 0,002099936 USD pour 1 CFA, soit 476 francs CFA pour 1 USD. Cette valeur a été obtenue par la compilation d'une série de données sur les taux de change quotidiens de la période, en calculant la moyenne de ces valeurs.
A suivre…
Ramata DIAOURE

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