Au Niger, l’Ordonnance N° 2010-84 du 16 décembre 2010 portant Charte des partis politiques, dispose :
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Au Burkina Faso, la loi n°012-2000/AN du 2 mai 2000 prévoit le financement des activités politiques et des campagnes électorales, des partis répondant aux critères définis par ladite loi.
L’adoption de la loi n°008-2009/AN fait passer le montant de la subvention à 500 millions de FCFA à partir de 2011, pour les activités hors campagne. Cette fois-ci, avec pour critère d’obtention d’au moins 3 % des suffrages exprimés aux élections législatives. Quant à la subvention pour les campagnes électorales, une somme allouée par l’État est répartie entre les formations politiques et les regroupements d’indépendants.
Selon Brice Emmanuel Sawadogo, directeur général des libertés publiques et des affaires politiques au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation du Burkina Faso, les partis politiques doivent justifier après le premier trimestre de chaque année civile, les dépenses auprès de la Cour des comptes. En 2020 par exemple, le CDP n’a pas apporté dans les délais les justificatifs et n’a pas eu droit au soutien financier. Le président du parti, Eddie Komboïgo confie aussi :
Au Burkina Faso, à l’issue du dernier scrutin législatif de novembre 2020, seules quatre formations politiques ont été éligibles à la subvention hors campagne.
Il s’agit du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP : 34,59 %), du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP : 13,26 %) de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC : 10, 18 %) et du Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD : 5,56 %). Ces partis vont se répartir au prorata du nombre de suffrages obtenus, un montant de plus de 2,5 milliards de FCFA pour financer leurs activités jusqu’aux prochaines élections législatives.
D’après la Cour des comptes burkinabè, durant la législature passée (2015-2020), six partis politiques avaient bénéficié de la subvention de l’État de leurs activités hors campagne suivant le pourcentage recueilli au scrutin.
Au Mali, le montant global annuel du financement des partis politiques dépend du montant des recettes fiscales annuelles. Le montant de 2019 est 2 953 996 250 FCFA, que les partis politiques n'ont pas encore perçus, ce qui rend incertain celui de 2020.
Selon la Délégation Générale aux Élections, 85 partis politiques remplissent les conditions pour être éligibles à l’exercice 2019. Le montant cumulé de financement des partis politiques de 2001 à 2019 est de 28 933 848 944 FCFA.
Le financement public doit permettre d’éviter que des groupes mafieux ne financent les partis, avec comme conséquence, de contrôler politiquement le pays, fait remarquer Dr Ibrahima Sangho, président de l’Observatoire pour la Démocratie et la Bonne Gouvernance, qui ajoute :
Au Niger, la Cour des comptes a révélé dans ses rapports (2015, 2016 et 2017), de graves irrégularités dans la gestion des partis politiques. Certains n’ont même pas de compte bancaire, de siège et ne tiennent pas de comptabilité. Il y a manifestement non-respect des conditions légales d’utilisation de la subvention octroyée par l’État.
En 2016, sur les seize (16) partis politiques représentés à l’Assemblée, seulement 7 ont déposé leurs comptes pour l’exercice 2018. Ils étaient neuf (9) pour l’exercice 2019.
Il est ainsi relevé une absence de transparence dans la gestion des fonds alloués aux partis politiques. En effet, dans un de ses rapports, la Haute Autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) a notifié qu’en dépit de l’existence de plusieurs instruments juridiques, on assiste à des transactions de nature corruptive entre les pourvoyeurs de fonds destinés au financement des partis politiques et les responsables des partis politiques. Les fonds injectés lors des transactions constituent un investissement de corruption qui crée des rapports d’obligations réciproques. Le retour sur investissement attendu, affecté d’un coefficient multiplicateur très élevé est toujours réalisé au détriment de l’État et de l’intérêt général.
Pour la Délégation Générale aux Élections (DGE) du Mali,
« les partis politiques sont censés utiliser le financement public pour la formation, l'éducation, l'information et la mobilisation de leurs militants ; payer les frais de location de leur siège et le matériel nécessaire au fonctionnement du parti. Mais seule la Section des Comptes de la Cour Suprême peut préciser l'utilisation du financement », indique notre interlocuteur
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Selon l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, normalement les partis dépensent le financement public pour faire face à leurs charges de fonctionnement, leurs manifestations politiques, leurs activités politiques de terrain et de campagnes électorales.
« Dans les faits, à certains niveaux, il y a sans doute des abus comme l’utilisation à des fins personnelles, de ce financement ; ce qui n’est pas acceptable et doit être sanctionné ».
Selon Seydou Mallet, Conseiller à la section des comptes de la Cour Suprême du Mali, les documents comptables ne sont pas tenus ou sont mal tenus ou sont incomplets. Il y a nécessité de revoir les critères d’attribution et de les étendre à d’autres aspects, tel que le financement de la campagne électorale, ajoute M. Mallet. Pour ce responsable de la plus haute juridiction malienne :
« Ce n’est pas prévu dans les textes, mais il serait très intéressant de savoir d’où proviennent les fonds de campagne et permettre à la section des comptes d’auditer les fonds des campagnes des partis politiques. Cela est très important, car si l’origine peut être douteuse, elle peut être une source de blanchiment, elle peut être une source d’enrichissement illicite ou provenir d’organisations terroristes ou autres... Il faut qu’on soit regardant sur l’origine des fonds des campagnes électorales ».
Trempés dans la faillite de l’État
Moussa Mara touche du doigt les tares qui ont dévoyé la démocratie malienne, ces déviations qui ont dénaturé cette jeune démocratie, la vidant de sa substance et dans lesquelles sont trempés les partis politiques. Il y a eu des insuffisances majeures, selon Moussa Mara : la vie démocratique réduite en périodes électorales est un des handicaps majeurs dans notre pays. La démocratie ce n’est pas que des élections, argue -t-il.
« Une fois le pouvoir acquis, on prépare la prochaine échéance et on essaie de tout faire pour gagner et en même temps tout faire pour éloigner les rivaux du pouvoir. Les partis qui ont été au pouvoir sont les premiers responsables de cette situation. Leur propension à caporaliser les cadres, à faire pression sur les agents, à débaucher les militants et responsables de l’autre camp, avec des actions peu recommandables (menaces, appâts du gain…) ont semé dans l’esprit de nos compatriotes des comportements serviles et inappropriés. Cela a dénaturé la démocratie malienne et l’a un peu vidée de sa substance ». Les acteurs ont une grande facilité à composer avec le principe du jour, quel qu’il soit et d’où qu’il provient, révèle-t-il, avant d’indiquer qu’il y a des changements à apporter à la vie politique et démocratique du pays.
En ce qui concerne la mission éducative et de formation des partis politiques, le président du parti Yèlèma indique que
« cette fonction n’a pas été une priorité pour les partis, notamment les plus importants, ceux qui ont exercé le pouvoir. Ils se sont réduits à la conquête du pouvoir et sont devenus uniquement des machines électorales. Les autres partis ont suivi cet exemple ainsi que les citoyens. Cela a été d’autant plus à la mode qu’au même moment, les responsables publics se sont de plus en plus vautrés dans les détournements, l’enrichissement illicite et d’autres pratiques néfastes . Ainsi, dans un cercle vicieux, depuis plusieurs décennies notre pays s’enfonce dans les mauvaises attitudes de responsables qui entraînent les mauvaises attitudes des populations et vice versa ! », a-t-il ajouté.
Avec tant de partis politiques, qui reçoivent le financement public, s’ils jouaient bien leur rôle, les États seraient à l’abri de la faillite, de la mal gouvernance. Selon Moussa Mara, cette faillite des États est la preuve que les partis ne jouent pas leurs rôles. Il faut impérativement réformer le système de création et de fonctionnement des partis en inscrivant des actions concrètes comme l’éducation à la citoyenneté, la formation, la mobilisation… dans la réforme globale de notre système démocratique, dit-il en substance.
« Au Niger, le rôle des partis politiques est détourné. A l’analyse, on s’aperçoit que les partis sont créés non pas dans le but de conquérir et d’exercer le pouvoir d’État mais dans le sens de faire des alliances qui peuvent rapporter à des individus. Ce qui veut dire que les missions assignées ne sont pas respectées. Or un parti politique est un gouvernement en apprentissage qui défend à promouvoir ses valeurs. Être prêt à exercer quand on aura conquis le pouvoir. Mais la mauvaise gouvernance fait en sorte que beaucoup des militants ont un problème de formation : non-connaissance et maîtrise de la charte des partis politiques, de la constitution, du code électoral et du mode du fonctionnement de leur formation politique… », fait remarquer le Président de Transparency international Niger, Maman Wada.
Pour le constitutionnaliste Amadou Hassan Boubacar, « …Le phénomène partisan fait en sorte qu’il y a une certaine faiblesse de l’État qui n’arrive plus à sanctionner, à nommer des cadres compétents parce que pour eux c’est la récompense des militants qui compte, même s’il y a une inadéquation entre le profil et le poste ».
« L’aide publique n’est pas gérée de façon convenable par les partis politiques. S’il y a eu un coup d’État en 2012, un autre en 2020, c’est parce que les partis politiques n’ont pas joué quelque part leur rôle par rapport à l’aide reçue : former, éduquer, sensibiliser, mobiliser pour renforcer la démocratie et la gouvernance. Ils n’ont pas fait face à leur mandat premier, qui est celui d’instaurer le respect de la démocratie et la bonne gouvernance, le respect de la séparation des pouvoirs et le respect des Institutions de la République », selon Dr Ibrahima Sangho, président de l’Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance.
« Il y a un divorce entre la classe politique et la population. Dans ce contexte de divorce, lors des élections, les gens disent qu’il vaut mieux prendre 1000 FCFA ou 2000 FCFA, pour voter, car lorsqu’ils sont élus députés, ce n’est pas sûr de les revoir avant les prochaines élections prévues dans cinq ans », poursuit Ibrahima Sangho.
Au Burkina Faso, la secrétaire exécutive de la Convention des organisations de la société civile pour l’Observation Domestique des Élections (CODEL), Lydia Zanga, soutient qu’au-delà des documents que les partis politiques présentent à la Cour des comptes, pour justifier les dépenses du montant obtenu, il faut un suivi rigoureux des activités des partis politiques sur le terrain. Mieux, sa structure propose un encadrement du financement privé des partis politiques.
Une analyse du comportement des formations politiques ayant bénéficié de la subvention de l’État, pour le financement de leurs activités laisse croire qu’elles n’accomplissent pas leurs missions d’information, d’éducation, de sensibilisation et de propositions de solution de sortie de crises.
Le Niger, comme le Mali et le Burkina sont régulièrement mal classés en termes d’indice du développement humain. Aujourd’hui, ils font face à d’énormes défis sécuritaires et de la lutte contre la mal gouvernance, la corruption, des dangers pour la démocratie. L’impunité dont jouissent certains politiciens, crée la rupture de la légalité et de l’égalité des citoyens devant la loi. Dans cette optique, la responsabilité à part entière, des partis politiques, est engagée tant au Mali, au Niger qu’au Burkina Faso. Leur passivité devant les problèmes des citoyens, leur implication dans la gestion hasardeuse du pouvoir obérant les bienfaits de la démocratie font qu’il est absolument temps de solder les comptes des fossoyeurs et de bâtir des États viables.
Enquête réalisée par Boukary Daou (Mali), Brah Souleymane (Niger) et P. Oumar Ouedraogo (Burkina Faso), avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)