VIE DES PARTIS POLITIQUES: Le RPM à la croisée des chemins

La politique est un jeu d'intérêts et c'est le plus filou qui gagne à tous les coups. A ce jeu, justement, tous les coups sont permis et la mauvaise foi est la chose du monde la mieux partagée. IBK et le...

18 Août 2006 - 10:30
18 Août 2006 - 10:30
 0
La politique est un jeu d'intérêts et c'est le plus filou qui gagne à tous les coups. A ce jeu, justement, tous les coups sont permis et la mauvaise foi est la chose du monde la mieux partagée. IBK et le RPM avaient oublié cette réalité du moment et de toujours en faisant assaut d'allégeance au Chef de l'Etat Amadou Toumani Touré qui n'en demandait pas tant. La profession de foi du président du RPM n'était-elle pas la loyauté et une fidélité à toute épreuve à son rival, le candidat indépendant devenu président de la République après le verdict des urnes ? Voici le RPM et son leader démunis comme jamais à l'orée de la présidentielle, à la croisée des chemins, voués à l'improvisation, sur la défensive alors que des périls constants et d'autres imminents menacent sa survie.
L‘attachement sans condition d'IBK à ATT avait fait croire qu'il y'avait un deal secret et prometteur entre lui et l'Homme du 26 mars. Il n'en était rien. En réalité, le premier et son parti ont rendu les armes sans combattre.
Les prémices de cette soumission ont été manifestées lors du fameux meeting d'Espoir 2002 au Stade du 26 mars après le premier tour de l'élection présidentielle qui avait vu l'élimination d'IBK de la course.
Le " Mandé Mansa " et l'Alliance avaient crié à la fraude et on s'attendait à une contestation générale de ses militants faisant craindre le pire sur l'ensemble du pays, une épreuve de force qui aurait obligé à revoir les résultats. Mais la voix d'IBK a prôné l'apaisement qui profita à ATT.
Ce singulier manque d'opportunisme et de réalisme politique, ce qu'on appelle le " timing " en terme anglo-saxon, allait encore du coté d'IBK et du RPM prendre le pas sur la considération la plus importante lorsqu'il s'est agi de mener les alliances au second tour.
Le RPM était devenu, au détriment de l'Adema-PASJ, un poids lourd de la scène politique dont il disputait le leadership à son frère ennemi, alors que l'URD du candidat Soumaïla Cissé avait connu une ascension fulgurante qui semblait sonner le glas du parti de la Ruche.
Que commandait le réalisme politique?
Tout simplement une alliance politique des deux formidables forces issues des entrailles de l'Adema originelle. Au lieu de quoi, IBK et le RPM se jetèrent benoîtement dans le giron d'ATT qui en l'occurrence réussit un coup de maître. Incroyable mais vrai, le parti des tisserands et son leader IBK avaient capitulé sans condition, laissant Soumaïla Cissé seul face à son destin.
Avec le renfort du RPM, ce dernier aurait sans doute été consacré par une victoire éclatante sur ATT à l'issue du second tour de la présidentielle de 2002 et il aurait déroulé le tapis rouge à IBK et au RPM .
 
IBK et le RPM  ont fait ATT ROI.
 
Comment était-il possible dès lors qu'une fois sur le piédestal du pouvoir le même ATT ne fasse pas la part belle au RPM et par ricochet à l'Alliance Espoir 2002 qui s'étaient imposés aux législatives suivantes ?
C'est que les partenaires d'ATT n'avaient plus de cartes sûres en main pour négocier, car ils n'avaient signé aucune plate-forme électorale sûre.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, IBK s'était contenté de vagues promesses !
Cette immaturité allait avoir des conséquences politiques incalculables. Le RPM et son président avaient bénéficié du perchoir de l'assemblée nationale. Le roi avait fait de son vassal un prince ! Après de laborieuses tractations les Tisserands n'ont pu avoir la primature, la direction du gouvernement tant convoitée avec un maximum de ministres, donc la responsabilité pleine et entière de gérer les affaires de la République.
C'est avec une sorte de naïveté désespérée qu'ils ont avalé la couleuvre du consensus mise en avant par le président de la république qui a ainsi révélé à la face du monde et de ses détracteurs qu'il n'était plus un néophyte en politique.
Alors qu'on assistait à sa montée en puissance annihilant toute opposition significative face au plébiscite populaire en sa faveur, le RPM et IBK quant à eux, commençaient leur irrésistible descente aux Enfers. Le parti était traversé par une guerre de clans opposés entre partisans d'aller tout de suite à l'opposition et ceux convaincus, dont les deux ministres RPM, que le parti est comptable du bilan d'ATT. A cela se greffaient des conflits de personnes et de leadership couronnés par l'absence d'une ligne directrice sinon idéologique claire.
L'impuissance d'IBK à gérer son propre destin et celui de son parti dans des conditions satisfaisantes s'est illustrée lors du renouvellement du bureau de l'Assemblée Nationale à l'issue duquel il allait perdre la majorité des positions acquises.
On a crié à un complot ourdi par le camp d'ATT à la recherche d'une majorité parlementaire pour commettre une sorte de hold-up sur le Parlement.
Si des députés du camp présidentiel avaient fait preuve de zèle pour prendre d'assaut la majorité des postes de responsabilité du Parlement, c'était de bonne guerre, mais sans l'aval du Président de la République qui, d'ailleurs en coulisse aura mis le holà à cette majorité présidentielle à l'assemblée.
C'était au président du Parlement et du RPM, IBK, de prévoir et de prévenir cette dangereuse éventualité rendue certaine par des frictions nées des convoitises pour les postes de la questure de l'Assemblée Nationale alimentées par ses propres prises de position.
Marqué par un tel affront, IBK et le RPM auraient dû déjà commencer à prendre leurs distances par rapport au pouvoir. Mais le vin du consensus étant déjà abondamment tiré, il fallait continuer à le boire avec délice, à satiété.
On pouvait ruer dans les brancards, mais il n'était pas question de se désolidariser sans équivoque de l'action gouvernementale en la dénonçant et en quittant l'attelage avec perte et fracas ; pour faire front ensuite dans une opposition sans équivoque, malgré les humiliations subies. ATT avait alors déclaré : " le consensus politique n'est pas une camisole de force. Ce n'est pas une figure imposée. Ceux qui ont un autre agenda peuvent partir dès à présent et me laisser assumer le reste du mandat ". Il ne lui restait plus au RPM et à IBK que le prétexte de la persécution, pour sauver le face et s'attirer par la même occasion la sympathie du peuple en même temps que l'absolution des militants.
Cette manie de la persécution était devenue un véritable fonds de commerce pour un parti qu'on croyait l'égal de l'Adema, tant sa montée en puissance avait paru irrésistible.
La RPM a fait illusion lors des législatives partielles à Sikasso où il a enlevé grâce à son candidat Housseyni Guindo, le jackpot devant la mouvance présidentielle, Adema plus compagnie et Mouvement Citoyen coalisés.
Cette renaissance après de sombres jours de turbulences a été éphémère. Ce fut un véritable chant du cygne.
La chute irrésistible du RPM dans l'électorat allait être confirmé par des législatives partielles à Mopti, le fief de l'Adema où les tisserands avaient promis une déroute retentissante au camp présidentiel. Ce fut tout le contraire.
En commune IV où il y avait un symbole, le siège de Kadari Bamba, le feu président du groupe parlementaire RPM à l'Assemblée Nationale, un fief qu'on croyait inexpugnable, ce fut un désastre.
La candidate URD, Mme Kadidiatou Samaké, appuyée par le RPM fut proprement laminée par Ibrahima Coulibaly dit Bri, le jeune candidat de la coalition de la mouvance présidentielle conduite par l'Adema.
Deux échecs répétés et significatifs douloureusement ressentis par le camp d'IBK, plus que jamais en proie au doute, divisé en clans dont les ténors ne mesurant pas encore la dimension du désastre, se rejetaient la balle au lieu de rectifier le tir. IBK lui-même n'était plus épargné. On faisait état de ses attitudes aristocratiques et hautaines, de son peu d'intérêt pour les militants et le parti à la merci de son éminence grise, Bocary Téréta, celui par lequel beaucoup de malheurs du RPM sont arrivés. Ce personnage hautement controversé a la manie de provoquer des crises. Les dernières en date ont été liées au refus de la délégation du bureau politique national conduite par Téréta d'entériner le choix des militants de la section de Sikasso qui avaient donné leurs faveurs au jeune député ayant remporté le siège vacant au détriment des pro-ATT coalisés. Ce triomphe avait fait de lui une figure emblématique, une icône aux yeux des militants passionnés qu'il ne fallait pas toucher, d'autant plus qu'il y avait un précédent. Las ! la délégation bamakoise a commis l'erreur fatale à Sikasso. Cela n'a pas cessé de faire des vagues depuis, empoisonnant le climat jusqu'à Bamako. Téréta et le jeune député Guindo derrière lequel s'est rangé tout Sikasso, se sont juré de se faire la peau. Une crise non résolue qui a laissé des plaies ouvertes et des doutes profonds dans le cœur et la conscience des militants sincères qui ont de plus en plus de nombreux motifs de ne plus être convaincus.
La dénonciation officielle constante par IBK et le RPM, à contre-courant du vote des députés et de l'opinion nationale, des Accords d'Alger pour la restauration de la paix et de la sécurité à Kidal et au Nord, a fini d'enfoncer le clou. Les communautés du nord et les militants RPM en particulier de ces régions ont très mal ressenti cette prise de position inexplicable, " impardonnable " à leur entendement. Les sections de Berrou dans le cercle d'Ansongo et celles de Gao ont dénoncé l'attitude anti-patriotique de leur parti et se sont solidarisés avec le gouvernement en soutenant dans des communiqués officiels les accords d'alger.
Une sortie justifiée encore par la récente mésaventure des Tisserands dont la mission sécrète, conduite imprudemment par Bocary Téréta, toujours le même, sur les ordres d'IBK auprès des rebelles dans les montagnes de Tegharghat, a été éventée.
Aucune raison ne pouvait justifier une aussi folle entreprise menée en dépit du bon sens par des dirigeants respectables d'un parti qu'on croyait avoir le sens de l'honneur et des convenances tellement mises en avant, à tout propos par IBK, son inspirateur.
Désignés du doigt, dénoncés, voués aux gémonies, ils ne peuvent même plus en victimes expiatoires, devant une opinion déçue, désabusée et des militants et sympathisants qui leur reprochent un double langage, de ne pas avoir le courage de leurs actes.
Si ce parti et ses dirigeants ne font pas attention, il ne leur restera même plus les oripeaux de la respectabilité. Sauf les apparences qui ont conduit la direction d'un parti à vocation socialiste à se muer sensiblement en une coterie de bourgeois et de parvenus sous l'égide du très aristocratique IBK drapé dans des ors de la Res publica.
Il se passe comme si le RPM et lui veulent brûler les vaisseaux dans une course désespérée au pouvoir, en épuisant suicidairement leur seul viatique : le peu de fonds de confiance qu'il leur reste pour des succès désormais problématiques dans le proche futur des élections de 2007.
Dans cette course d'obstacles où les pièges et les traquenards sont légions comme les erreurs, le RPM apparaît prématurément usé, déboussolé par les épreuves et l'adversité ; autant de vicissitudes inhérentes à la vie de tout parti ambitionnant de conquérir le pouvoir en se faisant respecter. Est-ce encore dans les possibilités d'IBK et du RPM ?
Oumar COULIBALY

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0