Société nationale de réassurance : Le gouvernement passe à l'action
Le secteur de l’assurance au Mali entre dans une phase de transformation stratégique.

Porté par une croissance soutenue, un engagement politique affirmé et une volonté de modernisation, il se positionne désormais comme un levier essentiel du développement économique national. Toutefois, cette dynamique s’accompagne de défis structurels, technologiques et institutionnels que le gouvernement entend relever avec détermination.
Le marché malien de l’assurance affiche une vitalité remarquable. Selon le rapport 2023 de la CICA-Re, les primes émises dans le segment non-vie ont progressé de 66%, atteignant 6,5 millions de dollars, principalement grâce à l’assurance automobile et aux produits destinés aux entreprises.
Cette croissance compense le léger repli observé dans le segment vie sur la même période.
Sur une période de cinq ans (2016–2021), la densité du marché - mesurée en primes par habitant - a augmenté de 30%, tandis que le taux de pénétration est passé de 0,49% à 0,60% du PIB. Cette évolution dépasse largement la croissance du PIB par habitant (+6%), mais reste inférieure à la moyenne de l’UEMOA, estimée à 1%. Ce décalage souligne la nécessité d’une structuration plus ambitieuse du secteur dans un marché en expansion, mais encore sous-performant.
Vers une société nationale de réassurance
Dans le cadre d’une stratégie de renforcement de la souveraineté économique et financière, le gouvernement malien a annoncé, lors du Conseil des ministres du 10 septembre 2025, la création d’une Société Nationale de Réassurance. Présentée par le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, cette initiative répond à une double nécessité : réduire la dépendance aux réassureurs étrangers et capter une part significative de l’épargne locale actuellement transférée hors du pays.
Selon le compte rendu ministériel, cette future entité aura pour missions de renforcer la souveraineté financière nationale en retenant sur le territoire une part importante des primes ; de développer une expertise locale dans la gestion des risques complexes (industriels, miniers, agricoles, catastrophes naturelles) ; de contribuer au financement de l’économie en orientant l’épargne vers des investissements productifs (obligations du Trésor, placements bancaires) ; et de professionnaliser le secteur en créant des emplois spécialisés et en favorisant le développement de compétences techniques.
Bien plus qu’un simple outil technique, cette société est conçue comme un pilier central de la politique économique malienne, destiné à accélérer la maturation du secteur assurantiel et à maximiser sa contribution au développement national.
La digitalisation, une opportunité à saisir
La digitalisation du secteur de l’assurance progresse, mais reste inégalement répartie. Plusieurs compagnies ont lancé des plateformes de souscription en ligne, des applications mobiles et des systèmes de gestion des sinistres. Ces innovations visent à améliorer la transparence, réduire les coûts et élargir l’accès aux services.
Cependant, des obstacles persistent : faible couverture Internet dans les zones rurales ; manque de formation numérique des agents et des assurés ; absence d’un cadre réglementaire clair pour les services dématérialisés ; méfiance envers les outils numériques dans certaines couches de la population.
Pour que la digitalisation devienne un vecteur de croissance inclusive, elle devra s’accompagner d’investissements dans l’infrastructure, de campagnes de sensibilisation et d’un encadrement juridique adapté.
Malgré les avancées, le secteur reste confronté à plusieurs défis majeurs : fragmentation du marché et faible capacité à couvrir les risques complexes ; faible culture assurantielle au sein de la population ; transfert excessif des primes à l’étranger en l’absence de réassureur national ; insuffisance de données statistiques fiables pour une gestion rigoureuse des risques.
Ces contraintes freinent l’expansion du secteur et limitent son impact sur l’économie réelle.
Pour consolider les acquis et réussir la transformation du secteur, plusieurs leviers doivent être activés : mise en œuvre rapide de la Société Nationale de Réassurance avec un mandat clair et des moyens adaptés ; renforcement du cadre réglementaire pour encadrer les services numériques et protéger les assurés ; investissements dans l’infrastructure digitale, notamment dans les zones rurales ; sensibilisation accrue sur les bénéfices de l’assurance et des outils numériques ; formation continue des professionnels aux technologies et à la gestion des risques.
En conclusion, l’assurance et la réassurance au Mali tendent vers un avenir radieux. La croissance du marché, la volonté politique et les opportunités offertes par la digitalisation créent un environnement propice à une transformation profonde. La création d’une Société Nationale de Réassurance incarne cette ambition : elle vise à structurer le secteur, à renforcer la souveraineté financière et à faire de l’assurance un moteur du développement national.
Le Mali peut devenir un acteur régional de référence, à condition de conjuguer innovation, souveraineté et confiance.
M. SANOGO
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