Ibrahim Sarr, maire de la Commune de Hawa Dembaya : «La Commune va s’approprier le festival»

5

Dans une interview exclusive qu’il nous a accordée après la tenue du  festival international Kayes Tamba Médine, le maire de la commune rurale de Hawa Dembaya, Ibrahim Sarr, fait le bilan de ce grand rendez-vous culturel. En plus des projets d’avenir de la commune auxquels peuvent s’attendre les populations de Hawa Dembaya, le Maire nous relate son bilan de cinq ans en termes de réalisations.

 

maire
Ibrahim Sarr

La commune rurale de Hawa Dembaya avec sa consœur de Tamba au Sénégal ont organisé la 9ème édition du festival « Kayes Tamba Médine » dont le promoteur est Mme Guenguen Alice Dakouo. Quel bilan tirez-vous de ce grand rendez-vous culturel international ?         

  Cette année, je peux le dire sans me tromper, le festival a connu une mobilisation record.  Au niveau des villages, les populations sont venues en masse. Les attentes sont comblées, car l’objectif de la commune est de s’approprier ce festival et que çà devienne un festival de la commune de Hawa Dembaya et non un festival comme certains le disent de Mme Guenguen Alice Dakouo.  Je profite de l’occasion pour lui rendre un vibrant hommage car sans elle l’attention de la communauté nationale et internationale ne serait pas attirée sur l’état de dégradation poussée du fort de Médine. Avec elle, nous ferons beaucoup de choses ensemble pour le développement de la commune de Hawa Dembaya. En revenant sur le bilan de cette édition, je dirais que le festival a connu une ambiance record. Les lieux de spectacles étaient remplis de masse.

 

 

Aussi, les gens sont venus de Kayes et environnants. Il y avait en outres la présence de certains étrangers malgré la situation d’insécurité au niveau de la bande sahélo saharienne. Sur ce plan, je fais allusion aux Chinois qui vivent parmi nous et qui sont venus en très grand nombre pour apporter un éclat particulier à ce grand rendez vous culturel. Coté spectacle,   ça été inédit. Trois jours durant, nous avons valorisé le patrimoine local Khassonké. Aujourd’hui la transmission de la connaissance qui se faisait de plus en plus oralement constituait un danger. Durant le festival, nous avons constaté que cette richesse culturelle du Khasso existe toujours. Comme danse du Khasso, on peut retenir entre autres : le dansa, le Djoubaliya. Il y avait aussi l’exposition  d’autres coiffures qu’on ne voyait plus. Donc il est nécessaire que nous entamions des procédures  pour pouvoir sauvegarder ce patrimoine culturel très important. Du point de vue spectacle venant d’artiste de niveau national et international, on peut dire qu’il n’avait pas de commentaire.   A tous les niveaux le festival a été un véritable succès.

 

 

         

Il était prévu par les autorités du Mali de créer un musée à Médine. Qu’en est-il de ce projet ?

La mise en place de  projet est en cours de réflexion.  Et d’ailleurs  ce festival a coïncidé à un atelier de validation du plan de gestion de conservation du fort de Médine. Et cet atelier accorde une place importante à ce projet de musée de façon générale. C’est aussi un moyen de mettre l’accent sur tous les aspects qui sont en lien avec la colonisation parce tout simplement Médine fut la porte d’entrée de la colonisation au niveau du Soudan français. Donc nous accordons beaucoup d’importance à ce projet. Nous allons y veiller  d’autant plus que nous sommes au cœur de cette commission de gestion du fort de Médine. En tant que  membre de cette commission  au niveau régional, nous allons réfléchir avec les autres acteurs du secteur privé, public ou parapublic afin de faire une gestion efficiente de ce grand monument dont nous disposons.

 

 

 

Quels sont les projets d’avenir de la commune auxquels peuvent s’attendre les populations de Hawa Dembaya?       

D’autres projets il y a en et le plus important c’est l’électrification des villages en lien avec le plan de gestion d’impact environnemental lié à la présence de la centrale de Felou sur le territoire de la commune de Hawa Dembaya. Le projet de désenclavement a déjà commencé. La route goudronnée de Kayes à Bafoulabé qui passe par Médine est déjà un pas pour le désenclavement pour Médine et ses environnants. Mais aussi le facteur le plus  important de création de richesses est la présence de l’énergie avec laquelle les entreprises peuvent se mettre en place. Ce qui permettra aussi de générer  beaucoup d’emplois pour les jeunes locaux.  Toute chose qui va faire profiter  la commune. C’est là que nous fondons beaucoup d’espoir. Nous veillons déjà sur ces projets en parfaite collaboration avec l’OMVS et la SOGEM afin que le projet voix le jour. D’ores et déjà, courant 2014, au moins trois villages pourront être électrifiés. Il y a d’autres activités sur lesquels nous travaillons déjà : de l’accès des populations à l’eau potable ; l’accès des populations aux soins de santé digne de ce nom ; la revitalisation du dispensaire de Médine qui fut une fierté dans le temps colonial.

 

 

Le train de Médine a cessé depuis 1939. Est-ce que les autorités municipales de la commune de Hawa Dembaya ont entamé des démarches pour le retour du train afin que les populations puissent bénéficier de certains avantages comme par le passé ?

Bien sûr que nous l’avons tenté mais avons compris qu’il nous fallait d’autres justificatifs pour aboutir à un résultat souhaité. En réalité, ce train faisait la fierté des Médiniens et apportait beaucoup à la population de la localité et ses environnants. Nous avons compris que pour valoriser la présence du train, il fallait le mettre en lien avec la proposition du tourisme. Autrement dit faire en sorte que cet outil soit utilisé comme un moyen de promotion du tourisme.  Le train peut transporter les touristes de Kayes pour aller visiter le fort de Médine et les chutes de Félou comme auparavant. Cela  pourrait même être un grand circuit qui va au delà de la région de Kayes. Mais il faut que ce soit en lien avec la République sœur de Sénégal afin de valoriser ce train. Mais il faut toujours se poser la question de savoir si économiquement ce train pourra être viable. Aussi, est-ce que les recettes issues de l’exploitation du train peuvent permettre de  prendre en charge son fonctionnent ? Mais en mettant l’accent sur le tourisme inter Etats, je suis sûr que nous pouvons valoriser ce train. Dans tous les cas, cela fait partie des priorités de la commune et nous allons faire en sorte que ça soit une priorité de la nation. Nous travaillons aussi pour que le site du fort de Médine soit inscrit sur le patrimoine international de l’Unesco. L’une des premières phases de ce processus est l’adoption du plan de gestion du fort de Médine auquel on vient d’assister. Nous pensons qu’avec l’inscription du fort de Médine sur le patrimoine mondial, la mise en place du train sera déjà un acquis.

 

 

Comme vous le savez, monsieur le maire, les conseils municipaux de manière générale ont achevé leurs mandats électifs. Après 5 ans passés à la tête de la commune de Hawa Dembaya, quel bilan faites vous en termes de réalisations ?

Au cours des cinq dernières années, je pourrais vous dire mon bilan par secteur d’activité. D’abord au niveau de l’éducation  en cinq ans nous avons pu clôturer deux écoles : l’école de Fatola et celle de Lontou. Nous avons pu doter trois écoles en latrines. Nous avons pu construire une direction pour l’école de Lontou. Il y a eu trois salles de classes équipées à Keyou. Beaucoup d’écoles ont été équipées en outils didactiques, tables bancs entre autres. En clair, le cumul dans le domaine de l’éducation présente un coût total de près de 110 millions de FCFA.   Au niveau de la santé, quand nous venons aux affaires, la commune ne disposait que d’un seul centre de santé qui était à Lontou. Les populations de la rive droite du fleuve qui représentent 60% de la commune ne pouvaient pas accéder à ce centre de santé. Car, il y avait une barrière naturelle qui est le fleuve. Donc en partenariat avec la fondation ADOMA et l’association des ressortissants de la commune de Hawa Dembaya en France, nous avons pu développer un projet pour doter cette partie de la commune en centre de santé. Ce qui est aujourd’hui effectif. Quand on prenait les affaires, force est de constater que la commune n’avait aucun partenariat avec d’autres collectivités notamment les collectivités étrangères. Au jour d’aujourd’hui, et grâce même au festival, nous avons pu mettre en place un processus de construction d’un  partenariat formel entre la commune de Hawa Dembaya, la ville de Kayes et la Bretagne.

 

 

Ce partenariat est aujourd’hui fécond car des actions concrètes se font. A travers l’Association Daressalam, les Cscom de notre commune sont dotés en véhicules permettant de transporter les malades vers le centre se santé de Kayes. Mais aussi pour transporter les malades des villages vers les centres de santé. Sur le plan du désenclavement intérieur, nous avons procédé à la réhabilitation et à la construction de 15 km de pistes rurales pour un coût qui dépasse 180 millions de FCFA. Aujourd’hui, on peut bien circuler entre le centre de santé de Lomba et la berge du fleuve à Médine via ce projet. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, nous avons créé un partenariat avec d’autres ONG pour venir en aide aux populations en termes de soutien aux personnes vulnérables. Cela pour pouvoir vivre lors des mauvaises campagnes agricoles, ce qui a soulagé extrêmement les populations.

 

 

 

Durant mon mandat, le point sur lequel je ne suis pas trop fier c’est par rapport à l’état de civisme de la population. Parce que le taux de recouvrement des impôts et taxes sur la commune est extrêmement faible. Nous sommes en dessous des 25% du taux de recouvrement. Alors que tous ces moyens financiers que nous recherchons à l’étranger et auprès de d’autres organismes  ne peuvent constituer des ressources durables sur lesquelles la commune peut compter pour assurer son développement. On ne peut compter que sur notre propre force pour pouvoir enclencher ce développement. L’aide extérieure ne sera qu’un appoint. Nous mettons aussi à notre actif la mobilisation de l’ensemble des fils de la commune de Hawa Dembaya.  Car, nous avons organisé un grand forum il y a deux ans en faisant appel à tous les ressortissants de la commune pour venir parler du devenir de la commune de Hawa Dembaya.  L’objectif de ce forum était de préparer le plan de développement pour la commune sur tous les plans. Nous avons compris que ce sont les ressortissants de la commune qui doivent s’investir d’abord avant les autres. Et trois jours durant ce forum, des recommandations pertinentes ont été formulées par rapport au processus de développement. Maintenant il reste un suivi pour la concrétisation des recommandations. Cet élan a été un peu secoué suite aux fâcheux évènements de mars 2012 mais nous comptons remettre les choses sur place dès que possible.

 

 

Votre dernier mot

Je lance un appel à l’endroit des populations de la commune de Hawa Dembaya pour que nous fassions une union sacrée autour de l’essentiel. Quand je dis l’essentiel il ne s’agit pas de questions politiques, ni de questions personnelles. Il s’agit tout simplement du développement de la commue. Aujourd’hui c’est moi qui suis à la tête de la Commune et demain ce pourrait être un autre. Mais j’aimerais en allant laisser quelque chose sur lequel mes successeurs pourront se reposer pour pouvoir continuer le travail entamé.

Propos recueillis par Ibrahim Mohamed GUEYE, envoyé spécial à Kayes Médine

Commentaires via Facebook :

5 COMMENTAIRES

  1. L’histoire n’a pas besoin d’être choisi, nous ne pouvons que l’assumer, avec ces bons côtés comme ses mauvais côtés. Outre ce clin d’oeil à la conversation ci dessous, j’aimerais apporter un témoignage sur le rôle combien important que peut jouer la promotion culturelle sur le développement d’un territoire. Telle est le grand avantage que tire la commune de hawadembaya sur le Festival. Grand merci à Mme Gueguene Alice Dakouo pour son courage et sa persévérance.

  2. L’histoire c’est l’histoire. Le devoir de mémoire doit toujours prévaloir même s’il s’agit d’évènements tristes et malheureux. Si je vous suit, on ne doit pas se remémorer d’Autzwich, de Kigali 94. L’Histoire du fort de Médine a l’avantage d’être moins humiliant et avilisant que ces deux cas cité dans la mesure où El Hadj Omar a assiégé le fort pendant 57 jours causant la mort de centaines de soldats colons. Donc souffrez, Sambou, que je ne sois pas d’accord avec votre analyse.

  3. L’histoire c’est l’histoire. Le devoir de mémoire doit toujours prévaloir même s’il s’agit d’évènements trites et malheureux. Si je vous suit, on ne doit pas se remémorer d’Autzwich, de Kigali 94. L’Histoire du fort de Médine a l’avantage d’être moins humiliant et avilisant que ces deux cas cité dans la mesure où El Hadj Omar a assiégé le fort pendant 57 jours causant la mort de centaines de soldats colons. Donc souffrez que je ne sois pas d’accord avec votre analyse.

  4. Le fort de Médine fut à un moment de l’histoire,considéré comme étant un “bout” du territoire français dans le Haut Sénégal-Niger (actuel Mali), malgré l’opposition farouche de nos figures légendaires à son implantation.Combien d’exclaves doivent leur affranchissement à la république, par le seul fait d’avoir mis les pieds dans ce monument?Ces mêmes occupants européens du fort vont jusqu’à construire un quartier qu’ils ont dénommé LIBERTE et qu’ils ont peuplé d’ex-prisonniers, d’anciens captifs ayant échappé à leurs maîtres pour se refuger dans le fort.C’est pourquoi je suis contre tout tapage pour mettre en lumière ce haut lieu du témoignage éloquant de notre défaite militaire en tant que nation et qui en même temps faisait fi de nos valeurs ancestrales avec l’affranchissement automatique de nos captifs mêmes privés.

Comments are closed.