Théâtre : Kalach Story, le tableau sombre du terrorisme en Afrique

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La pièce de théâtre intitulée “Kalach Story” du dramaturge français Jean-Louis Sagot-Duvauroux a été présentée le vendredi 18 septembre dernier à l’Institut Français du Mali. Cette pièce d’une durée d’1 heure racontant le parcours sanglant de l’arme à feu Kalachnikov sur le continent africain a été sublimée par une mise en scène savante du Malien Kali Sidibé au grand bonheur d’un public assoiffé de spectacles. 

Fermé suite à l’apparition de la pandémie à coronavirus au Mali au mois de mars dernier, l’institut Français du Mali (IFM) a recouvert ses portes au public le vendredi 18 septembre dernier. Cette soirée de retrouvailles entre l’Institut et son public était agrémentée par deux activités : le vernissage de l’exposition du jeune artiste plasticien malien, Ibrahim Bamba Kébé dénommée La danse des Korédugaw et la présentation de la pièce de théâtre “Kalach Story”, écrite par le  dramaturge français Louis Sagot-Duvauroux.

La mise en mise a été assurée par le jeune dramaturge et metteur en scène malien Kali Sidibé qui a jeté son dévolu sur des comédiens talentueux maliens, notamment Alladji Ismaila Sy (Kalach), Modibo Kanté (Le Boy), Amaïchata Salamatata (La conteuse) et Maïmouna Sanogo (La grande dame). Des acteurs qui,  grâce à la maitrise du texte et de la scène ont offert un spectacle de haute couture pour ces retrouvailles entre l’institut Français et le public.

Pour ce premier rendez-vous, la salle de spectacles de l’IFM a failli refuser du monde. C’est un public nombreux et enthousiasmé qui a pris d’assaut la salle où se présente la pièce dont le titre attise les interrogations. L’intitulé de la pièce éveille la curiosité d’un public impatient de la découvrir. Kalach Story est la personnification d’une  kalachnikov, une arme automatique qui raconte son histoire faite de violences et de morts sur le continent africain où elle se sert de personnes indigentes pour commettre des atrocités.

Sur scène (une plage), c’est le noir qui laisse place à la lumière avec un fond noir. Un homme couché dans un tas de d’ordures commence à se tordre et gémit comme s’il était possédé par un démon.

Ensuite, il se tient débout, comme délivré de son mal. L’homme habillé en noir est Kalach. Oui Kalach le diminutif de l’arme automatique Kalachnikov, l’une des armes les plus meurtrières du monde qui fait des ravages en Afrique. Pourtant fabriquée en Russie (Europe), la Kalachnikov encore appelée AK-45 fait plus de victimes sur le continent africain qu’ailleurs.

Le deuxième personnage (Le Boy) qui tente de rejoindre l’Europe par l’océan échappe de justesse à une noyade et vient s’échouer à la plage où il tombe sur Kalach. Cet homme ou cet objet sanguinaire fera de lui son esclave en lui promettant “tout qu’il désire sur cette terre”. Mais qu’a-t-il à offrir pour tenir cette promesse ? Se questionne certainement le spectateur charrié par l’intrique de la pièce qui ne lâche pas son attention.  Le Boy devenu esclave de Kalach est habillé au gré de son maitre. Tantôt en miséreux ou en fou, tantôt en bouffon pour faire ébaudir le spectateur avant de le tirer de son euphorie en s’habillant en djihadiste.  Oui ce miséreux assoiffé d’argent se transforme en djihadiste.

Le Boy devient la main assassine de Kalach. Il tue des innocents, il viole des femmes, il s’habille en peulh pour aller massacrer des dogons. Ces derniers se vengent sur les peulhs innocents. Bonjour les conflits intercommunautaires ! Et pendant que Le Boy et son maitre Kalach s’adonnent à d’autres salles besognes, les deux communautés dans le quiproquo s’entretuent. La voie de la conteuse vient sporadiquement éclairer les lanternes du spectateur.

Quelques fois, le troisième personnage, une femme habillée en rouge (La grande dame) vient tirer le spectateur de ce tourbillon des atrocités en mettant en fuite les deux criminels dont les balles sont impuissantes face à cette mystérieuse dame. Mais une fois disparue, ils reviennent plus forts et plus cruels.  Qui est cette femme salvatrice qui ne se lasse jamais ? S’interroge le spectateur qui la découvre à la fin de la pièce où elle rend hommage à ses braves enfants comme Soundiata Kéita, Mariam Makéba, Nelson Mandela, entre autres. Des enfants qui l’ont honorée de par leur amour pour leurs frères et leur mère Afrique. La grande dame, c’est donc l’Afrique qui ne se lassera jamais de protéger ses enfants.

Kalach Story est un texte engagé, inspiré de l’actualité des pays du Sahara où sévissent des groupes terroristes qui instrumentalisent les jeunes locaux désœuvrés. Ces jeunes endoctrinés deviennent des criminels qui se retournent contre leur communauté et leur pays. Ce sont le chômage et la pauvreté qui font de ces jeunes Africains des proies faciles pour les entités criminelles.

Le texte a été magnifiquement interprété par des acteurs talentueux dont la bonne occupation scénique et l’énergie assistent le spectateur dans la compréhension de l’intrigue. La mise en scène de Kali Sidibé est magnifiée par les costumes adaptés au contexte du récit. La régie lumière et celle du son rendent le spectacle plus vivant et transporte le public dans un voyage ébaudissant, mais très interpellateur. Le metteur en scène, à travers sa créativité et son savoir-faire, rend la pièce plus proche du spectateur qui comprend sans efforts les contours du terrorisme dans nos pays. Cette présentation a été une belle réussite grâce notamment à la mise en scène ingénieuse soutenue par une scénographie bien inspirée de l’artiste plasticien Ibrahim Bamba Kébé. N’hésitez surtout à aller voir les prochaines présentations de la pièce dont certaines se feront en langue nationale bambara. Vous ne le regretterez pas !               

Youssouf KONÉ 

 

 

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