Crise du système éducatif malien : Une nouvelle lettre ouverte de l’Enseignant/Chercheur, Kiefing Sissoko, au président IBK

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Enseignant-chercheur en Sciences de l’Education, Kiefing Sissoko, non moins fondateur du mouvement ‘’ Les Petits Stylos’’, est très inquiet et préoccupé par la crise scolaire au Mali. Raison pour laquelle il a interpellé le président de la République IBK à travers une lettre ouverte. Ladite lettre, très appréciée par les Maliens, n’a pourtant suscité aucune réaction du chef de l’Etat. Du coup, il a adressé une nouvelle au chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). Lisez plutôt !                                                                                                                         

Monsieur le Président de la République,

Les propos tenus par l’Ecole Malienne dans la lettre qui vous a été adressée le 14 mars 2019 révèlent d’un cri du cœur de plusieurs générations d’élèves, d’étudiants et de parents affectés par les choix éducatifs de la politique gouvernementale. Ils ont interpellé des millions de Maliens où qu’ils demeurent.

Un mouvement s’est mis en marche. Les centaines de photos publiées avec ce petit stylo en main et les nombreux articles sur ce mouvement d’éducation de masse (5 journaux de la presse écrite et une dizaine d’articles en ligne sur des web média) témoignent de l’intérêt et de l’attachement des Maliens aux valeurs véhiculées par l’école. Malgré les nombreux maux dont souffre le système éducatif, les Maliens ont l’espoir d’une école qui accueille tous les enfants, les protège, les traite avec bienveillance et leur assure une meilleure intégration sociale et professionnelle. Cet espoir ne sera réalisé qu’à la condition d’une bonne compréhension des préoccupations des acteurs, d’une réflexion aboutie sur les valeurs à promouvoir et d’une gestion efficace de la gouvernance du système éducatif. La lettre du 14 mars vous interpellait sur ces trois aspects.

Monsieur le Président, vous avez fait le choix de ne pas répondre formellement à cette lettre. Votre absence dans ce débat nous conduit à nous interroger sur la caution que vous portez à l’éducation de centaines de milliers de jeunes Maliens au regard de l’actualité devenue préoccupante.

Votre intervention à la télévision de l’Etat le 16 avril questionne sur la prise en compte des enjeux pour l’Ecole Malienne. Les problèmes indiqués dans notre lettre ont été insuffisamment abordés. Vous évoquez l’impuissance à redresser le système éducatif au cours des trois dernières décennies. Les mêmes critiques que vous avez vous-même adressées aux gouvernements précédents sont toujours les mêmes qu’aujourd’hui. Comme piégés dans une caverne infernale, nous sommes dans une éternelle reproduction des mêmes pratiques. L’enjeu pour l’école dépasse l’annonce selon laquelle « les salaires des enseignants grévistes seront débloqués… Inch Allah ». Les Maliens et l’ensemble des acteurs du système éducatif veulent une ligne directrice du Président de la République pour ériger les nouveaux fondements de l’Ecole Malienne de demain.

Avec le changement de gouvernement et la nomination de Dr. Boubou Cissé, nous avons perçu un signal d’un désir de modernité dans la gestion des affaires de l’Etat. Cependant, le doute persiste, au lendemain de la formation des membres du nouveau gouvernement. Pour l’heure, une paix sociale est obtenue. Certains parmi ceux qui criaient fort masquaient à peine leur leitmotiv : la préservation de leurs intérêts. Les démarches symboliques ont force de loi. En encourageant de telles pratiques, on les inscrit dans les mœurs. Ne faut-il pas souscrire à d’autres pratiques aux valeurs morales supérieures pour l’intérêt de la Nation ?

S’agissant de la nouvelle gouvernance du Ministère de l’éducation, un consensus vient d’être trouvé avec les syndicats de l’Education nationale mettant fin à de nombreux mois de grève.  Nous avons entendu parler des primes de logement, de la revalorisation salariale, de l’intégration sans concours des contractuels… Est-il possible de prendre quelques instants sur les problèmes de fond ? La qualité par exemple : moins de 35¨% des Maliens sont satisfaits de la qualité de l’éducation (Indices et indicateurs de développement humain, 2018). Ce taux est l’un des plus bas au monde. Quelles politiques faut-il engager pour améliorer la qualité ? La même question se pose pour la place de la femme dans le système éducatif. Moins de 8% des femmes achèvent le cycle de l’enseignement secondaire (le plus bas au monde). Le mariage – souvent précoce- s’impose dans les mœurs comme un investissement beaucoup plus rentable que la poursuite de la scolarisation. Qu’en est-il du chômage des jeunes ? Plus de 18% des jeunes sont au chômage (Instat Mali, 2017). Les diplômés universitaires sont les plus touchés par le chômage, beaucoup plus que les autres catégories sociales d’où la question cruciale de la professionnalisation des filières de l’enseignement supérieur.  Oui, le système éducatif rencontre des problèmes qui nécessitent une réflexion approfondie afin de faire se rencontrer des expertises avec les maux dont souffrent nos institutions. Oui, les partenaires techniques et financiers œuvrent et participent activement aux combats contre les nombreux fléaux du système. Oui, des acteurs multiples contribuent à l’effort. Faut-il répéter la nécessité d’un pilotage coordonné de ces nombreux acteurs ?

Monsieur le Président, nous vous appelons à faire face aux problèmes soulevés ici. Nous en tirons également les enseignements qui s’imposent pour l’intérêt du Mali, pour le progrès de son système éducatif et pour l’épanouissement des enfants de la Nation.

Les Petits Stylos décident de se constituer en Organisation non gouvernementale (ONG) afin de s’attaquer aux racines des maux dont souffre le système éducatif. Nous agissons pour le progrès à travers la promotion des valeurs humanistes par l’éducation et la formation. Nos actions s’inscrivent en conformité avec les valeurs enseignées par la Charte de KouroukanFouga, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les principes constitutifs de l’UNESCO de paix, d’éducation et de dialogue entre les cultures.

Nous avons pris nos responsabilités. Des semaines de mobilisation, de nombreux anonymes, des centaines de photos prises avec ce stylo à la main pour exprimer notre attachement à l’éducation et notre orientation assumée vers le progrès, des centaines de commentaires sur ce sujet… n’ont pas été vains. Par la fondation de cette organisation, nous lançons un signal fort et un appel à poursuivre l’engagement pour sortir notre école de la crise, chacune et chacun en mesure de ses possibilités.

Les Petits Stylos Fondation se donne pour objectif de contribuer à l’épanouissement social et professionnel des jeunes en agissant pour le progrès de l’éducation et de la formation. L’organisation se dote d’instruments de recherche afin de trouver des pistes de solutions permettant aux jeunes hommes et particulièrement aux jeunes femmes d’échapper à la fatalité des conditions de leur naissance. Agir pour la poursuite de la scolarisation et l’autonomisation de la femme, accompagner les acteurs institutionnels et développer des dispositifs de formation et d’orientation constituent une illustration des actions qui seront engagées. Notre slogan indique une voie pour y parvenir : Brandir son stylo pour le progrès !

Un grand rassemblement de lancement est prévu à Paris le 27 juin à 16h00 au Bureau du Parlement Européen à Paris (288 Boulevard Saint Germain). Il sera suivi d’une autre date pour juillet à Bamako.

Monsieur le Président, nous avons entendu l’Ecole Malienne murmurer… Nous répondons à cet appel par l’action, par les valeurs et par les femmes et les hommes à son service.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Tiefing SISSOKO.

Enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation

Pour Les Petits Stylos Fondation

Les titrailles sont de la Rédaction

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