Cinq ans après la transition : Que reste-t-il du M5-RFP ?
Le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) a marqué un tournant décisif dans l’histoire politique du Mali en 2020. Il est né d’un profond ras-le-bol face à l’insécurité croissante, à la corruption endémique et à une crise sociale et institutionnelle persistante.

Porté par des figures emblématiques telles que Choguel Kokalla Maïga, le M5-RFP a su fédérer partis politiques, associations, leaders religieux et citoyens autour d’un objectif commun : obtenir le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta. Les manifestations massives ont culminé en août 2020 avec un coup d’État militaire, ouvrant la voie à une Transition dirigée par les forces armées. Le M5-RFP, acteur majeur de cette mobilisation, espérait alors jouer un rôle central dans la refondation du pays.
Après la chute du régime, le M5-RFP a tenté de s’imposer comme pilier de la Transition. En juin 2021, Choguel Maïga est nommé Premier ministre, symbolisant l’entrée du mouvement dans les sphères du pouvoir. Mais cette intégration n’a pas été sans conséquences : des tensions internes ont rapidement émergé. Certains membres ont dénoncé une récupération du mouvement par les militaires, tandis que d’autres ont regretté l’abandon des idéaux fondateurs.
Peu à peu, le M5-RFP s’est fragmenté. Des divergences stratégiques et idéologiques ont conduit à la création de multiples sous-groupes, affaiblissant l’unité initiale. Plusieurs figures ont quitté le navire ou fondé leurs propres structures politiques. La base populaire, autrefois fervente, semble aujourd’hui désabusée, percevant le mouvement comme ayant été absorbé par les logiques du pouvoir.
Une disparition en trois actes
L’analyste politique Mohamed Ag Assory résume la trajectoire du M5-RFP en trois morts symboliques.
Il explique que la première, constatée par l’ex-numéro 10 Issa Kaou Djim, marque le début de la désillusion. La deuxième survient avec la scission du mouvement en une multitude de factions. La troisième, et sans doute la plus significative, est l’effacement pur et simple de la mention du M5-RFP dans la Charte actuelle de la Transition.
"Aujourd’hui, on se rappelle plus d’IBK de nos jours que du M5 RFP qui est mort à trois reprises de sa belle mort. Pendant ce temps, les figures emblématiques du mouvement ont connu des sorts contrastés : l’un poursuit une traversée du désert en Algérie, l’autre médite sur son sort derrière les barreaux, et le chef politique semble suivre une trajectoire similaire. D’autres sont reclus, emprisonnés ou ont tout simplement disparu de la scène publique. Seule une poignée d’individus, plus habiles, a su tirer son épingle du jeu", résume M. Ag Assory.
Mohamed Ag Assory conclut avec une formule saisissante : "Chaque période crée ses héros, qui deviennent subitement des zéros juste après."
Le M5-RFP, jadis flamboyant et redouté, n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir dans la mémoire collective. Pourtant, son histoire demeure un jalon essentiel dans la trajectoire démocratique du Mali.
Entre désillusion et espoir, le M5-RFP incarne les défis de toute force politique née dans la rue : comment rester fidèle à ses idéaux tout en s’adaptant aux réalités du pouvoir ?
Cinq ans après la Transition, cette question reste plus que jamais d’actualité.
Ousmane Mahamane
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