De la primature à la maison d’arrêt Choguel Kokalla Maïga rattrapé par la justice
Le mardi 19 août 2025, la Cour suprême du Mali a officiellement placé sous mandat de dépôt l’ancien Premier ministre de la Transition, Dr Choguel Kokalla Maïga.

Cette décision fait suite à une garde à vue entamée le 12 août au Pôle national économique et financier de Bamako, dans le cadre d’une enquête portant sur des faits présumés d’atteinte aux biens publics, de faux et usage de faux.
Arrêté le 12 août, l’ancien Premier ministre Maïga a passé six jours en garde à vue une durée inhabituelle pour un ancien chef de gouvernement. D’après plusieurs sources, ses conditions de détention ont suscité de vives inquiétudes parmi ses proches : confiscation de ses téléphones, interdiction de visites, absence de couchage adéquat. Aucun mauvais traitement physique n’a été signalé, mais l’isolement et la précarité ont été vivement dénoncés par ses partisans.
Ce mardi matin, aux environs de 8h sous une pluie fine, l’ex-Premier ministre Choguel Maïga s’est présenté à la Cour suprême, accompagné de huit co-accusés. Il a été rapidement entendu par le juge de la chambre civile d’instruction, chargée de statuer sur son inculpation. Après cinq heures d’audience marquées par un réquisitoire musclé du parquet général, le juge d’instruction a ordonné son placement sous mandat de dépôt.
Aussitôt mise sous mandat de dépôt son avocat, Me Cheick Oumar Konaré, affirme que Choguel Maïga se dit serein et estime qu’un homme politique doit s’attendre à tout, y compris la prison et la mort.
Dans la soirée, à 21h30 Choguel Maïga a été conduit à vive allure à la Maison d’arrêt centrale de Bamako. Ce transfert marque le début de sa détention officielle, après sa mise sous mandat de dépôt prononcée quelques heures plus tôt par la chambre civile d’instruction de la Cour suprême.
Des co-accusés aux sorts variés
La chambre civile instruction a poursuivi les auditions jusque tard dans la soirée. Bilan : 3 mandats de dépôt prononcés, 3 personnes poursuivies sans détention, dont le professeur Issiaka Ahmadou Singaré (80 ans), ancien directeur de cabinet, et l’ex-DAF Abdoulaye Z. Touré, 3 acquittés et 4 retours à la brigade du Pôle économique et financier pour complément d’information.
La mise sous mandat de dépôt de l’ex-Premier ministre a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique. Tandis que ses partisans dénoncent une décision jugée excessive, d’autres saluent un acte fort dans la lutte contre la corruption.
"On ne peut pas ignorer tout ce qu’il a fait pour le Mali. C’est un homme d’État, pas un fugitif. Sans son ingéniosité et sa ténacité, la Transition n’aurait pas tenu. Le placer sous mandat de dépôt, c’est une humiliation inutile", s’est indigné un sympathisant de l’ancien locataire de la Primature limogé.
"On assiste aujourd’hui à ce qui ressemble à une justice sélective. Le Procureur général près la Cour suprême, Mamoudou Timbo, a récemment dénoncé la disparition de 80 milliards de FCFA sous la Transition. Pourtant, malgré la gravité des faits et les soupçons de détournement de fonds publics, aucune poursuite concrète n’a été engagée contre les auteurs présumés de ce scandale financier.
Ce silence judiciaire contraste fortement avec la célérité avec laquelle le dossier de Choguel Kokalla Maïga a été instruit. À peine les tensions politiques ravivées, les procédures contre lui ont été enclenchées, comme si l’objectif était moins de rendre justice que de faire taire une voix qui dérange.
Ce traitement différencié soulève des interrogations légitimes sur l’impartialité des institutions judiciaires et sur l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Dans un État de droit, la justice ne devrait pas frapper selon les convenances, mais selon les principes", martèle un autre sympathisant de l’inculpé.
À l’inverse, les détracteurs se réjouissent de sa mise sous mandat de dépôt.
"Le droit a été dit. Choguel a trop fait de mal. Il a profité de sa position pour régler ses comptes. Même les morts n’ont pas été épargnés. Il va goûter à la prison, et il ne faut surtout pas lui accorder une liberté provisoire", se réjouit-t-il.
"À travers ses discours souvent creux et populistes, Choguel Kokalla Maïga a profané le débat public en s’attaquant systématiquement à des figures respectables et honorables de notre pays. Plutôt que d’unir, ses interventions ont trop souvent semé la discorde, jetant l’opprobre sur ceux qui ont consacré leur vie au service de la nation.
Dans un contexte où le Mali a besoin de cohésion, de lucidité et de respect mutuel, ces prises de parole polarisantes ont aggravé les tensions.
La parole politique devrait être un outil de rassemblement, pas une arme de calomnie", ajoute cet autre détracteur.
Il convient de rappeler que selon l’article 7/3 de la Constitution du 22 juillet 2023 "tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par la juridiction compétente."
Dans le cadre de la même affaire d’atteinte aux biens publics ayant conduit à la mise sous mandat de dépôt de Dr Choguel Kokalla Maïga, le procureur général près la Cour suprême, Mamoudou Timbo, a publié ce mardi 19 août un communiqué révélant l’ouverture d’une information judiciaire. Cette procédure a été déclenchée sur la base d’un réquisitoire d’usage, visant à instruire des faits jugés d’une gravité exceptionnelle.
Selon le procureur, les infractions présumées couvrent une période allant de 2021 au 30 novembre 2024, soit l’essentiel du mandat de Choguel Maïga à la tête de la Primature. Les faits sont susceptibles de recevoir plusieurs qualifications pénales : Faux et usage de faux et atteinte aux biens publics, portant sur un montant estimé à plusieurs milliards de FCFA de blanchiment d’argent, complicité dans la commission de ces infractions.
Le communiqué précise que ces faits ne concernent pas uniquement des responsables politiques, mais également des fonctionnaires et des opérateurs économiques, impliqués à divers niveaux dans la gestion des ressources publiques et les circuits financiers de l’État.
Cette annonce renforce la portée de l’affaire, qui dépasse la seule personne de l’ancien Premier ministre et s’étend à un réseau présumé de complicités institutionnelles et privées. Elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles interpellations et à une série d’auditions dans les jours à venir.
Ousmane Mahamane
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