Crise de l’électricité et de l’eau : Les autorités totalement démunies

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Des paroles, mais rien de nouveau sous le soleil. Et la rétention, la mystification des dossiers de branchements promotionnels d’eau font le lit de la corruption. 

Le Mali a renoué avec les délestages, suscitant un climat de révolte. Les lampes s’éteignent aussi vite qu’elles s’allument, les réfrigérateurs et les congélateurs sont régulièrement réduits au silence, les ventilateurs et les climatiseurs sont le plus souvent à l’arrêt, le bruit vient la nuit des toitures où s’agglomèrent toute la maisonnée et d’éventuels visiteurs.

Les autorités, la Direction de l’Energie du Mali (EDM) et le syndicat savent où ils en sont, mais ne donnent guère l’impression de dominer la situation. Des paroles, des projets dépoussiérés, supposés spectaculaires, des estimations pharaoniques d’investissements, mais pas de solution à court terme. Seulement une goutte d’eau dans la mer, voilà à quoi se résume la proposition du syndicat, d’ordinaire aphone, de hâter le chantier de construction de deux centrales thermiques d’une puissance de 20MW chacune, alors que le déficit tutoie 100MW rien que pour Bamako. Une suggestion couplée à une autre relative cette fois-ci à la convocation des Etats généraux de l’électricité censés faire un diagnostic sans complaisance du secteur  assorti de recommandations fortes de sortie de crise.

Parc dégradé, raccordement prohibitif

En visite récemment en Côte d’Ivoire, le ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Lamine Seydou Traoré, est à la recherche de solution au problème de délestages et prend à bras le corps l’épineuse question de la dette d’EDM dont il estime le modèle obsolète, et envisage des investissements lourds dans les énergies renouvelables pour redresser la situation. La société perd de l’argent à chaque kWh produit. Elle vend son électricité à un tarif qui ne couvre pas ses coûts de production, à savoir un prix moyen de 92 CFA par kWh contre un coût de revient de 130 F CFA/kWh. D’autre part, elle fait face à des impayés aggravés par le fait qu’un quart de l’énergie produite n’est tout simplement pas facturé.

Conséquence : le parc se dégrade et la dette prend du volume. Selon le Fonds monétaire international (FMI) son endettement atteignait à la fin juin 2019, le montant de 319 milliards de F CFA, soit 3,1% du PIB. Et les frais de connexion jugés prohibitifs – largement supérieur à la moyenne subsaharienne – découragent les raccordements, justifient le faible taux d’accès national de 38% seulement en 2006.

Selon la Banque mondiale, les coupures – qui représentent 124 jours en 2019 sur le réseau moyenne tension – coûtent près de 10% de chiffre d’affaires aux entreprises concernées.

Le règne des bakchichs

Sa sœur jumelle, la Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP) sombre dans les profondeurs du fleuve Niger. Vraiment le paradoxe est malien. Du toit des habitations on voit s’étirer à perte de vue une magnifique étendue d’eau. Au même moment, la moindre goutte ne s’échappe du robinet. Et cela peut durer des semaines d’affilé. Là aussi, ceux qui subissent la crise laissent éclater régulièrement leur colère.

La société est à l’image de la citadelle assiégée. Les abonnés veulent en sortir en recourant au creusage de forages, pour les plus nantis, et ceux qui ne sont pas branchés courent déposer leur demande. D’ailleurs ces derniers ont cru apercevoir dans les branchements promotionnels une combinaison de générosité, d’imagination et de réalisme.  Les partenaires au développement et le gouvernement entendaient ainsi apporter la preuve que les pauvres ne resteraient pas sur le quai du développement. Les fruits ne sont point éclatants. Les demandeurs sont soumis au paiement de bakchich. Tous les moyens sont bons pour y parvenir : la rétention et la mystification des dossiers. Ceux qui jouent le jeu sont servis à la vitesse lumière ; ceux qui traînent des pieds sont invités à revenir plus tard – dans un mois. Les mois passent, plus rien. Au point que certains demandeurs de branchements découragés choisissent de ne plus pointer le nez dans les agences. Malheureusement, le ministre n’en pipe pas mot et ne fait rien pour extraire la tumeur qui ronge tout le crédit de la société. Son Directeur général reste aussi de marbre.

Georges François Traoré

 

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