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Saouti Labass Haïdara, Dirpub L'Indépendant[/caption]
Le Général Moussa Traoré était l'invité d'honneur de la cérémonie d'investiture du 4 septembre. Des observateurs ont relevé qu'à force d'être ovationné, il a ravi la vedette au héros du jour, le président IBK.
Celui-ci l'a convié à cette «fête de la démocratie» pour matérialiser sa volonté de réconciliation nationale, un des thèmes majeurs de sa campagne électorale, revenu en force dans son discours d'investiture. Il pouvait, en effet, difficilement trouver mieux que le fondateur de la 2ème République malienne pour répondre à sa préoccupation.
Alors lieutenant d'à peine 32 ans, Moussa Traoré a été le meneur du coup d'Etat militaire du 19 novembre 1968 qui a mis le Mali, 22 ans durant, sous la botte d'une dictature obscurantiste, sanguinaire et porteuse de paupérisation. Le personnage central de la tragédie, Modibo Kéita, le père de l'indépendance, est mort dans ses geôles après neuf ans de détention sans jugement. De nombreux autres responsables politiques, syndicaux, estudiantins et de simples citoyens qui ont eu le mauvais goût de dénoncer les abus et exactions quotidiennement exercés par le régime militaire, ont perdu la vie des séquelles des tortures et autres maltraitances qui leur avaient été infligées durant de longues années d'embastillement arbitraire. Le Pr de mathématiques Ibrahima Ly, père du nouveau Premier ministre, est de ceux-là.
Le paroxysme de l'horreur a été atteint quand la soldatesque de Moussa Traoré a massacré 210 personnes, pour la plupart des jeunes, lors de l'insurrection populaire de mars 91.
Mis au ban de la communauté internationale pour violations systématiques des droits humains par ses autorités de fait, le Mali a été longtemps privé des subsides occidentaux, en particulier de la France, son principal donateur. Considéré comme une destination à très haut risque, il avait été banni de l'agenda des investisseurs. Conséquence, son PIB était le plus faible et ses salaires les plus bas de la sous-région. De surcroit, ils n'étaient versés que tous les 90 ou 120 jours. Le Mali était aussi l’unique pays de la sous-région sans université.
Doublement condamné pour «crimes de sang» et «crimes économiques», Moussa Traoré ne doit sa survie qu'à la grâce présidentielle que lui a accordée son successeur Alpha Oumar Konaré.
On le voit bien : rien, dans le parcours du personnage , ne laisse apparaitre qu'il est " le grand républicain" décrit par IBK. Bien au contraire, l'histoire retiendra qu'il a été un adversaire impénitent et irréductible de la liberté, de la République et de la démocratie.
On trouverait infiniment moins à redire si c’est ATT, le tombeur de Moussa Traoré et l'homme-clé de l'avènement de la démocratie au Mali, qui avait été honoré pour sa présence à la cérémonie d'investiture et avait eu droit au vocable élogieux de " grand républicain ".
Chez lui ça ne serait qu'un mérite reconnu. Il a véritablement été " le soldat de la démocratie" adulé par les foules jusqu'à sa chute. Sans compter les éminents services qu'il a rendus à ses concitoyens dans bien des domaines et dont le temps viendra pour faire le bilan.
En attendant, quel magnifique tableau de réconciliation le Mali offrirait aux 25 chefs d'Etat et autres personnalités mondiales de très haut rang annoncés pour la deuxième cérémonie d'investiture du 19 septembre en réunissant, dans une même salle et côte à côte, les cinq présidents qui ont marqué, avec un bonheur inégal, son histoire des 45 dernières années ?
IBK devrait y songer et y œuvrer. Pour ne pas laisser l'initiative et le bénéfice politique qui en résulterait aux deux organisations religieuses, l'une musulmane, l'autre catholique, qui ont résolu d'organiser une Journée de réconciliation nationale le 26 septembre prochain. Regroupant Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, ATT, Dioncounda Traoré et IBK lui-même.
Saouti Labass Haidara