Mali : «Les manifestations religieuses ou ethniques de cette crise ne sont que des épiphénomènes»

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Des fidèles chantent dans la cathédrale de Bamako.
Pascal Deloche/Godong / AFP

Comment la fête de Noël est-elle vécue au Mali, dans un pays en crise où une majorité de musulmans cohabite depuis longtemps avec une minorité de chrétiens ? Le père Joseph Tanden Diarra exerce son sacerdoce dans le diocèse de San. Il est aussi le recteur de l’Université catholique de Bamako.

RFI : Père Joseph Tanden Diarra, bonjour. Quel message adressez-vous à vos fidèles en ce jour de Noël ?

Père Joseph Tanden Diarra : C’est un message de paix parce que pour nous, les chrétiens, la naissance de Jésus c’est toujours un message de paix. Et je me fonde aussi sur le message du pape Benoît XVI pour le 1er janvier, Journée internationale de la paix, pour dire que Noël porte une attente d’un monde de paix et de réconciliation.

Et en cette année de guerre dans votre pays, à qui pensez-vous en particulier ?

Je pense vraiment à mes compatriotes du nord du Mali. Je pense beaucoup à toutes ces femmes violées, à tous ces hommes qu’on dit voleurs à qui on a coupé une main ou un pied, à toutes ces personnes qui sont persécutées dans leur corps ou dans leur cœur. Je pense vraiment à eux et je souhaite le rétablissement rapide de la paix, de l’intégrité territoriale du Mali et vraiment que tous les déplacés aient un retour rapide chez eux, dans leur foyer.

Est-ce que les chrétiens de Tombouctou ou de Gao sont plus menacés que les autres ?

Ils sont menacés comme les autres. Je ne pense pas qu’il y ait une menace réelle à cause de leur foi ou autre chose. Ce problème d’Ansar Dine, ou bien d’établissement de la charia au Mali, tout cela je le lis comme un épiphénomène des problèmes plus réels dans notre pays.

Mais au delà des slogans de la rébellion, est-ce que vous ne craignez pas qu’un jour, sous la pression populaire, la charia soit imposée à tous les Maliens ?

Je ne pense pas. Les manifestations religieuses ou ethniques de cette crise ne sont que des épiphénomènes. Je crois que ce qui caractérise cette crise, c’est une mauvaise gouvernance, une façon qu’on a eu pendant quatre, cinq décennies de gouverner les Maliens dans le mensonge et la tromperie. Les Maliens sont aujourd’hui en train de découvrir que, pendant beaucoup de décennies, ils ont été gouvernés par des gens qui les ont trompés.

Alors vous dites que l’intolérance n’est pas le problème, mais il y a trois ans le Haut conseil islamique de Bamako a organisé de grandes manifestations contre la réforme du code de la famille. Est-ce que ce n’était pas déjà un signe d’intolérance ?

C’est sûr qu’on a pu percevoir par-ci par-là quelques éruptions qui font penser à de l’intolérance. Mais je crois que ce n’est pas le problème. En tout cas au Mali, c’est quand les gens vivent dans une ambiance de tromperie, dans une ambiance où c’est la faillite économique, c’est la faillite politique et tout cela, à ce moment les gens se tournent vers un certain nombre de refuges qui peuvent être l’ethnie ou la religion.

Un réseau interreligieux entre chrétiens et musulmans contre les extrémistes, est-ce que c’est possible ou pas ?

Oui, c’est possible et c’est même actuellement d’actualité. Ce qu’on a toujours appelé au Mali l’union sacrée des religieux, cette union sacrée continue à fonctionner. Depuis que les évènements ont commencé, les religieux ont continué à se réunir, à travailler ensemble pour réconcilier les Maliens entre eux quand ça ne va pas, pour que le Mali retrouve son lustre d’antan.

Vous dialoguez avec le Haut conseil islamique. Ce n’est pas plus difficile, ce dialogue, depuis quelques mois ?

Plus difficile, non. Très régulièrement, j’ai eu à faire des démarches de concert avec plusieurs délégués du Haut conseil, pour régler une question brûlante sur Bamako entre deux parties. Nous continuons à faire ces démarches-là ensemble, réellement.

Est-ce que c’est difficile d’être chrétien aujourd’hui au Mali ?

Etre chrétien aujourd’hui au Mali, non, ce n’est pas plus difficile qu’hier. Les chrétiens du Mali ont su depuis toujours se faire respecter dans le pays et se faire apprécier partout dans les services, dans les familles, dans la ville, dans le pays, et donc je crois même que les Maliens aiment les chrétiens, ils veulent que les chrétiens restent ce qu’ils sont, des témoins de Jésus-Christ, des témoins de la vérité, des témoins d’une certaine façon de vivre. Les Maliens nous veulent comme cela, comme une référence morale dans ce pays.

Père Joseph Tanten Diarra, merci, et bon Noël…

Je voudrais dire aussi bonne et joyeuse fête de Noël à tous nos compatriotes maliens, toutes nos compatriotes maliennes, et encore plus spécialement à tous nos frères et sœurs du nord du Mali, tous ces compatriotes exilés, déplacés ou sous occupation, que le bien de la paix ravive l’espérance de la paix dans nos cœurs.

Merci à vous.

Par Christophe Boisbouvier / RFI

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2 COMMENTAIRES

  1. Que le manque d’emploi, le sous-développement soient les causes réelles du terrorisme/banditisme/djihadisme, c’est l’évidence. Mais, il faut comprendre surtout que ce banditisme millénaire qui n’a que changé de forme, il a toujours existé et resurgira à chaque fois que l’Etat central faiblit. Alors quelle solution? Sécuritaire d’abord, lutte contre le chômage ensuite…

  2. Pourquoi ce pauvre journaliste incite sur des questions sataniques comme s il y a un probleme entre chretiens et mususman dans ce pays? C est tout simplement minable de votre part de poser certaines questionss stupides… Honte a vous …

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