La junte militaire malienne fait face à un tir groupé de sanctions internationales qui ne lui laissent presque aucune marge de manœuvre. C’est pourquoi, elle s’est empressée mardi dernier de convoquer à partir d’aujourd’hui une convention nationale qui devra rapidement rétablir l'autorité de l'État. Malheureusement, cette initiative a été boudée par les acteurs de la classe politique et de la société civile, provoquant son annulation pour une date ultérieure.
[caption id="attachment_57764" align="alignleft" width="300" caption="Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, le 30 mars à Bamako - REUTERS"]

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Alors que la Cédéao, l'Union africaine et les États-Unis ont pris des sanctions contre la junte militaire malienne, celle-ci cherche apparemment une sortie honorable – qui serait en même temps le meilleur moyen de faire oublier le coup d'État qu'elle a mené le 22 mars, lequel a plongé le pays dans sa plus grave crise depuis son indépendance. Le Nigeria, où une délégation des putschistes s'est rendue mardi, lui a une nouvelle fois proposé l'immunité contre un retour au pouvoir civil via une transition dirigée par le président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré.
Si elle n'a pas officiellement accepté cette offre, la junte a convoqué mardi dernier une convention nationale dès jeudi sur l'avenir du Mali, tout en indiquant qu'elle envisageait des poursuites judiciaires contre le président Amadou Toumani Touré (ATT), notamment pour haute trahison. Une manière de légitimer à posteriori son coup d'État et de sauver la face.
« Nous invitons l'ensemble de la classe politique et tous les acteurs de la société civile à se faire représenter, sans exception aucune, à une convention nationale qui débutera le 5 avril 2012 » dans le but de « décider de ce qui sera le bien de ce pays de façon consensuelle et démocratique en toute liberté », a déclaré le chef des putschistes, le capitaine Amadou Sanogo. Malheureusement pour lui, comme la rencontre annulée le lendemain du coup d’Etat à la Bourse de travail, la Convention a été annulée faute de participants. En plus des acteurs politiques majeurs notamment les 5 principaux partis politiques du pays regroupés au sein du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République, la société civile, notamment le très puissant Haut conseil islamique, a décidé de bouder l’événement. En privé, le président Mouahmoud Dicko ne cacherait plus sa déception car il ne comprend pas qu’au moment où les négociations étaient en cours à Ouagadougou entre les autorités religieuses du Mali et le médiateur Blaise Compaoré, la junte s’empresse d’organiser une convention.
« Je ne peux pas participer à quelque chose que je ne connais pas », nous a confié hier au téléphone l’imam Dicko dont des proches reprochent à Oumar Mariko, Aminata Dramane Traoré et Me Mamadou Gakou de mal conseiller la junte. En état de cause, celle-ci est en train de perdre des soutiens très importants.
Dr Mamadou Bagayoko au nom de la commission pour la convention nationale a affirmé ceci : « nous sommes dans ne situation déjà chaotique, il faudra éviter d’en rajouter à la cacophonie. Il y a les deux extrêmes : il y en a qui veulent la restauration totale de l’Etat et d’autres ne veulent même pas entendre parler de paix sociale. Donc, il y a deux extrêmes : un extrême A et un extrême B. Mais ce qui est important c’est que beaucoup de Maliens soient au juste milieu. C’est la raison pour laquelle on fait la convention. Cette convention doit amener à entendre toutes les intelligences. Le cerveau humain est en train de défaire le Mali ; ce ne sont pas les armes seulement qui peuvent aider le Mali. Le Mali doit être aidé par l’intelligence malienne. Il faut que ces cerveaux se réunissent pour se parler et se dire certaines vérités. Il y a des intérêts individuels sordides qui sont en jeu : il y en a qui crient vive le CNRDRE pour leurs intérêts politiques, d’autres disent ramenons la restauration pour aussi leurs intérêts sordides. D’où la nécessité de tenir cette convention au risque de perdre du temps le jour où se réunira sur la question ».
Selon le Pr. Baba Koumaré, président de la Convergence patriotique pour sauver le Mali, il y a des connexions entre le MNLA, l’Ançar Dine et d’autres narcotrafiquants qui écument le désert malien. C’est cette nébuleuse appuyée par certains pays occidentaux qui est en train de conquérir le Nord au nom d’une soi-disant République de l’Azawad qui n’a jamais existé comme l’Empire du Mali, l’Empire Songhoï, etc. Il propose la stratégie de guerre psychologique au Mali. A l’en croire l’union sacrée pour la libération du Nord est la thérapie qui, avec l’ensemble de toutes les forces vives, sans distinction d’âge, de race et d’appartenance politique, permettra de relever le défi qui se pose à toute la nation.
Abdoulaye Diakité
Siaka Diakité, secrétaire général de l’Untm
« Ce n’est pas évident qu’on participe à cette convention »
« C’est à travers les médias que nous avons appris l’information. Mais je dois dire que pour parler de convention, il y a deux considérations qu’il faut savoir : les termes de référence de cette convention et la question du retour à l’ordre constitutionnel. Concernant les termes de références, on ne dit pas où la convention va se tenir ; qui sera participant en qualité de quoi ; à quelle heure s’ouvre les travaux. Ce qui n’est pas clair. Par rapport à la seconde considération, il s’agit de savoir de quoi parlera la convention. On a dit qu’on retourne à l’ordre constitutionnel et tous les Maliens se sont réjouis de ça. Maintenant, le débat doit être de savoir est-ce que c’est cette constitution de 1992 qu’on va interroger pour voir son applicabilité par rapport à la situation actuelle. En réalité, c’est à ce niveau que doit se situer le débat. Mais rien de cela n’est dit et dans ces conditions, ce n’est pas évident qu’on puisse participer à cette convention ».
MAHMOUD DICKO, PRESIDENT DU HAUT CONSEIL ISLAMIQUE
« Je ne peux pas participer à quelque chose que je ne connais pas »
« Je ne connais même pas de quoi il s’agit. J’ai appris qu’on est invité, mais je ne peux pas participer à quelque chose que je ne connais pas. On ne nous a pas dit de quoi on va parler alors que moi je ne veux pas aller dans un tel schéma pour aller cautionner des choses qui ne sont pas bonnes. Je suis vraiment désolé ».
TIEBILE DRAME, PRESIDENT DU PARENA ET MEMBRE DU FUDR
« Le front ne participera pas à la convention »
« Le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FUDR) ne participera pas à cette convention. Nous avons dit qu’il faut aller à l’ordre constitutionnel et à partir de là on ne sait pas en vertu de quoi les militaires convoquent une convention nationale. C’est pour aller dire quoi ? Pour nous, la situation est claire : il faut que les militaires retournent dans leurs casernes ».
OUMAR MARIKO, SECRETAIRE GENERAL DU PARTI SADI
« Je n’ai rien à dire »
« Je n’ai rien à dire. Je ne m’occupe pas de ce volet dans notre mouvement ».
BOUBACAR TOURE, SECRETAIRE A LA COMMUNICATION DU RPM
« Je ne suis au courant de rien »
« Je ne peux rien vous dire parce qu’on n’a même pas encore été invité. Si mon président et candidat du parti, Ibrahim Boubacar Kéita, ou mon secrétaire général, avait été invité, j’allais savoir de quoi il s’agit. On ne sait pas où ça va se tenir, ni la qualité des participants encore moins de quoi on va parler ».
Rassemblés par Abdoulaye Diakité