22 septembre 1960- 22 septembre 2025, le Mali indépendant à 65 ans : Quel bilan, pour quelles perspectives ?
C’est sous le leadership éclairé de Modibo Keita et cela après l’éclatement de l’éphémère fédération du Mali que le Soudan français accéda à la souveraineté nationale et internationale en préservant le nom MALI, un 22 septembre 1960.

Que de chemins parcourus, que de prouesses tangibles obtenues, mais que d’instabilités institutionnelles et des promesses non tenues pendant ces 65 ans. Le Mali a certes obtenu son indépendance politique, mais il reste à la case départ quant à l’indépendance économique et surtout quant à la stabilité institutionnelle. En 65 ans d’indépendance le Mali a connu cinq coups d’Etat militaires, des crises sécuritaires consécutives à des rebellions cycliques et d’instabilités institutions malgré l’avènement de la démocratie pluraliste. Quel bilan non exhaustif faut-il tirer des 65 ans d’indépendance ? Quelles sont les perspectives pour un futur radieux au grand bonheur du peuple malien ?
C’est dans l’allégresse et dans une union sacrée des cœurs et d’esprits que le peuple malien a accueilli, ce 22 septembre 1960, la proclamation de l’indépendance de ce pays millénaire qu’est le Mali. Cette date est désormais inscrite en lettres d’or au fronton de la République et un homme, désormais, est rentré dans l’histoire moderne du pays, en l’occurrence Modibo Keita, considéré comme le père de l’indépendance du Mali, avec lui d’autres figures de proue de la lutte anticoloniale. L’appel du Mali a été entendu par les maliens et les champs semblent fleurir d’espérance en écoutant les discours pleins de promesses. Le vert, or et rouge, le drapeau du Mali, symbole de la liberté et de l’indépendance, flotte désormais sur les bâtiments publics et dans les lieux publics comme les écoles, les casernes, les hôpitaux. La question qui taraude les esprits est celle de savoir, 65 ans après la jubilation que peut-on réellement tirer comme bilan ? S’il est prétentieux de pouvoir tirer un bilan exhaustif, l’on pourrait tout de même énumérer les grandes œuvres qui ont été réalisées, les grands ratés dans la gestion des affaires sous les différents régimes et cela de la première à la quatrième République. En d’autres termes,
Quel bilan non exhaustif faut-il tirer des 65 ans d’indépendance ?
Si l’indépendance a été obtenue après une lutte politique acharnée sous la houlette de l’US RDA, la gestion du pays postcolonial n’a pas été de tout repos. Le premier acte politique des dirigeants du pays a été d’ériger une fédération afin de former un bloc soudé pour défendre les fragiles acquis de la souveraineté. La dernière tentative infructueuse pour la création d’une fédération a été celle qui devrait regrouper au sein d’un ensemble deux peuples unis par l’histoire, la géographie, la culture et l’art à savoir le Mali et Sénégal. Après le divorce suivi de la proclamation de l’indépendance du Mali, Modibo Keita fut le premier Président de la jeune République. Homme de conviction et de foi Modibo Keita se lança dans la construction d’une nation où tout était à refaire. Sous une vision socialiste aux antipodes de celle qui avait pignon sur rue depuis plus d’un demi-siècle, à savoir l’impérialisme, il réalisa des infrastructures socioéconomiques, comme les sociétés et entreprises d’Etat, les petites et moyennes entreprises et a essayé de donner une éducation citoyenne au peuple. Modibo Keita a réussi, en 8 ans de gouvernance, à ériger les bases d’une économie non sans peine, comme en témoignent les nombreuses sociétés et entreprises d’Etat. Ce qui a le moins marché c’est la gestion politique du Mali, car une crise sociopolitique a éclaté en 1967 entrainant la dissolution de l’Assemblée Nationale, l’érection d’un Comité dit de Défense de la Révolution, CDR. Comme si cela ne suffisait pas des arrestations comme celles de trois figures de l’opposition, à savoir Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Maraba Kassoum Touré, suite à la crise du franc malien. Ces arrestations de Sissoko, Dicko et Touré ont été couronnées par des condamnations et surtout de déportations au grand nord pour y subir la peine, celle de l’extrême, à savoir la peine de mort. C’est dans cette atmosphère délétère et un essoufflement économique que vivaient les maliens de 1967 jusqu’au coup d’Etat de 1968. En clair, le peuple en avait assez de la misère. C’est fort de ce constat et profitant d’une cacophonie institutionnelle, qu’un groupe d’officiers conduit par le lieutenant Moussa Traoré, s’est emparé du pouvoir un 19 novembre 1968.
Ainsi commença la longue et pénible marche avec un Comité Militaire de Libération Nationale, CMLN, composé de 14 membres, sans aucune expérience dans la gestion de la Res-publica, mais beaucoup plus préoccupé par la préservation de son pouvoir que pour le bien-être du peuple. Moussa Traoré a géré le pays d’une main de fer pendant 23 longues et pénibles années, appelées encore des années de plomb. Les partis politiques ont été dissous, les libertés bafouées, la gouvernance chaotique. Voici à quoi ressemblait le tableau de la gestion du CMLN, très peu reluisant pour ne pas sombre. Il a fallu atteindre plusieurs années pour voir enfin le pays se doter d’une Constitution, taillée sur mesure et n’autorisant que la création d’un parti unique, celui qui devrait regrouper tous les citoyens et au sein duquel l’exercice démocratique est autorisé. Dans cette longue marche à la fois chaotique et rétrograde, la corruption et le népotisme sont devenus des normes. Ainsi, le Général Président, pour non seulement sortir de l’isolement diplomatique, mais aussi se protéger et participer au concert des nations, il créa l’UDPM et organisait régulièrement, c’est-à-dire tous les cinq ans, un semblant d’élection pour se parer du manteau de démocrate et être en odeur de sainteté avec les dirigeants du monde démocratique. Les résultats issus de ces farces électorales n’ont de pareil qu’en Corée du Nord ou en Union Soviétique.
Moussa Traoré à bout de souffle, a fini par faire une ouverture politique en acceptant la création des associations politiques et en organisant une conférence des cadres afin de recueillir les propositions des forces vives de la nation en vue du prochain congrès de l’Union Démocratique du Peuple Malien, UDPM, qui aurait dû décider de l’ouverture politique, ce congrès tant attendu n’a jamais eu lieu. Le Général Président Moussa Traoré et son régime seront balayés un 26 Mars 1991 par le vent de l’insurrection populaire sous la houlette du Mouvement démocratique. Un lieutenant-colonel du nom d’Amadou Toumani Touré, ATT aura accompli ce devoir de soldat patriote, celui de mettre fin à un carnage perpétré par un régime. Par ce geste il passe aux yeux de l’opinion comme étant le soldat de la démocratie, car l’arrestation de Moussa Traoré a été le coup de grâce qui ouvrira la voix de la démocratisation du Mali.
La Démocratie tant espérée n’a-t-elle pas été une grande illusion ?
En effet, la démocratie, comme mode de gouvernance, est loin d’être une grande illusion, elle est même le meilleur de tous les autres modes de gestion des affaires d’un pays, car mettant au cœur de la gouvernance le peuple. Mais pour le cas du Mali il faut humblement reconnaitre que les hommes et les femmes qui ont eu la lourde responsabilité d’ériger la forte citadelle de la démocratie ont par moment échoué. Ils n’ont pas été à la hauteur de l’espérance en eux placée par le peuple. D’Alpha Oumar Konaré à Ibrahim Boubacar Keita, en passant par Amadou Toumani Touré, les trois Présidents de la République de l’ère démocratique ont certes posé des grands jalons, ils ont même sorti le Mali de l’ornière comme en attestent les différentes réalisations, mais force est de reconnaitre que ces œuvres ont été réalisées sans le citoyen. En d’autres termes ils se sont beaucoup plus préoccupés par le bilan matériel et infrastructurel plutôt que de façonner l’homme malien capable d’assurer la relève. Le bilan politique est catastrophique, comme en témoignent les trois coups d’Etat, celui du Capitaine Amadou Haya Sanogo contre ATT et les deux coups d’Etat du Colonel Assimi Goita, contre IBK et Bah N’Daou. Aujourd’hui la démocratie est mise à rude épreuve et les démocrates sont voués aux gémonies, car considérés par une certaine opinion comme des prédateurs, ou du moins ceux qui, pendant 30 ans, n’ont fait que s’enrichir. Certains détracteurs vont même jusqu’à qualifier la démocratie d’être à la base de tous les maux dont souffre le Mali.
En effet, tous les régimes dits démocratiques ont péché dans la gestion des affaires à appliquer, la rigueur, à faire la promotion de l’excellence, à lutter efficacement contre la corruption et la délinquance financière, et cela en dépit des instruments légaux et juridiques disponibles. Quid de l’école malienne, considérée comme haut lieu de formation et d’éducation des citoyens de demain, elle a fini par être un nid de bandits et de citoyens préparés à être versés dans la rue. La mauvaise qualité des fruits de l’école malienne a eu des répercutions même sur l’armée censée être la structure des hommes et des femmes saints de corps et d’esprit et capable de défendre le Mali au prix d’énormes sacrifices. Les recrutements dans l’armée sont les conséquences logiques de la mauvaise qualité de l’école. C’est ce qui explique les coups d’Etat à répétition, ils ne sont que les conséquences d’une armée mal formée et mal équipées prête à sauter sur la première occasion pour s’installer durablement au pouvoir.
Si incontestablement il n y a pas d’alternative à la démocratie, il est tout aussi clair qu’une démocratie sans des citoyens conscients de leur rôle, formés et engagés à défendre la démocratie et avec elle la République, l’on est jamais à l’abri d’instabilité institutionnelle et surtout des désagréments dus aux coups d’Etat. Les démocrates doivent se remettre en cause et proposer une solution alternative, pas à la démocratie, mais à la gestion démocratique jusque-là expérimentée dans le pays et qui semble être à la base de l’instabilité chronique. Il ne faut pas se faire d’illusion, celle qui a été jusqu’ici expérimentée semble montrer ses limites.
Quelles sont les perspectives pour un futur radieux au grand bonheur du peuple malien ?
D’abord qu’il soit clairement dit et redit sous nos tropiques, la meilleure forme de gestion des affaires de la cité, pour le moment la gestion démocratique, qui n’est rien d’autre que l’implication du peuple à tous les niveaux de décision, à savoir en amont de celles –ci, mais aussi en aval avec un contrôle citoyen. Pour réussir ce pari il demeure nécessaire, voir indispensable de mettre un accent particulier sur l’éducation et la formation des citoyens. Un citoyen bien éduqué et bien formé sera non seulement conscient de son rôle et pourra du coup devenir un rempart pour la protection des institutions de la Républiques. Les Nations qui ont émergé sont celles qui ont mis en valeur leurs ressources humaines et ont ensuite pensé à bâtir un Etat solide. Sans une formation adéquate, sans une éducation harmonieuse rien de potable ne sera construit et tout sera voué à l’échec. C’est d’ailleurs ce à quoi l’on assiste de nos jours, tout va à vau l’eau.
En définitive, aucun pays ne pourra prospérer en ayant des citoyens non formés et non éduqués. Pour rappel ce sont ces citoyens bien formés et bien éduqués qui mettront en œuvre les politiques de gestion et appliqueront les valeurs de rigueur, de transparence, et lutteront efficacement contre les maux qui bloquent le progrès tels que la corruption, le népotisme, le clientélisme, la gabegie. Qu’il soit dit en passant, le Mali, 65 ans après son accession à l’indépendance est toujours à la case départ sur presque tous les plans.
Youssouf Sissoko
Quelle est votre réaction ?






