Elections générales 2012
La quintette de candidats les plus en vue sera bouclée bientôt, mais déjà ils sont en pleine campagne électorale et certains ne dédaignent pas le cadeau royal que leur offre le couple célèbre Amadou et Mariam
Avec la déclaration de candidature, dimanche dernier, d’Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), et la désignation (attendue le week-end prochain) du candidat du PDES, le quinté pour la présidentielle du 29 avril sera connu. Il n’y aura qu’un seul gagnant dans l’ordre, mais dans le désordre on peut citer Dioncounda Traoré (PASJ), Soumaïla Cissé (URD), IBK (RPM) et l’inconnu du PDES, représentant les quatre partis politiques les plus en vue qui auront à affronter l’indépendant Modibo Sidibé.
Contrairement aux textes en vigueur mais sous l’œil complaisant des autorités, ils ont tous commencé à battre campagne, alors que le ton ne sera donné officiellement qu’en début avril. Mais il y a pire.
Le couplage élection présidentielle et référendum pourrait fausser les règles du jeu de la compétition. Pas pour les mêmes raisons, dont la plupart sont erronées, avancées par ces agités et agitateurs de «Touche pas à ma constitution», mais parce que ceux qui sont chargés par le président et le gouvernement d’expliquer, de vulgariser et de défendre le projet de révision constitutionnelle sont en mission publique. A cet effet, ces ministres, députés, administrateurs civils et hauts cadres de l’Etat useront des biens et moyens publics pour mener à bien la mission confiée par le couple Amadou et Mariam. Et connaissant la propension des acteurs politiques à profiter de n’importe quelle situation favorable et la permissivité vis-à-vis de certains agissements et comportements irresponsables de prétendus responsables administratifs et/ou politiques, il est sûr et certain que ces missionnaires du gouvernement ne se limiteront pas à seulement user. Ils abuseront surtout des biens et moyens publics à des fins partisanes. Car ils sont avant tout des cadres à la solde d’un parti ou d’une personnalité. Or, il se trouve que les cinq candidats à la présidentielle les plus en vue sont également ceux qui sont les plus représentés au sein de l’appareil d’Etat (gouvernement, parlement, judiciaire). Et chacun s’attend à ce que, lors de cette campagne référendaire menée avec les moyens et biens de l’Etat, ils parlent beaucoup plus de leurs partis et candidats respectifs que du contenu du projet de constitution qu’ils ne maîtrisent peut-être pas.
Sur cet aspect, le PASJ et le PDES sont les plus favorisés. Ils ont le plus grand nombre de représentants au gouvernement et, pour le premier, à l’Assemblée nationale mais également dans l’administration et les finances publiques, les collectivités territoriales et les représentations diplomatiques.
Du quinté, le plus défavorisé est le RPM avec un seul ministre et une poignée de députés. Mais cette configuration pourrait n’être qu’apparente. A en croire certaines indiscrétions, plusieurs membres du gouvernement et des parlementaires, qui ont tourné dos à leur famille politique ou s’apprêteraient à le faire, rouleraient pour Modibo Sidibé aussi.
Toujours est-il que cette crainte est partagée par ces candidats partisans à la présidentielle. Qui du coup ont adopté méfiance et défiance envers les structures de leur parti. De plus, après le constat d’échec des partis politiques à mobiliser les militants et sympathisants à la base, ces prétentieux ont jeté leur dévolu sur des associations et clubs de soutien, et des organisation de la société civile, jugés beaucoup plus efficaces que des machines électorales essoufflées ou en panne. Au PDES, dont le candidat n’est pas encore désigné, les trois premiers responsables ont chacun leurs clubs et associations de soutien utilisés comme fer de lance ou mouvement d’avant-garde. A côté de leurs partis respectifs, «Diden Dioncounda», «Tèguè di gnogon ma Soumi» et «Guessédala Bourama» ont prévenu les coups bas, traîtrise et félonies propres aux états-majors politiques pour se rabattre sur la société civile. Dont ils financent largement le soutien. Modibo Sidibé n’est pas demeuré en reste, et continue avec ses mouvements de soutien. Sur ce plan, il est aussi indépendant que les autres.
Ce couplage présidentielle et référendum pourrait également influencer les autres scrutins. Commencée avec trois mois d’avance, la campagne électorale pour la présidentielle, que certains appellent avec euphémisme «précampagne», va également profiter aux législatives prévues moins de trois mois après la présidentielle. Au niveau des cercles et communes, les députés, les maires et, surtout, l’administration ne manqueront pas, sous couvert de référendum, de se servir abondamment et de renforcer leurs implantations et positions dans les différentes circonscriptions électorales.
De tout ce qui précède, il serait difficile de croire que le président Touré ait eu une position équidistante vis-à-vis des partis politiques, que rien n’est fait pour favoriser certains au détriment d’autres, qu’il est vraiment neutre dans cette histoire de « fous » qui veulent gouverner le chaos.
Mais, en dépit des schémas concoctés pour satisfaire les préférences présidentielles, et les déclarations éhontées de certains candidats, c’est au peuple que revient le dernier mot, lui qui peut dédaigner l’ensemble du quinté imposé, et faire valoir et imposer, enfin ! son propre choix, expression de sa seule volonté.
Et pour cela, il y a deux impératifs : sortir massivement pour voter, selon ses intérêts ; et rester vigilant et exigeant quant à la transparence et la régularité des scrutins.
Cheick Tandina
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