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Pr Rokia Sanogo[/caption]
Après le déclanchement des opérations militaires par les troupes françaises suite à la prise de Konna par les groupes islamistes, la communauté internationale se mobilise au chevet du Mali. Si l’implication française a été sollicitée dans la plus grande urgence par les autorités maliennes, le baromètre de la légitimité de cette guerre se joue aussi sur le terrain de l’opinion publique. La classe politique, dans son écrasante majorité approuve certes l’intervention française mais des mouvements et non des moindres montrent encore leur hostilité. Suivons la réaction du Professeur Rokia Sanogo, Présidente du MP 22.
Quelle est votre appréciation de l’intervention des troupes françaises et africaines au Mali?
Notre position est claire : oui au renforcement de l’armée malienne pour la libération du Mali. Pendant 9 mois toutes nos actions ont contribué au renforcement matériel et au réconfort moral de l’armée malienne. Je vous rappelle notre forte mobilisation contre l’injustifiable blocage des fournitures d’armes à l’armée malienne, qui a duré environ six mois.
L’armée malienne est aujourd’hui entrain d’avancer et de combattre avec les équipements qu’elle a pu enfin recevoir et ceux qu’elle a pu réparer pendant ces 9 mois, grâce aux efforts de ses hommes, avec les maigres moyens mis à sa disposition.
Donc, aujourd’hui nous disons oui à toutes les aides et tous les supports (logistique, couverture aérienne et renseignements) dont l’armée malienne a besoin pour se renforcer et pouvoir libérer de manière efficace les régions du Nord.
Mais nous ne sommes pas d’accord avec l’intervention des troupes étrangères à la place de l’armée malienne. Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui encore aujourd’hui, à l’intérieur et à l’extérieur du Mali, continuent à affirmer que l’armée malienne n’existe pas, pour justifier ainsi l’intervention étrangère.
Après les attaques de Konna par les islamistes, le Mali n’était-il pas en péril et donc dans la nécessité de faire appel à d’autres pays ?
C’est depuis 20 ans et particulièrement depuis janvier 2012 que le Mali est en péril. La solidarité et l’aide des pays « amis » auraient dû empêcher l’occupation du nord du Mali et éviter ce péril. Cela devait être fait à temps par ATT et ses alliés politiques. Nous aurions pu ainsi éviter tout ce que nous vivons aujourd’hui et toutes les souffrances des populations des régions du Nord.
C’est sur le chemin de la reconquête des zones occupées que la brave armée malienne a été attaquée par un groupe de rebelles à Konna. Apres un bref repli, elle a repris et sécurisé Konna avant l’intervention française, grâce au courage et au sacrifice de ses hommes et à ses hélicoptères qui sont entrés en action contre les attaquants. Nous pensons qu’il ne fallait pas attendre l’attaque des djihadistes pour fournir à l’armée malienne les moyens aériens qu’elle réclamait.
Au regard des divergences des différents regroupements et tendances politiques sur la question, peut-on arriver à l’union sacrée pour faire face au défi sécuritaire ?
C’est le consensus sur la base du mensonge qui nous a amenés à tous ces problèmes. On ne peut pas donc faire aujourd’hui l’union sacrée pour sortir de la crise sur la base du même mensonge. Nous refusons l’utilisation instrumentale du défi sécuritaire pour éviter toute concertation. On ne peut pas faire l’union sacrée sans avoir les mêmes objectifs. On ne peut pas faire l’union sacrée sans se parler.
Si on veut faire l’union sacrée pour le Mali, on ne peut pas continuer à nous traiter de tous les mots sales, à nous insulter, à nous indexer comme « apatrides » et « djihadistes du sud ». On ne peut pas faire l’union sacrée avec les ennemis du Mali, qui ont vendu le nord du Mali aux preneurs d’otages et aux narcotrafiquants et qui sont des alliés du MNLA.
Nous sommes pour la mobilisation patriotique du peuple malien à coté de son armée sur la base de la vérité !
Pensez-vous qu’il faille encore tenir les concertations nationales dans un Mali en pleine guerre ?
La tenue des concertations nationales pouvait éviter au Mali d’être en pleine guerre. Même aujourd’hui, les concertations nationales sont plus que jamais nécessaires pour assurer la bonne gestion de la guerre en cours, pour trouver des réponses efficaces à la crise et pour donner plus de moyens à l’armée malienne. Il y a eu de nombreuses concertations sur le Mali sans le Mali et sans le peuple malien. Même en pleine guerre la CEDEAO se concerte sur le Mali. Pourquoi nous, Maliens, ne pouvons-nous pas nous concerter ?
Avec l’adoption de la feuille de route par l’Assemblée nationale le mardi 29 janvier dernier, cette préoccupation peut-elle encore être à l’ordre du jour?
Nous rappelons que, selon l’accord cadre du 06 avril 2012, la feuille de route de la transition devait être élaborée par les concertations nationales : elles devaient non seulement statuer sur les organes de la transition, mais aussi discuter des actions à mener pour reconquérir les régions du nord, pour sortir le pays de la crise politique et pour organiser des élections honnêtes, transparentes et crédibles, tout en définissant les rôles des uns et des autres et en fixant le calendrier relatif.
C’est pour cela que nous ne reconnaissons pas cette feuille de route et nous ne sommes pas du tout d’accord sur le fait qu’elle soit soumise à l’Assemblée Nationale pour approbation. Nous ne comprenons pas qu’on puisse faire référence à l’accord cadre pour la prorogation de l’Assemblée Nationale et qu’on refuse d’appliquer le même accord quand il s’agit d’organiser les concertations nationales. Qui a peur des concertations nationales et pourquoi ?
La réalité est que l’objectif de cette feuille de route n’est pas de faire sortir le pays de la crise, mais de nous ramener au point de départ, vers un consensus national construit sur le faux. Nous restons convaincus que seulement un changement profond d’hommes et de méthodes puisse nous faire sortir durablement de cette crise, qui est certainement sécuritaire, mais aussi politique et sociale.
A votre avis, à la fin de la transition, quelles doivent être les premières mesures prises par le nouveau gouvernement pour enrayer définitivement l’insécurité récurrente dans le nord du Mali ?
La première mesure, à défaut de la possibilité d’un dialogue avec les rebelles qui reconnaissent l’intégrité de la République du Mali, son unité et sa souveraineté, c’est de doter l’armée malienne de tous les moyens nécessaires pour faire efficacement la guerre sans merci aux rebelles.
Mais nous pensons aussi que c’est avec une démocratie réelle et forte qu’on peut enrayer définitivement l’insécurité récurrente dans le nord du Mali et remettre le Mali au travail, au nord comme au sud, pour son développement harmonieux et solidaire et pour la reconstruction de l’homme malien et de sa dignité.
C’est pour cela que, tout en nous mobilisant à côté de l’armée malienne pour la reconquête des régions du nord, nous continuons à œuvrer pour enclencher le changement profond auquel toutes les maliennes et tous les maliens honnêtes et dignes aspirent.
Pour le moment, nous disons:
Vive la brave Armée Malienne !
Vive le Mali eternel : un, démocratique, laïc, libre, indépendant et prospère!
ROKIA SANOGO