Au même moment où les dirigeants des 8 pays les plus industrialisés du monde sont réunis à Saint-Pétersbourg (Russie) pour discuter de la marche du monde, des alter mondialistes d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, eux, se sont fixés rendez-vous dans l’enceinte du Collège Sœur Geneviève à Gao, à 1200 km au nord du Mali, en vue de peaufiner leurs stratégies de lutte pour une justice sociale et économique dans le monde.
La Cité des Askia est depuis vendredi dernier la capitale de l’alter mondialisme. La ville abrite cette année la 5e édition du Forum des peuples, contrepoids au sommet du G8 avec pour objectif de contribuer au renforcement du contre-pouvoir citoyen, à la construction des alternatives des peuples africains et celle d’un véritable partenariat entre les gouvernements africains et leurs peuples.
La rencontre de Gao qui regroupe plus de 500 participants du Burkina, de Côte d’Ivoire, du Bénin, du Niger, du Maroc, de la Guinée-Conakry, du Mali, de France, d’Ecosse, de Belgique, du Canada se déroule en deux axes. Le premier est consacré à l’évaluation des différentes éditions du Forum des peuples de Siby à Fana. « Les résultats positifs, aux dires de Mme Barry Aminata Touré présidente de la Coalition des alternatives dettes et développement (CAD-Mali) sont nombreux : l’accroissement du nombre d’organisations participantes de 600 à Siby en 2002 à 1500 à Fana en 2005, de 7 pays en 2002 à 15 en 2005. Il faut noter une conscientisation réelle des populations qui sont en mesure de défendre leurs positions face aux décideurs nationaux et locaux ».
Le 2e axe porte sur l’état des lieux et la création sur les thématiques : endettement, initiatives d’allègement de dette, services sociaux de base, les droits humains, les accords de partenariat économique, l’immigration, la souveraineté alimentaire, confits sociaux, paix et développement, etc. Ainsi, les journées de samedi et dimanche ont été consacrées aux ateliers d’évaluation et de validation au cours desquels les participants ont réfléchi sur des questionnements comme : comment concilier l’approche éducation populaire et la construction d’une expertise scientifique pour faire contrepoids aux études des Etats et institutions internationales ? Comment assurer la pérennité financière du Forum et assurer le suivi des recommandations ou encore comment accompagner les alliances et les actions communes initiées lors des forums ?
La journée d’aujourd’hui lundi sera consacrée à une conférence plénière sur les privatisations en Afrique et des ateliers débats sur des thèmes variés : migration et politique d’expulsion, paix et développement en Afrique subsaharienne, OGM, privatisation de la terre, dumpings, pillage des ressources africaines et normes de transparence à construire, impunité des crimes politiques et économiques : quelles synergies ? etc.
Etat des lieux critique
La présidente de CAD-Mali Barry Aminata Touré a dressé un état des lieux désespérant de certaines thématiques du Forum : la dette et le CSLP, l’accès aux services sociaux de base, l’immigration, les guerres et conflits, la faim. Selon elle, l’annulation de la dette annoncée à Londres par le G8 n’était que de la poudre aux yeux. « Car au 1er juillet 2006, la dette des 17 pays pauvres très endettés dont 13 en Afrique envers la Banque mondiale devrait être annulée. Mais la Banque mondiale avance le chiffre total de 37 milliards de dollars US répartis sur 40 ans ». De plus, ajoute-t-elle, au cours des dix dernières années, la Banque mondiale n’a dépensé que 2,6 milliards de dollars pour réduire la dette de ces 17 pays alors qu’elle possède plus de 38 milliards de dollars de capitaux propres. « Pourquoi continuer à faire confiance à ceux qui ont déjà échoué et qui veulent renouveler les mêmes erreurs », s’est-elle interrogée.
S’agissant de l’immigration, Mme Barry a fustigé le comportement de l’Europe qui « se ferme et impose aux pays de l’Afrique subsaharienne l’ouverture de leur marché. En termes clairs, les capitaux doivent circuler mais pas les êtres humains violant ainsi les conventions internationales ». En tout cas à Gao, les alter mondialistes sont décidés à tout mettre en œuvre pour l’aboutissement de leur lutte pour une justice plus sociale et économique.
Etaient présents à la cérémonie d’ouverture, le directeur de cabinet du gouverneur, le 1er adjoint au maire, le président de l’Assemblée régionale, le préfet, les chefs traditionnels et une foule nombreuse qui ont tous salué la tenue de ce forum dans la Cité légendaire des Askia.
Sidiki Y. Dembélé
(envoyé spécial)
La fuite des partenaires financiers
Les tristes événements survenus à Kidal le 23 mai dernier avaient fait planer le doute sur la tenue du Forum des peuples à Gao. Nombreux sont les partenaires financiers qui se sont rétractés et avec leurs sous à la dernière minute. Ce qui a faussé le budget des organisateurs du forum.
Le plaidoyer du président de CAD-Gao
Gao attendait du Forum des peuples non pas seulement un bilan des acquis mais la mise sur pied d’un cadre de concertation qui puisse pallier les maux qui minent la ville. C’est le message lancé par le président de la CAD-Gao Aboubacrine Cissé. Selon lui, la ville est au centre du Septentrion malien, une zone quasi désertique où brille le fleuve Niger. « La région est affectée par des sécheresses périodiques qui anéantissent les efforts de ses braves paysans, la vident de ses bras valides, accroissent l’indigence. Elle ne jouit d’aucune infrastructure industrielle ou agropastorale notable. L’usine de phosphate de Bourem ne tourne plus. L’aide de la coopération bilatérale et multilatérale est insignifiante dans une région où rien n’est fait ou presque… », a-t-il déploré. Suivez mon regard.
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