Mali : l’État engage une procédure judiciaire contre Barrick

Le Mali poursuit Barrick Mining pour placer le complexe Loulo-Gounkoto sous administration provisoire, après des tensions sur l’application du nouveau code minier et la saisie de 3 tonnes d’or en novembre 2024.

19 Mai 2025 - 06:34
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Mali : l’État engage une procédure judiciaire contre Barrick

Le jeudi 16 mai 2025, à huis clos, l’État malien et le géant canadien Barrick Mining (ex-Barrick Gold) se sont retrouvés devant le tribunal de commerce de Bamako. En jeu figure la demande du gouvernement de placer le complexe aurifère Loulo-Gounkoto, l’un des plus importants d’Afrique de l’Ouest, sous administration provisoire.

Cette démarche, inédite à cette échelle au Mali, intervient après des mois de tensions liées à l’application du nouveau code minier, à des soupçons de non-conformité fiscale, et à la saisie controversée de plusieurs tonnes d’or. Selon des documents rapportés par plusieurs sources, environ 3 tonnes d’or ont été confisquées par les autorités maliennes en novembre 2024 sur le site, pour une valeur estimée à 317 millions de dollars. Depuis, l’activité est à l’arrêt.

Le complexe Loulo-Gounkoto, situé dans la région de Kayes, dans l’ouest malien, représentait jusqu’à sa fermeture près de 15 % de la production industrielle d’or du pays, avec 723 000 onces extraites en 2024. Cette suspension a contribué à la chute de 23 % de la production aurifère nationale en 2024, selon le ministère malien des Mines.

Le cœur du conflit réside dans l’application du nouveau code minier adopté en août 2023. Ce texte accorde à l’État un droit de participation renforcé — jusqu’à 30 % — dans les projets miniers, tout en imposant une fiscalité accrue sur les bénéfices et les exportations. Des clauses que Barrick conteste, affirmant qu’elles ne peuvent être appliquées rétroactivement sur les contrats en cours.

Mais pour les autorités maliennes, il s’agit de rétablir l’équité dans le partage des ressources. Un audit gouvernemental du secteur minier, publié début 2025, chiffre à environ 315 milliards de FCFA (près de 480 millions d’euros) les créances fiscales cumulées des opérateurs, dont plusieurs filiales de Barrick.

Dans ce contexte tendu, le gouvernement a déposé une requête en justice pour obtenir la désignation d’un administrateur provisoire à la tête du complexe Loulo-Gounkoto. D’après une source judiciaire proche du dossier, l’objectif est de permettre la reprise des opérations « dans l’intérêt national » et d’éviter une rupture prolongée de l’exploitation. L’audience initialement prévue le 15 mai a été reportée au 22 mai, toujours devant le tribunal de commerce de Bamako.

Barrick, de son côté, a dénoncé une « escalade politique » et appelé au respect du droit international et des conventions d’investissement. Dans un communiqué publié le 10 mai, le PDG Mark Bristow avait insisté sur « l’engagement historique » du groupe au Mali, rappelant que Barrick est présent dans le pays depuis près de 30 ans. Il affirmait que l’entreprise a respecté ses obligations fiscales, et considère la saisie des cargaisons d’or comme « arbitraire ».

Au-delà du bras de fer juridique, ce dossier interpelle sur la transformation des relations entre États africains et multinationales extractives. Le Mali n’est pas un cas isolé : depuis 2022, plusieurs pays africains (Tanzanie, RDC, Zimbabwe) ont modifié leurs codes miniers pour renforcer les revenus de l’État et mieux encadrer les partenariats. Mais la question de la transition entre les anciens contrats et les nouvelles règles reste juridiquement sensible.

Pour Bamako, l’issue de cette affaire pourrait ouvrir la voie à une nationalisation partielle, voire totale, du complexe Loulo-Gounkoto. Si la justice valide la mise sous administration provisoire, une nouvelle structure de gouvernance serait mise en place. Dans ce cas, Barrick pourrait perdre tout contrôle opérationnel sur une mine qui a généré plus de 6 millions d’onces d’or depuis son ouverture en 2005.

MD/ac/Sf/APA

SOURCE: https://fr.apanews.net/

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