Le Pr. islamologue Tariq Ramadan : La mondialisation, le sous-développement et l’islam
Quels liens entre la mondialisation, le sous-développement des pays africains et l’islam ? Voilà le labyrinthe qu’a exploré le Pr. Tariq RAMADAN qui a animé une conférence à ce sujet, samedi dernier, sur la colline de Badalabougou...
Quels liens entre la mondialisation, le sous-développement des pays africains et l’islam ? Voilà le labyrinthe qu’a exploré le Pr. Tariq RAMADAN qui a animé une conférence à ce sujet, samedi dernier, sur la colline de Badalabougou.
C’est dans un amphithéâtre sur la colline de Badalabougou noire de monde que s’est tenue une conférence «grand public » organisée par L’AISLAM, le CERFIM, la LEEMA et l’UNAEM, qui était animée samedi dernier par le professeur Tariq RAMADAN. La dite conférence a enregistré la présence de nombreuses associations islamiques, de nombreux imams et prêcheurs de la place ainsi qu’une foule nombreuse acquise à la cause. Elle avait pour thème épineuse question de la problématique de lutte contre la pauvreté dans le contexte de la mondialisation.
Le spectre de la mondialisation
Le conférencier en charge du thème, après avoir reconnu le caractère très vaste et global du sujet, dans un exposé clair, succinct et très dense, a tracé les contours du concept de mondialisation .Pour M. RAMADAN, l’économie nationale est à l’origine de la paupérisation des économies des pays d’Afrique et du Tiers monde soumises aux réalités de l’économie mondiale où les décisions concernant ces pays sont prises dans d’autres centres financiers et à leurs dépens. Cette globalisation de l’économie, selon lui, avait ses instruments notamment la Banque mondiale et le FMI qui aident et entretiennent la paupérisation des pays en voie de développement. De ce point de vue, il a qualifié ces Etats de «pays de sous développement entretenus ». Quant à l’OMC censé être un espace de régulation de justice entre les nations, il conforte hélas le déséquilibre inhumain en terme d’échanges. Aussi, soutient-il, les pays d’Afrique et d’Asie sont victimes de spéculation dont le processus a abouti à une autre forme de colonisation économique. Le deuxième aspect, a développé le conférencier, concerne la globalisation des moyens de communication : 73% de l’information reçue par l’Afrique est de production occidentale. D’où le fait qu’on constate un déplacement de la colonisation politico économique vers une colonisation intellectuelle et culturelle qui nous touche évidemment dans notre mode de pensée, de communication et même dans notre consommation, a-t-il fait remarquer.
Consommer sans produire et produire sans consommer
Le Mali, a argumenté M. RAMADAN, vit davantage des produits des multinationales internationales que de ses boissons locales .On avait annoncé avant la chute du mur de Berlin que le communisme censé donner de la richesse aux pauvres, selon les détracteurs, était un obstacle au développement véritable. Mais que l’arrivée du capitalisme, c’est-à-dire la libéralisation du marché qui s’auto régule, allait être «tout bénéfice » pour tous les pays du monde. Est-ce que la pauvreté a-t-elle diminué ? Peut-être en chiffres absolus ; mais dans la réalité, il y a un grand fossé faramineux et abyssal entre les plus riches et les plus pauvres. L’Afrique est le continent le plus touché par ce phénomène de paupérisation qui est un processus par lequel, a expliqué le conférencier, vous devenez de plus en plus pauvre ou que vous perdez le pouvoir de dignité et celui de décider par et pour vous-même. L’Afrique étant oubliée de l’économie mondiale .A cela s’ajoute la réalité de l’OMC qui est une spoliation dans les années 50 et qui a enfoncé dans un profond surendettement. «Et on demandait à ces pays d’être solvables », s’est indigné le conférencier. «C’est produire davantage pour plus de devises et on avait seulement à rendre l’intérêt d’amortissement de la dette », a expliqué le Pr. RAMADAN. Il a aussi souligné la responsabilité des pétromonarchies qui ont principalement aidé à l’endettement des pays africains, car ces dettes allouées à l’Afrique proviennent des banques qui sont alimentées par l’argent des pétrodollars qui sont des alliés objectifs de l’économie néolibérale produisant en moyenne 100 000 morts.
La Banque mondiale pour appauvrir
Dans sa communication, le professeur a eu à informer que la Banque mondiale a ajouté à son programme un volet social et éducatif d’aide qui reste cependant dans la forme et dans le fond marginal par rapport à l’économie imposée .A propos de la corruption qui est un fléau qui gangrène la société africaine dans son ensemble Tariq dira qu’elle existe à tous les niveaux du sommet à la base et a exhorté les pays africains à livrer une lutte sans merci contre cette corruption qui hypothèque l’avenir du continent africain. De ce point de vue, il a cité Thomas SANKARA qui avait affirmé un jour que le premier chantier de développement en Afrique était la lutte contre la corruption et avait préconisé la coopération sud sud tant au niveau des pays que des masses. Aussi, a-t-il fait savoir que Mobutu (l’ex président du Zaïre) avait 5 milliards de dollars dans les comptes suisses pendant que son pays avait 5 milliards de dollars de dette. Il a également évoqué la trahison de la classe politique et intellectuelle qui entretient en matière de communication et d’économie la réalité de cette paupérisation. En d’autres termes, a-t-il poursuivi, la conscience africaine elle-même serait en voie de paupérisation.
Le pauvre : un ami et un protégé d’Allah
Quant à l’enseignement islamique par rapport à la pauvreté, l’orateur dira qu’elle produit une éthique universelle et un message naturel de dignité. A cet effet, il nous apprend que la foi est un dépôt qui est une remise de dette. Mieux, poursuivra Tariq, en adorant DIEU, on s’acquitte de cette dette d’intelligence, de cœur et de vie. Aussi, le croyant a-t-il besoin du strict nécessaire pour pouvoir adorer Dieu. Quatre principes étant le fondement de cette foi islamique envers le pauvre : l’islam nous enseigne à servir le pauvre (car celui qui rejette le pauvre n’est pas avec Dieu) dont il faut honorer la dignité ; aimer le Prophète MOHAMED, le modèle des modèles, qui a toujours prôné l’amour des pauvres; préserver le droit fondamental du pauvre .Cette sphère est relative à la zakat, contrairement à l’aumône légale, qui est une obligation, une taxe sociale purificatrice faisant partie des cinq piliers de l’islam. «Elle est en fait ce processus interne de redistribution des richesses dans la société pour les nécessiteux », a-t-il précisé. Le Pr. a ainsi fait remarquer que la zakat est un instrument d’autonomie et non d’assistanat .Selon lui, face au déficit de vision, à l’absence d’alternative et à la déficience humaine, il faut une conscience politique.
Il a par ailleurs invité les Etats africains à être des résistants au système en créant des coopératives de développement et des banques alternatives. Dans ce domaine, a-t-il illustré, l’Egypte et la Malaisie ont eu à créer des coopératives d’aide aux populations pour sortir de la précarité où ils ont enregistré des résultats très satisfaisants .Toujours, selon le conférencier, il faut avoir des discours de transformation et non d’adaptation
Par Oumar TRAORE (stagiaire)
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