Le marché des véhicules d’occasion importés, souvent surnommés «France-au-revoir», connait une période difficile. Autrefois florissant, il est maintenant presque paralysé. Cette situation met de nombreux revendeurs dans une position financière précaire
Les coûts liés à la marque, à l’état du véhicule, ainsi qu’aux frais de transport et de dédouanement, contribuent à rendre ces voitures relativement chères.
Boubacar Diarra est le président de l’Association des revendeurs de véhicules d’occasion (ARVO). Il nous informe que ses voitures proviennent de divers pays européens, tels que la Belgique, la Suisse, la Norvège et l’Allemagne. Il s’approvisionne parfois aux États-Unis, au Canada et en Corée du Sud. «Je fais un effort pour importer les véhicules d’occasion malgré la morosité du marché», confie celui qui a plus de vingt ans d’expérience dans le métier.
Le prix des voitures d’occasion importées semble en effet être influencé par plusieurs facteurs, au-delà de leur provenance. Comme l’indique le président de l’ARVO, les coûts liés à la marque, à l’état du véhicule, ainsi qu’aux frais de transport et de dédouanement, contribuent à rendre ces voitures relativement chères. Par exemple, explique Boubacar Diarra, une berline Toyota, après prise en compte des frais d’importation, peut dépasser 3 millions de Fcfa, tandis que les grosses cylindrées peuvent coûter entre 5 et 100 millions de Fcfa.
Cette réalité économique est un obstacle pour des acheteurs comme Sylamakan Sissoko, qui, malgré ses efforts pour économiser à travers des tontines, trouve toujours difficile d’acquérir une voiture importée. En conséquence, il envisage d’acheter une «Dôboli», une voiture déjà utilisée à Bamako, qui est souvent choisie pour sa plus grande accessibilité financière.
LA CHUTE DES VENTES- Par contre, le marché des SUV connaît une popularité croissante, souvent en raison de leur robustesse et de leur polyvalence. Des caractéristiques essentielles pour affronter les itinéraires et les terrains variés. Les marques japonaises comme Toyota et les marques allemandes telles que Mercedes se distinguent particulièrement dans ce secteur, selon les spécialistes en la matière.
Toyota est réputée pour sa durabilité et sa fiabilité, tandis que Mercedes est souvent associée à l’élégance et à la performance. Au Mali, ces deux marques dominent le marché non seulement à cause de ces qualités, mais aussi parce que les mécaniciens locaux ont acquis une expertise significative dans la réparation et l’entretien de ces véhicules. Cette maîtrise technique facilite l’entretien, rendant ces véhicules encore plus émis pour les consommateurs locaux.
Madou Doumbia, revendeur de véhicules d’occasion à Garantiguibougou, un quartier animé de Bamako, a su se forger une réputation solide dans ce business au cours des dix dernières années. «En commençant modestement avec l’importation de cinq véhicules, j’ai progressivement élargi mon activité grâce à ma persévérance et à ma capacité d’adaptation aux exigences fluctuantes du marché», explique Doumbia.
Malgré cette réussite, Madou fait face aujourd’hui à un marché morose, marquant la chute dramatique des ventes due à la prolifération des points de vente et à la diminution de la liquidité financière. Pourtant, avec optimisme et détermination, il reste convaincu que cette période de difficultés économiques n’est que temporaire et que des jours plus prospères sont à venir.
Le discours d’Habib Doukara, PDG du groupe Bamako Dôboli, reflète une dualité entre optimisme et préoccupations face aux défis économiques actuels. Malgré l’augmentation significative des frais mensuels de déclaration pour les parcs, passant de 10.000 à 20.000 Fcfa en moins de deux ans, Doukara reste résolument engagé dans son travail.
Son parcours académique solide, avec un Master en gestion de projets et une Maîtrise en droit privé, renforce sa détermination à persévérer malgré les obstacles. Il souligne l’importance du secteur pour les jeunes entrepreneurs et appelle les autorités à non seulement réglementer, mais aussi soutenir ce domaine, qui offre des opportunités précieuses pour de nombreuses personnes. «Mon appel à l’action vise à créer un environnement propice à la croissance économique et à l’emploi», soutient Habib.
PROFESSIONNALISER LE SECTEUR- Le président de l’ARVO trouve l’importance de regrouper les revendeurs de véhicules d’occasion au sein d’une même association pour faciliter leurs activités et améliorer leur visibilité. «J’ai demandé aux autorités de fournir un espace dédié qui pourra accueillir tous les revendeurs, ce qui simplifierait les démarches tant pour les vendeurs que pour les acheteurs», affirme Boubacar.
Selon lui, un espace centralisé permet également à l’État de mieux organiser et suivre les activités commerciales. Il a également apprécié le service des impôts pour sa compréhension et ses concessions envers les membres de l’association concernant le paiement des redevances, souvent réglés en retard. Cette initiative montre une volonté de structurer et de professionnaliser le secteur de la vente de véhicules d’occasion, tout en créant un environnement plus favorable pour toutes les parties impliquées.
La transition vers la vente en ligne est devenue une stratégie essentielle pour les revendeurs confrontés à une baisse des ventes.
Avec l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, cette approche s’aligne parfaitement avec les tendances actuelles. En effet, de nombreux sites web et pages sur les réseaux sociaux émergent régulièrement, offrant des produits comme du «Bamako Dôboli» ou de la «France-au-revoir» à des conditions et des prix attractifs. Ces plateformes permettent aux revendeurs d’atteindre un public plus large et diversifié, tout en offrant aux consommateurs la commodité de faire leurs achats depuis chez eux. Cette adaptation au numérique reflète non seulement une réponse aux défis économiques actuels, mais aussi une évolution naturelle vers des méthodes de consommation plus modernes et connectées.
Abdoul Karim COULIBALY
«France-au-revoir» est devenue «France-adieu-a jamais»