Des chefs terroristes tués dans les confins du nord, des complices et collaborateurs arrêtés à Gao et Tombouctou, la guerre de libération des régions septentrionales tirerait-elle vers sa fin ?
[caption id="attachment_131287" align="alignleft" width="610"]

Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar, deux chefs islamistes, auraient été tués par les forces tchadiennes en opération au Mali. © Sipa - AFP[/caption]
Vendredi dernier, à l’issue de violents affrontements entre les forces armées tchadiennes et les groupes islamistes qui se sont retranchés dans les grottes du Tegharghar à soixante-dix kilomètres d’Aguel Hoc dans la région de Kidal, l’état-major tchadien a annoncé la mort d’Abdelhamid Abou Zeïd, un des chefs les plus influents, et sans doute le plus cruel, du groupe islamo-narco-terroriste, Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique). Vingt-quatre heures plus tard, au même endroit et dans des conditions semblables, selon les autorités militaires tchadiennes, Moktar Belmoktar est donné pour mort. Ce dernier est un dissident d’Aqmi qui a fondé, il y a quelques semaines, son propre groupe terroriste, la brigade des signataires par le sang, qui a revendiqué, en janvier dernier, l’attaque du site gazier In Amenas en Algérie.
Si leur mort est authentifiée, cela pourrait porter un coup décisif aux groupes terroristes qui contrôlaient, il y a peu, les deux tiers du territoire national. D’autant plus qu’en plus des deux, plusieurs dizaines de leurs hommes auraient également trouvé la mort. De plus, l’état-major fait état de la saisie de plus de soixante véhicules 4X4, du matériel de guerre et de l’armement.
Plus de soixante arrestations
Pendant ce temps, les forces armées françaises et maliennes procèdent à l’arrestation de plusieurs dizaines de présumés complices ou collaborateurs des jihadistes. Ils ont été arrêtés dans le village de Kadji, commune de Gounzourèye (cercle de Gao), un village dont les habitants pratiquent depuis les années 70 un rigorisme islamique de type wahhabite. Ces opérations pourraient se poursuivre dans d’autres localités comme Forgho et Hamakouladji, toujours dans le cercle de Gao, ou Goléa, dans le cercle d’Ansongo, des villages qui trainent la même réputation que Kadji.
Cela augure-t-il de la fin imminente de la guerre de libération des régions du nord? Selon les spécialistes, cette guerre pourrait durer encore des mois. Toutefois, même si les caches d’armes n’ont pas été découvertes, ces opérations menées conjointement par les forces françaises et maliennes pourraient avoir le mérite de circonscrire au moins les actes de guérilla et d’attentats suicides dont les auteurs seraient justement cachés et aidés par les responsables et des jeunes de ces villages. D’autant plus que les militaires ambitionnent de sécuriser, par exemple la ville de Gao et environs, dans un rayon de cent kilomètres alentour. Cette sécurisation inclut les villes de Bourem et d’Ansongo distantes de Gao de, respectivement, 95 Km et de 102 Km. Le cercle de Ménaka pourrait être mis sous le contrôle du contingent, la force delta, dirigé par le colonel-major Alladji Gamou qui a montré toute son efficacité dans la zone située entre Ménaka et Kidal.
Libérer Kidal
Mais tout cela ne serait durable qu’à la condition que la force africaine, censée prendre le relais de l’armée et des forces spéciales françaises, se déploie le plus rapidement possible et de manière efficiente et efficace. Un déploiement qui reste conditionné à l’aide internationale qui se fait toujours désirer, notamment depuis que les pays demandeurs de la Cédéao ont revu leurs prétentions à la hausse.
Pour la stabilité et la pacification du nord malien, il convient également de clarifier au plus tôt le statut de la région de Kidal. Jusqu’à présent cet endroit est occupé par les éléments du Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui en ont publiquement refusé l’accès aux forces armées et sécuritaires du Mali. S’étant placés sous la protection de la France, les indépendantistes font leur loi à Kidal aux côtés du Mouvement islamique de l’Azawad. Ces deux groupes constituent des succursales de blanchiment pour narcoterroristes et islamo-jihadistes dont la plupart sont visés par des mandats d’arrêt internationaux. Il est mal vu, en effet, par les populations du nord, notamment celles de la région de Kidal, que ce soient justement les agresseurs sécessionnistes, anciens alliés des groupes jihadistes, qui fassent aujourd’hui la loi en lieu et place de l’armée et de l’administration malienne. D’où leur sentiment que leur région a un statut différent des autres régions du nord et leurs ressentiments envers la France qui protège des criminels et les autorités maliennes qui ont encore des scrupules à prendre leurs responsabilités.
Et tant que le cas Kidal n’est pas réglé définitivement avec le retour de cette région dans l’intégrité territoriale nationale, la stabilité et la sécurisation des régions de Tombouctou et de Gao seront précaires.
Cheick Tandina