Aux origines du conflit entre les États-Unis et l’Iran

8 Juillet 2025 - 01:20
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Aux origines du conflit entre les États-Unis et l’Iran

Après les douze jours de guerre désormais bien documentés entre Israël et l’Iran, je me suis surpris à pousser plus loin mes recherches. Non pas sur les origines du différend entre ces deux puissances régionales — un rapide survol de l’histoire contemporaine du Moyen-Orient suffit à s’en faire une idée claire — mais plutôt sur une autre hostilité, plus profonde et plus ancienne : celle qui oppose les États-Unis à la République islamique d’Iran.

Depuis près de quatre décennies, les États-Unis incarnent, aux yeux des ayatollahs au pouvoir à Téhéran, le mal absolu, la figure même du Setan, le diable. Chaque prêche du vendredi devient une tribune solennelle pour condamner « le Grand Satan » — comprenez : le pays de l’Oncle Sam. Les invectives sont régulières, ritualisées, presque liturgiques. Ce n’est plus de la politique : c’est de la doctrine. Mais cette hostilité quasi théologique ne sort pas de nulle part. Elle est le fruit d’un long passif fait d’ingérences, de manipulations, de trahisons et de ruptures brutales.

Tout remonte au coup d’État de 1953, orchestré par la CIA, avec l’aide des services britanniques. À l’époque, Mohammad Mossadegh, Premier ministre démocratiquement élu, décide de nationaliser les ressources pétrolières iraniennes, jusque-là exploitées par la compagnie britannique BP (British Petroleum). Geste de souveraineté pour les Iraniens, provocation insupportable pour Londres et Washington. Résultat : Mossadegh est renversé, et le Shah Mohammad Reza Pahlavi, fidèle allié de l’Occident, est remis au pouvoir.

Pendant plus de deux décennies, l’Iran devient le gendarme du Golfe au service des États-Unis, un rempart contre le communisme et un marché juteux pour les industries d’armement américaines. Mais à l’intérieur, le régime du Shah est autoritaire, brutal, corrompu. L’écart entre une élite pro-occidentale et un peuple écrasé sous la répression devient insupportable.

En 1979, l’Histoire bascule : la révolution islamique, menée par l’Ayatollah Khomeini, chasse le Shah et transforme l’Iran en une théocratie chiite farouchement anti-occidentale. Pour les nouveaux dirigeants, les États-Unis ne sont plus simplement un empire : ils deviennent l’incarnation du mal, le symbole de l’oppression mondiale, de l’arrogance impérialiste et de la décadence morale.

Quelques mois plus tard, la rupture est totale : l’ambassade américaine à Téhéran est prise d’assaut, et 52 diplomates sont pris en otage pendant 444 jours. L’Amérique est humiliée, Téhéran triomphe. Depuis cet épisode, les relations sont gelées — et les sanctions économiques s’enchaînent. Cet événement marquera durablement la mémoire collective américaine et aura des conséquences politiques immédiates : il coûtera à Jimmy Carter sa réélection en 1980, battu par Ronald Reagan, perçu comme plus ferme face à l'Iran. Dans les décennies suivantes, les points de friction se multiplient : Le programme nucléaire iranien, suspecté de visées militaires. Le soutien de l’Iran à des groupes armés, considérés comme terroristes par Washington (Hezbollah, Houthis, certaines milices chiites – plus en plus appelés les proxies ).

La volonté de Téhéran d’étendre son influence régionale en Irak, en Syrie, au Liban, voire au Yémen. Et enfin, le retrait américain en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), signé trois ans plus tôt sous Obama, a ravivé la tension comme une braise mal éteinte. Aujourd’hui encore, malgré quelques gestes diplomatiques sporadiques, la méfiance reste totale. D’un côté, une superpuissance qui ne tolère pas la remise en question de son hégémonie. De l’autre, un régime révolutionnaire qui s’est construit dans l’opposition à cette même domination.

Ce conflit n’est pas qu’une simple affaire de géopolitique. Il s’agit d’une guerre de récits, de visions du monde, où chaque camp voit en l’autre une menace existentielle. Et tant que cet imaginaire mutuel ne sera pas déconstruit, le Setan continuera d’être invoqué, chaque vendredi, sur les terres de l’ancien empire perse. Conclusion : au-delà des discours religieux ou idéologiques que l’on brandit souvent, les conflits qui secouent notre petite planète ne sont, en réalité, que la manifestation d’intérêts bien plus terre-à-terre : la lutte entre dominants et dominés, entre puissances cherchant à préserver ou étendre leur influence, et peuples qui subissent ces jeux de pouvoir. Comme le disait John F. Kennedy, nos divisions ne sont pas des querelles de croyances, mais des affrontements d’intérêts. Comprendre cela est la première étape pour espérer dépasser la logique de confrontation et construire un avenir plus juste.

Moustaph Siby

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