Avec l’attaque israélienne sur Doha, “Netanyahu a réduit à néant la proposition de paix de Trump”

C’était une frappe aussi surprenante que brutale. Ce mardi, l’armée israélienne a bombardé plusieurs bâtiments à Doha, la capitale du Qatar. Les cibles de l’opération, baptisée “Summit of Fire”, étaient des hauts responsables du Hamas, parmi lesquels le chef politique Khalil al-Hayya. L’attaque israélienne aurait fait cinq morts, selon un responsable du Hamas cité par la chaîne qatarie Al Jazeera. Outre le fils du dirigeant visé, Khalil al-Hayya, un proche collaborateur de ce dernier a également été tué. Le mouvement a par ailleurs perdu le contact avec trois gardes du corps du chef politique. Les dirigeants de premier plan du Hamas auraient cependant survécu à la frappe.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a présenté cette frappe comme une réponse à la fusillade de ce lundi à Jérusalem. Deux tireurs ont tué au moins six personnes en début de semaine à un arrêt de bus, tandis que douze autres ont été blessées durant l’attaque, revendiquée par le Hamas.

Netanyahu aurait ensuite donné l’ordre à tous les services de sécurité de se préparer à l’opération de Doha. Après avoir identifié mardi après-midi une “opportunité opérationnelle”, il aurait donné l’ordre de frapper, selon une déclaration conjointe de Netanyahu et du ministre de la Défense, Israël Katz.

Koert Debeuf, spécialiste du Moyen-Orient à la VUB, voit dans l’action d’Israël une “folie”, et même une “attaque contre la possibilité d’une paix”, alors que le Qatar joue un rôle crucial comme médiateur dans les négociations devant aboutir à un cessez-le-feu et à la libération des derniers otages en vie. “Avec l’attaque de Doha, Israël a également réduit en miettes, d’un seul coup, la proposition du président Trump”, ajoute-t-il.

Il n’est pas clair si l’autorisation américaine a été donnée et quand Donald Trump en a été informé exactement. Peut-être que Netanyahu a envoyé un message disant: “Nous lançons l’attaque dans deux minutes”, qui sait ?

Koert Debeuf
Debeuf doute que les États-Unis aient réellement donné leur accord pour l’opération, bien qu’un responsable de la Maison-Blanche ait confié à la BBC que Washington avait été informé. “Mais cela n’a évidemment rien à voir avec le fait de donner son accord”, nuance l’universitaire. “On ne sait absolument pas si une autorisation a été donnée, ni à quel moment Donald Trump a été mis au courant. Peut-être que Netanyahu a simplement envoyé un message: ‘Dans deux minutes, nous lançons l’attaque’, qui sait? Honnêtement, j’ai du mal à imaginer que les États-Unis puissent approuver une action qui sabote leur propre proposition de paix.”

Le président Trump n’a pas réagi immédiatement alors que l’attaque était sur tous les écrans et que des journalistes se pressaient déjà devant la Maison-Blanche. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a lu un communiqué qui déplore l’attaque, sans toutefois la condamner: le président américain “est très ennuyé par le lieu de cette attaque. [...] Bombarder le Qatar de façon unilatérale, nation souveraine et un allié proche des États-Unis (…) n’avance ni les objectifs d’Israël ni ceux des États-Unis.”

Le Qatar abrite par ailleurs la plus grande base militaire américaine dans la région.

Les accords d’Abraham dans la balance
L’attaque a immédiatement été condamnée par l’ONU comme par de nombreux pays, en particulier dans le monde arabe. “L’Arabie saoudite parle de ‘violations criminelles à répétition’, et hier, l’un des Émirats a averti que si Israël poursuit dans cette voie, les accords d’Abraham [une série d’accords conclus en 2020 entre Israël et plusieurs États arabes afin de normaliser leurs relations diplomatiques, sous l’égide de Donald Trump, NDLR] seraient mis au frigo”, énumère Debeuf. “C’est aussi pour cette raison que cette attaque constitue un bras d’honneur à tous ceux qui se sont investis pour la stabilité de la région.”

“L’attaque n’a pas réussi à éliminer les hauts dirigeants du Hamas, mais elle a en tout cas détruit l’un des rares canaux permettant d’arrêter le conflit”, note pour sa part l’éditorialiste du Washington Post David Ignatius, qui estime qu’il s’agit là d’une “rare erreur tactique israélienne”.

La piste diplomatique semble bel et bien abandonnée, tandis que les États arabes partisans d’une normalisation des relations avec Israël savent à quoi s’en tenir. De même, le fait d’être un allié proche des États-Unis n’est visiblement plus une garantie contre les agressions armées.

La mort de la diplomatie
Selon Debeuf, l’opération ne provoquera cependant pas d’escalade militaire. Le Qatar, allié de l’OTAN, se contentera de condamner cette attaque contre sa souveraineté. “Il n’en reste pas moins qu’avec ce genre d’actions, Israël s’isole toujours davantage”, confirme Debeuf. “C’est comme si la Turquie bombardait quelques bâtiments à Gand sous prétexte que des Kurdes s’y trouvent.”

L’attaque montre en outre, selon l’analyste, que la libération des otages “n’est en réalité pas un objectif pour Israël.” Si c’était le cas, ils auraient été libérés depuis longtemps, assure-t-il.

L’expert de la VUB conclut par une vision sombre de l’avenir: les protestations en Israël ont beau se faire plus fortes, la population continue de soutenir la politique actuelle, et ce type d’actions montre que les négociations ne semblent tout simplement pas intéresser Israël.

Source: https://www.7sur7.be/