Que sont-ils devenus… Issouf Traoré dit Pelé : L'Aigle égaré dans l'écurie des Etalons du Burkina Faso
Issouf Traoré dit Pelé est un ex-international malien qui n'a pas évolué avec les Aigles du Mali, mais plutôt les Etalons du Burkina Faso, avec lesquels il joua deux Can (1996, 1998).

Comment cela est arrivé ? Quels furent ses débuts ? Sa carrière ? Pourquoi il a pris sa retraite de façon prématurée ? A-t-il éprouvé un regret d'avoir joué avec le Burkina Faso ? Dans le cadre de la rubrique "Que sont-ils devenus ?", nous avons arraché Pelé de son silence de carpe pour l'interroger sur son parcours.
Son histoire avec le Burkina Faso
Issouf Traoré dit Pelé est né en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) où ses parents étaient installés. C'est à la suite de la première guerre entre le Mali et ce pays en 1974 que toute la famille est retournée à Bamako, la mort dans l'âme parce que les Maliens y étaient persécutés.
Le père de Pelé, choqué par les mauvais traitements, jura de ne plus se rendre à la frontière, à plus forte raison faire un tour en Haute-Volta. Mais l'avenir en décidera autrement. Comment ? Un Voltaïque, qui n'a pas pu résister au charme de sa première fille, débarque à Bamako pour le mariage couronné par une vie dans le pays des Hommes intègres. L'histoire de Pelé avec les Voltaïques date de cette époque. Un détail que nous donnerons plus bas.
C'est dans le quartier populaire de Bolibana, au Hafia FC qu'il a été repéré par le duo Faye-Zappa. Il rejoint le centre de formation du Djoliba. C'est là que nous l'avons connu au début des années 1980, avec les Bourama Macalou, Yacouba Sy, Issouf Sylla, Ousmane Diarra dit Sacré, Aly Touré, Alassane Diallo dit Tom Foot, Djibril Fomba dit Peter Ruffaï (le frère de feu Drissa Fomba et de Moussa Fomba dit Zafou), Fousseyni Sissoko (l'aîné de votre serviteur).
A l'époque, nous étions des inconditionnels des terrains d'entrainement des grands clubs de Bamako (Stade malien à l'actuelle ACI, l'AS Réal à côté des rails de N'Tomikorobougou, le COB au bord du fleuve où est érigé le siège de la Bcéao, et le Djoliba au stade Mamadou Konaté).
Libéro idéal
Pour parler de Pelé dans le temps et dans l'espace, nous le qualifions sans complaisance de libéro moderne. La nature lui a conféré un immense talent soutenu par une technicité extraordinaire et un sang-froid inégalé.
Très calme dans sa démarche, il avait le secret de faire dormir le ballon sur sa poitrine, pour ensuite procéder à des passes longues, millimétrées et magistrales. Par orgueil il s'est reconverti comme milieu dépositaire, et par la suite il est un avant centre aux potentialités énormes.
Tous ceux qui l'ont connu en son temps dans son adolescence, notamment les Djibril Traoré, Amadou Samaké du Réal, Ousmane Doumbia dit Man du Réal, Moussa Kéita dit Dougoutigui se souviendront d'un jeunot qui avait de l'avenir. Des qualités de joueur complet qui ont convaincu l'entraîneur Kidian Diallo pour le convoquer en équipe nationale junior, en prélude au tournoi de la Cédéao en 1986.
Après quelques semaines d'internat la compétition fut finalement annulée. Paradoxalement, malgré le talent et l'avenir prometteur du jeune Issouf Traoré, ses parents étaient réfractaires à sa pratique du football. Ils estimaient que ce sport ne rapporte pas. Et dans ces conditions comment assurer sa survie et penser à l'avenir ? Ils décidèrent alors de l'envoyer au Burkina Faso chez sa sœur aînée, dont le mari devrait lui apprendrait la mécanique spécifique basée sur la réparation de la pompe à injection des véhicules remorques.
Une fois à Ouagadougou, Secteur 17, Pelé, en dehors des heures d'apprentissage, s'entretenait avec l'équipe du quartier. C'est à l'issue de la finale de la Coupe de la municipalité que son destin bascule dans l'histoire du football burkinabé. Il signe à l'Etoile Filante (1987-1995) et réalise un parcours honorable avec ce club : quatre coupes nationales, deux doublés, deux super coupes.
Une moisson qui ne l'empêche pas de songer à retourner au Mali parce que le management du club ne l'enchantait guère. Un ancien arbitre algérien en séjour au Burkina Faso s'invite dans le débat. Autrement dit il saisit cette incompréhension entre Pelé et son club comme une balle au rebond. Il lui propose Usmab d'Aïnebeda. Faudrait-il rappeler qu'avant qu'il ne signe pour deux ans, Pelé avait été repéré par les Maliens. Que s'est-il passé ?
"Pendant que je jouais à l'Etoile Filante, le Stade malien de Bamako a effectué un match amical au Burkina Faso. Ousmane Doumbia dit Man me conseille de ne jamais accepter de jouer avec l'équipe nationale de mon pays d'accueil. Il m'a promis de porter l'information à la Fédération malienne de football. Après les Aigles sont venus, et l'entraîneur Kidian Diallo, surpris de ma présence dans un club burkinabé, était très content. Il prend mes nouvelles et me dit qu'il me fera appel en équipe nationale. Malheureusement, aucune suite ne m'a été donnée aux promesses. En bon patriote j'espérai toujours, finalement à la sortie d'une audience avec le ministre des Sports du Burkina Faso j'ai pris la décision d'évoluer avec les Etalons, qualifiés déjà pour la Can de 1996 organisée par les Sud-Africains".
Effectivement Issouf Traoré à partir du club algérien participe à la Can, sanctionnée par un parcours catastrophique des Etalons : trois matches, trois défaites. Mais Pelé s'est illustré et décrochera un contrat de deux ans avec le club Baquoi Star d'Afrique du Sud. Dommage !!! Il est victime d'une double fracture lors des éliminatoires de la Coupe du monde de France 1998.
Donné pour mort
Laissé pour compte par l'encadrement technique et le département des Sports, Pelé va poursuivre son traitement en Afrique du Sud. Au bout de quatre mois d'indisponibilité, il a débarqué à Bamako pour se rabattre sur la médecine traditionnelle. Une option qui lui ouvrira les portes de l'équipe nationale dirigée par Philipe Troussier. Surtout que le Burkina Faso devait organiser en 1998 la Can. Seulement que sa satisfaction morale sera de courte durée. Parce que le pied fracturé n'était pas rétabli.
Il quitte le groupe lors d'un stage bloqué en Belgique. Malgré tout, le technicien français s'adapte au rythme de convalescence de Pelé. En un mot, il tient à lui et compte sur ses potentialités pour la Can à domicile. Contre vents et marées, il le retient pour la compétition.
En réalité son enfant chouchou n'était pas physiquement prêt pour conduire l'attaque des Etalons. Le constat amer est que Pelé n'a joué que le match d'ouverture. Face à cette désolation, l'enfant de Bolibana mit un terme à sa carrière. Il avait même de la peine à porter une chaussure fermée. En 2001, il se rend au chevet de son père malade. Coup de théâtre : une mauvaise nouvelle circule sur sa personne au Burkina Faso. De quoi s'agit-il ? "Je suis venu au Mali parce que mon papa était malade, finalement il a rendu l'âme. Cette nouvelle a été mal interprétée au Burkina Faso. C'est-à-dire qu'il a été distillé partout que je suis décédé et cela a provoqué un sentiment d'émotion dans le pays. Car il faut reconnaitre que j'avais une notoriété incontestable.
Pour la circonstance, une minute de silence a été observée dans tous les stades pour me rendre hommage. Ma grande sœur, choquée par ces rumeurs très graves m'invite au Burkina Faso. Et pour couper court à ces fausses nouvelles, j'ai assisté à un match de championnat. Quand le président de la Fédération burkinabé de football m'a vu, il était au bord des larmes. C'était le réconfort et la joie. Alors il me demande de faire un tour d'honneur du stade du 4-Août. Les supporters m'ont applaudi et cela a créé également une vive émotion. Ainsi va la vie".
De 2004 à 2010, Issouf Traoré opère dans l'encadrement technique de l'AS Firhoun de la Commune III, avant de retourner au Burkina Faso auprès de sa famille. Au décès de son épouse, Pelé se résout finalement à rentrer définitivement au Mali, pour refaire sa vie.
Marié et père de deux enfants, il aime le football et déteste l'hypocrisie. Son histoire est chargée de faits pathétiques et émouvants, à tel point que nous avions de la peine à aborder ses souvenirs.
En homme résigné, il retient comme bons souvenirs : le premier doublé avec l'Etoile Filante en 1988, son premier match en éliminatoires de la Ligue des champions en 1989 avec comme arbitre central Modibo Ndiaye et son but contre la Zambie à la Can de 1996 en Afrique du Sud.
Quant aux mauvais souvenirs, ils sont également au nombre de trois : sa blessure et le traitement irresponsable dont il a été victime, la fausse nouvelle sur sa mort, le refus des autorités de rembourser ses billets préfinancés pour les matches des Etalons.
O. Roger Sissoko
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