La ministre marocaine du tourisme Fatim-Zahra Ammor en exclusivité dans le matin : "La Coupe du monde 2030 est une opportunité historique et une vitrine planétaire pour le Maroc"

"Avec 13,5 millions d'arrivées à fin août et une programmation aérienne renforcée, 2025 s'annonce comme une année exceptionnelle"

4 Octobre 2025 - 14:59
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La ministre marocaine du tourisme Fatim-Zahra Ammor en exclusivité dans le matin : "La Coupe du monde 2030 est une opportunité historique et une vitrine planétaire pour le Maroc"
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La ministre marocaine du tourisme Fatim-Zahra  Ammor en exclusivité dans le matin :  "La Coupe du monde 2030 est une opportunité historique et une vitrine planétaire pour le Maroc"

"Le prochain jalon est fixé à 26 millions de touristes à l'horizon 2030 afin de bâtir une industrie touristique marocaine performante et pérenne"

"Les performances du secteur du tourisme démontrent qu'avec une vision claire, des choix d'investissement stratégiques et une mobilisation conjointe du public et du privé, les résultats sont au rendez-vous", affirme Fatim-Zahra Ammor, soulignant qu'"avec 13,5 millions d'arrivées à fin août et une programmation aérienne renforcée, 2025 s'annonce comme une année exceptionnelle". S'exprimant dans un entretien accordé au "Matin", la ministre du Tourisme, de l'artisanat et de l'économie sociale et solidaire ajoute que l'objectif cardinal est d'installer durablement la réputation du Maroc comme destination d'excellence. "Cet effort transformera structurellement notre industrie touristique bien au-delà de 2030". Pour ce faire, nombre de chantiers sont en cours touchant aussi bien le renforcement de la capacité d'accueil que la desserte aérienne, en passant par la formation et la compétitivité.

Le Matin : Le Maroc aura accueilli 13,5 millions de touristes à fin août 2025, en hausse de 15% par rapport à la même période en 2024. Quel commentaire ces chiffres vous inspirent-ils ?
Fatim-Zahra Ammor : Ces résultats traduisent d'abord la résilience du Maroc, qui, sous le leadership de Sa Majesté le Roi, s'est distingué comme best-in-class dans la gestion de crises sans précédent. Je rappelle qu'après la crise de Covid, le gouvernement a mobilisé près de 8 milliards de dirhams pour le plan d'urgence afin de relancer le secteur et la feuille de route 2023-2026. 

Les performances du tourisme démontrent qu'avec une vision claire, des choix d'investissement stratégiques et une mobilisation conjointe du public et du privé, les résultats sont au rendez-vous.

Compte tenu de cette tendance haussière, quelles sont vos ambitions concernant le nombre annuel de touristes qui visitent le Maroc ?
Notre priorité est d'abord de consolider cette croissance. En 2024, nous avons atteint 17,4 millions de touristes en 2024, soit deux ans avant l'objectif fixé par la feuille de route 2023-2026. Aussi, avec 13,5 millions d'arrivées à fin août et une programmation aérienne renforcée, 2025 s'annonce comme une année exceptionnelle. Le prochain jalon est fixé à 26 millions de touristes à l'horizon 2030, avec un focus sur l'aérien, l'excellence opérationnelle et l'équité territoriale, afin de bâtir une industrie touristique marocaine performante et pérenne.

Ces chiffres, somme toute positifs, n'en demeurent pas moins sujets à caution pour certains qui n'hésitent pas à les remettre en question. Des observateurs critiquent la prise en compte des MRE et même de personnes qui ne passent pas leur nuit dans des établissements d'hébergement. Qu'en pensez-vous ? Qui est comptabilisé comme touriste du point de vue du ministère ?

Ce n'est pas une spécificité du Maroc. L'Organisation des Nations unies pour le tourisme, organe de référence mondiale, inclut la diaspora dans ses statistiques. Depuis 20 ans, les MRE représentent entre 46% et 51% de nos arrivées. Leur présence est un véritable moteur touristique, car ils consomment, voyagent et découvrent la richesse inouïe du Maroc. 

Notre dernière étude confirme d'ailleurs qu'ils sont de plus en plus enclins à participer à des expériences culturelles, d'animation et de loisirs, contribuant ainsi directement à l'économie nationale.

Le Maroc s'apprête à des rendez-vous grandioses, notamment le Mondial 2030. Comment se prépare le secteur à cette échéance déterminante en termes notamment de capacité d'accueil et de formation des compétences ?

La Coupe du monde 2030 est une opportunité historique et une vitrine planétaire pour le Maroc. Mais notre ambition va au-delà de l'événement. Il s'agit de bâtir un héritage durable. Cela passe par le renforcement des capacités d'hébergement, de la connectivité aérienne et du produit touristique, mais aussi par la formation des talents. L'objectif est clair : installer durablement la réputation du Maroc comme destination d'excellence. Cet effort transformera structurellement notre industrie touristique bien au-delà de 2030.
Outre les capacités d'hébergement et le niveau d'accueil, quels sont les autres facteurs à considérer pour développer le tourisme au Maroc ?
Au-delà de l'hébergement et de la qualité des services, la connectivité aérienne est un pilier, et l'offre d'animation joue un rôle direct sur la durée de séjour et sur les recettes. Nous avons également veillé à l'équité territoriale, car le développement ne peut pas se limiter à quelques destinations. C'est pourquoi des contrats d'application ont été signés avec les régions afin que chacune puisse développer des projets en affinité avec ses potentialités.
Autre point qui fait débat : la dépense moyenne par jour d'un touriste visitant le Maroc qui selon des études reste inférieure par rapport à des pays concurrents ? Comment expliquez-vous cela ? Est-ce que ce point fait l'objet d'un quelconque examen par le ministère en vue d'y remédier ?
La dépense touristique dépend en grande partie de la durée de séjour, qui elle-même dépend du type de tourisme qu'un pays propose. Par exemple la dépense moyenne en France est inférieure à celle de l'Espagne, parce que cette dernière est une destination principalement balnéaire avec évidemment des durées de séjour plus longues. Au Maroc, des progrès sont déjà visibles grâce à la diversification de l'offre et aux efforts en matière d'animation : entre 2019 et 2024, la dépense moyenne par séjour a progressé de 32% pour atteindre 7.300 dirhams. Nous ciblons de plus en plus les marchés à plus forte valeur ajoutée.
 Les touristes américains par exemple restent plus longtemps et dépensent en moyenne au Maroc 9.500 dirhams. Idem pour les touristes des pays du Golfe, qui affichent la plus haute dépense avec 12.600 dirhams par séjour.
N'avez-vous pas l'impression que la destination Maroc est bradée quelque part ou au contraire vous prenez cela pour un facteur de compétitivité ?
Au contraire, j'estime que le Maroc est une destination compétitive et accessible, et ce sont des atouts que nous voulons préserver et renforcer. Mais c'est aussi une destination très diversifiée, qui propose une offre premium capable d'attirer des clientèles à plus forte contribution. C'est précisément ce double positionnement qui constitue notre avantage concurrentiel.
Vous venez de lancer l'expérience des clients mystères pour contrôler la qualité des hôtels au Maroc. Quels sont les premiers retours de cette expérience ? Comment le secteur a réagi à cette démarche ?
Les visites mystères sont une initiative importante pour améliorer la qualité de nos hôtels. Leur lancement a demandé un vrai travail réglementaire, avec la loi 80-14 qui a posé le cadre. Aujourd'hui, nous sommes encore dans la phase de sélection des experts. C'est un processus en cours, et nous partagerons les avancées à chaque étape.
Ce programme, budgété à plus de 147 millions de DH, n'a pas manqué de faire des remous. Sur quelle base ce montant, jugé déraisonnable, a-t-il été calculé et comment ces "envoyés spéciaux" sont-ils choisis ?
Il faut lire les chiffres avec prudence. L'enveloppe de 147 millions de DH, répartie sur quatre ans, couvre non seulement le classement des nouveaux établissements d'hébergement touristique, mais aussi celui de l'ensemble des établissements existants : hôtels, hôtels-clubs, résidences de tourisme, maisons d'hôtes, riads et casbahs, dans les catégories Luxe, 5, 4 et 3. Elle inclut le transport du client mystère, parfois par voie aérienne, son séjour, les frais des prestations testées ainsi que la production de rapports détaillés. 
La sélection des prestataires se fait à travers des appels d'offres nationaux et internationaux, sur la base de critères stricts de compétence, d'expérience et de capacité financière, garantissant transparence et égalité des chances.
Concrètement, que risquent les établissements qui auront été jugés non conformes aux normes par les visites mystères ?
L'objectif des visites mystères n'est pas de sanctionner, mais de stimuler une amélioration continue. À l'issue de chaque visite mystère, un rapport est établi, reprenant les recommandations à mettre en place par l'EHT dans un délai défini. Si l'établissement s'améliore dans les temps, il conserve son classement. S'il ne respecte pas ce délai, il peut être déclassé. Mais le nouveau système est dynamique. Les EHT peuvent retrouver leur classement s'ils corrigent les écarts et offrent la qualité attendue par leurs clients.
En parlant d'arrêtés, où en est celui qui intègre les meublés et l'hébergement non classé (Airbnb, maisons d'hôtes, riads...) au parc officiel ?
Nous avons déjà élargi le champ du classement aux riads, casbahs et maisons d'hôtes, désormais intégrés au parc officiel conformément à la loi 80-14. De nouveaux arrêtés viendront compléter ce dispositif pour inclure les bivouacs, l'hébergement chez l'habitant et d'autres formes alternatives. L'objectif est clair : garantir qualité et sécurité, intégrer progressivement l'informel et enrichir l'expérience touristique par une offre diversifiée et moderne.
Combien de professionnels formés par an sur 2024-2026, et quel est l'écart avec les besoins 2030 ?
Plusieurs initiatives sont en cours pour renforcer les compétences du secteur. Le Programme de formation continue d'excellence, mené en partenariat avec l'OFPPT et la CNT, accompagnera 8.000 professionnels d'ici 2026 grâce à des parcours hybrides adaptés aux besoins du marché. Dans ce format, la plateforme d'e-learning Maharati assurera le volet digital et contribuera à la formation continue des acteurs du secteur. N'oublions pas également le programme Kafaa qui valorise l'expérience opérationnelle des professionnels sans parcours académique formel, à travers un dispositif de certification. En 2024, 1.100 personnes ont déjà été certifiées, et l'objectif est d'atteindre 5.000 certifiés lors de la deuxième édition, qui couvre les 12 régions du Royaume.
Sur les 120 milliards de DH du programme de reconstruction, quelle est l'enveloppe consacrée au tourisme et quel accompagnement pour les établissements détruits un an après ?
L'enveloppe dédiée au tourisme s'élève à 171 millions de dirhams, déterminée après expertise technique et visites de terrain. Parmi les 245 établissements concernés, 231 ont déjà perçu la première tranche, 128 la seconde, et 199 établissements ont finalisé leurs travaux. Un suivi rapproché est assuré par nos délégations régionales afin d'accélérer la réhabilitation et garantir une reprise rapide et durable de l'activité. Je voudrais également partager l'avancement des secteurs de l'artisanat et de l'économie sociale et solidaire. L'artisanat dispose d'un budget de 192 millions de DH pour 1.673 ateliers privés et fondouks. Quant au secteur de l'ESS, il a bénéficié de 26 millions de DH pour 187 coopératives éligibles.
Le tourisme intérieur, malgré quelques efforts louables, peine à démarrer. Pensez-vous que l'offre actuelle est suffisante ? Est-elle adaptée aux attentes des Marocains ?
Le tourisme interne se développe d'année en année. En 2024, les nuitées des Marocains ont atteint 8,5 millions, soit 30% des nuitées totales, et la dynamique se poursuit en 2025 avec +6% sur les sept premiers mois. Nous avons même enregistré +8% d'arrivées dans les EHTC à fin juillet. Mais nous savons qu'il faut aller plus loin, et c'est la raison pour laquelle nous travaillons sur des solutions structurelles : développer des produits mieux adaptés aux familles et diversifier l'hébergement, du séjour chez l'habitant aux bivouacs, afin d'élargir l'offre et proposer plus d'options accessibles.
En tant que ministre du Tourisme, quels atouts mettriez-vous en avant pour convaincre un touriste à venir, si vous étiez agent de voyage ?
Je dirais que le Maroc offre en un seul voyage une multitude d'expériences : la mer, le désert, la montagne et le soleil. C'est aussi une gastronomie reconnue parmi les meilleures au monde, un artisanat raffiné, des villes impériales et une culture millénaire d'une richesse exceptionnelle. Mais au-delà des paysages et des saveurs, ce qui fait vraiment la différence, ce sont les Marocains et leur hospitalité légendaire, qui ne se décrit pas mais se vit.
           

Réalisé par Mounia Senhaji 

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