Les aides humanitaires en tant de crise au Mali : Mobilisation tout azimut pour donner le sourire aux familles éprouvées

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Depuis les évènements du 22 mars, les partenaires techniques et financiers ont suspendu leur appui budgétaire au Mali. Une situation qui inquiète beaucoup de Maliens quant à la capacité du Gouvernement de transition de pouvoir faire face à la situation. En tenant compte de la crise politique, sécuritaire, alimentaire et nutritionnelle, des  besoins humanitaires croissants, des contraintes d’accès au nord et la nécessité de renforcer les capacités des acteurs à répondre aux besoins prioritaires, la communauté internationale est venue en renfort à la chaine de solidarité nationale qui s’est manifestée depuis pour aider les nombreuses familles tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Mali. Décryptage de la situation.

Le Mali est confronté à une crise humanitaire à grande échelle. Cette situation est la résultante des effets conjugués d’une crise alimentaire qui sévit dans la bande sahélienne et d’une crise institutionnelle et sécuritaire consécutive au coup d’état du 22 mars 2012 et à l’occupation du nord du pays par des mouvements rebelles. Au Mali, la campagne agricole 2011-2012 a été caractérisée par une pluviométrie insuffisante et mal repartie dans le temps et dans l’espace. Le coup d’état perpétré par une junte militaire a eu comme conséquences immédiates la perturbation du fonctionnement des institutions de la République, le ralentissement de l’activité économique et la suspension de la coopération de la plupart des partenaires techniques et financiers du Mali. Cette situation s’est aggravée depuis le 1er avril 2012 avec l’occupation des trois régions du nord du Mali (Tombouctou, Gao, Kidal) par des groupes armés se réclamant du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA), du Front National de Libération de l’Azawad (FNLA), d’Ançar Dine (Salafistes prônant l’application de la charia) et d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique). Le 06 avril 2012, le MNLA a proclamé l’indépendance de cette partie du territoire malien. Cette déclaration unilatérale d’indépendance n’a été reconnue par aucun pays, ni aucune organisation internationale.

Ainsi, la situation dans les zones qui sont sous occupation de groupes armés se caractérise par : l’absence des forces armées et de sécurité et de l’administration publique, le retrait des organisations non-gouvernementales (ONG) internationales et le départ massif des fonctionnaires de l’Etat, le pillage des banques, des magasins de céréales et des stocks de sécurité de l’Etat et du Programme alimentaire mondiale (PAM), le saccage des édifices publics, la fermeture des centres de santé et des dépôts pharmaceutiques, la fermeture des établissements scolaires, la rupture dans la fourniture d’eau potable, la perturbation dans l’approvisionnement des marchés, l’arrêt des activités économiques, etc.

Sur le plan politique, le grand défi reste le retour d’une transition paisible et constitutionnelle du gouvernement et une solution à la question du nord qui demeure une priorité. Sur le plan humanitaire, ces développements n’ont fait qu’accroître la vulnérabilité et augmenter les souffrances des populations rurales déjà gravement touchées par une crise alimentaire et nutritionnelle.

Le conflit qui affecte 2,24 millions de personnes directement, a causé un déplacement de centaines de milliers de personnes à l’intérieur du pays et vers les pays voisins. Une forte diminution de la provision et de l’accès minimal aux services sociaux de base est enregistrée surtout au nord où l’administration est quasiment absente. L’accès à l’assistance humanitaire pour les populations du nord reste encore extrêmement limité en raison de l’insécurité liée au contrôle du territoire par des groupes armés.

Bien avant cette nouvelle conjoncture politique et sécuritaire, le Mali, à l’instar de plusieurs autres pays du Sahel, était déjà confronté à une grave crise alimentaire et nutritionnelle. En effet, la campagne agricole 2011/2012 a été caractérisée par une insuffisance et une inégale répartition des pluies, occasionnant une forte baisse de la production céréalière et un déficit fourrager important. Une hausse précoce des prix des produits alimentaires s’en est suivie. Par conséquent, selon le gouvernement malien, 3,47 millions de personnes sont  à risque ou en insécurité alimentaire sévère et 1,13 million de personnes sont en insécurité modérée, majoritairement les femmes et les enfants. La situation nutritionnelle s’est également détériorée avec des taux de malnutrition aiguë globale qui ont atteint un niveau critique dans les régions de Tombouctou, Gao, Kayes et Koulikoro.

En outre, le Mali connaît d’autres crises humanitaires récurrentes, comme des inondations pendant la saison des pluies, ainsi que des épidémies de choléra et d’autres maladies vectorielles. La multiplicité et l’interdépendance de ces crises ont un effet multiplicateur sur les vulnérabilités des personnes et des communautés dont le résultat est difficile à discerner.

Type de déplacements et les chiffres

Selon un rapport du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), plus de 118 795 personnes étaient déplacées dont environ 35 500 dans le Nord. En outre, 274 636 personnes ont fui vers les pays voisins, principalement en Algérie, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. Plus des trois quarts des personnes réfugiées seraient des femmes et des enfants. Malgré d’importantes difficultés pour déterminer le lieu exact des déplacements, on sait que près de 40 000  personnes déplacées se sont installées à Mopti et plus de 12 000 autres à Bamako. Selon le HCR, 90% des personnes déplacées dans le sud sont hébergées par des familles d’accueil dans les zones urbaines, 8% ont pu obtenir leur propre logement et 2% se sont installées sur le domaine public. A Bamako, 69 % des déplacés enregistrés vivaient dans des familles d’accueil et 10% vivaient dans les sites d’accueil. Les 21% restants devaient encore être examinés. 52% des personnes déplacées à Bamako étaient des femmes. Parce qu’elles partagent le peu dont elles disposent, les familles d’accueil ont du mal à faire face à la présence et aux besoins des déplacés internes. Dans le sud, la moitié des familles déplacées déclarent être séparées d’autres membres de leur famille. Pour contrôler les mouvements de ces déplacés, une commission a été mise en place pour centraliser et coordonner. La commission est dirigée par l’OIM et regroupe le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le Programme alimentaire mondial (PAM), OCHA, Catholic relief service (CRS), Handicap international (HI), l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (ACTED), la Direction générale de la protection qui fait partie du ministère de la Sécurité intérieure et de la protection civile et le ministère de l’Action humanitaire, de la solidarité et des personnes âgées.

Chaine se solidarité nationale en branle

En tenant compte de la crise politique, sécuritaire, alimentaire et nutritionnelle, des  besoins humanitaires croissants, des contraintes d’accès au nord et la nécessité de renforcer les capacités des acteurs à répondre aux besoins prioritaires, la communauté humanitaire au Mali se fixe d’ici la fin 2012 quatre objectifs stratégiques:

– Réduire la mortalité, la morbidité et la vulnérabilité des personnes et communautés affectées par la crise alimentaire et nutritionnelle.

– Améliorer les conditions de vie et la protection des personnes et communautés affectées par le conflit.

– Contribuer à renforcer et à préserver les moyens de subsistance et la résilience des personnes et communautés affectées par des crises humanitaires.

– Renforcer et élargir l’espace humanitaire, fournir une assistance impartiale et adéquate en améliorant la préparation des interventions humanitaires et leur coordination.

Pour atteindre ces objectifs, le ministère de l’Action humanitaire, de la solidarité et des personnes âgées (MAHSAP) a été mis en place par le gouvernement intérimaire. Il est chargé de la mise en place et de la coordination des actions pour les personnes affectées par le conflit et la crise alimentaire. De ce fait, il a établi un plan pour la transition politique en mettant l’accent sur l’action humanitaire,  la solidarité, la lutte contre la pauvreté et la protection sociale.

Pour répondre aux besoins immédiats des personnes touchées par la crise alimentaire et le conflit, le Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA) a mis en place un plan d’action d’urgence et assuré la distribution de vivres en juillet dans les régions de Kayes, Ségou, Mopti et Tombouctou selon OCHA. Le gouvernement  a donné 807, 5 millions de FCFA pour aider les déplacés internes et les réfugiés. Quelques 2 500 tonnes de nourriture et de médicaments ont été distribués aux déplacés internes dans le sud et au nord.

Le ministère de la Santé a élaboré un plan d’action 2012-2013 contre le choléra dans les régions de Tombouctou, Gao, Mopti, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Bamako.

Aux côtés des efforts consentis par le gouvernement, les acteurs de la société civile ont fait don de vivres, des médicaments et de vêtements et envoyé des convois vers le nord du Mali. Les ONG clés  sont : le CRI de Cœur,  le Collectif des ressortissants du nord (COREN), le Haut conseil islamique (HCI) et les membres de la diaspora malienne à travers le MAHSAP. A titre d’illustration, les membres du groupe représentant la diaspora malienne, le Haut conseil des Maliens de l’extérieur, a donné 12 millions de FCFA de nourriture, de vêtements et d’espèces aux déplacés internes.

La mobilisation internationale

En réponse à la crise sécuritaire et nutritionnelle dans le nord, OCHA a établi un bureau à Bamako en 2012. En avril 2012, le système de groupes sectoriels (clusters) a été activé concernant les secteurs de développement.

Les partenaires humanitaires ont soumis 100 projets pour une valeur totale de $214 millions ciblant 5,06 millions de personnes affectées par la crise alimentaire et nutritionnelle ainsi que 2,2 millions de personnes directement affectées par le conflit pour 2012. De ce montant, $76.3 millions ont déjà été reçus, laissant une différence de $138 millions qui restent encore à mobiliser.

L’UNICEF à travers des partenaires, y compris le HCI et Handicap international,  a fait en sorte que l’aide parvienne aux personnes déplacées bénéficiaires à Tombouctou, Kidal et Gao. Cette aide comprenait la livraison de nourriture, des services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) et des fournitures de première nécessité. Le secours international (IRC) a aussi distribué des biens de première nécessité et des fournitures sanitaires aux personnes déplacées à Tinabao et Anderamboukane.  En fin août, l’ONG Médecins du monde (MDM) a lancé une campagne de vaccination et de nutrition ciblant 12 000 enfants de moins de 5 ans à Kidal, l’une des régions  du nord les plus reculées et difficiles d’accès. L’aide est également distribuée dans certaines régions du sud du Mali qui accueillent de nombreuses personnes déplacées. Le CCRS a distribué des articles alimentaires et non alimentaires à plus de 16 000 personnes déplacées et quelques familles d’accueil à Mopti le 27 juin 2012.  A partir du 11 juillet, 119 écoles du sud avaient reçu du matériel pédagogique de l’UNICEF et Save the Children.

L’appel d’urgence (Processus d’appel consolidé(CAP) pour le Mali a été lancé le 15 juin 2012 et requiert 213,8 millions de dollars pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2012. Le 17 septembre, le service de suivi financier (FTS) a indiqué que 102,8 millions de dollars avaient été financés, soit 48% de la somme. Les clusters de la sécurité alimentaire et de la nutrition ont été respectivement financés à hauteur de 62 et 58%. Malgré des inquiétudes sérieuses pour la protection des PDIs, le cluster protection n’a reçu que 37%  des 17,7 millions de dollars requis le 17 septembre 2012. La population déplacée et les familles d’accueil ont encore des besoins fondamentaux que les niveaux actuels de financement ne permettent pas de satisfaire. La plupart des donateurs ont suspendu le financement de projets de développement en attendant le retour de la stabilité politique, ce qui a eu pour effet d’amputer les revenus de l’État d’au moins 20% le  8 août 2012.

En mars, le Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) a alloué 1 million de dollars à la coordination et au soutien de l’aide humanitaire et 6 millions de dollars en soutien au PAM, à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (PAO) et à l’UNICEF pour les actions liées à la sécheresse, à la sécurité alimentaire et la malnutrition. Fin juillet, le CERF a également consacré près de 7 millions de dollars aux partenaires humanitaires pour l’assistance aux personnes touchées par le conflit le 24 juillet 2012. La Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR) a lancé un appel de 2,6 millions de dollars pour des interventions liées à la sécurité alimentaire et la nutrition.

En plus de ces aides, près de 105 millions d’euros ont été débloqués par l’UE et ses Etats membres pour faire face à l’urgence de la crise alimentaire et humanitaire au Mali à travers différents programmes.  Les interventions concernent notamment la distribution de vivres, la prévention et le traitement de la malnutrition ainsi que des actions à moyen terme renforçant la résilience des populations. La réponse de l’UE (DEVCO et ECHO) à la crise alimentaire et humanitaire s’élève à 59 millions d’euros.  Ce montant dépasse 105 millions d’euros si l’on ajoute la contribution des Etats membres de l’UE. L’aide est distribuée aux populations vulnérables les plus affectées à travers des ONG, du Mouvement international de la Croix-Rouge, et des agences des Nations Unies.

Bandiougou DIABATE

 

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4 COMMENTAIRES

  1. Venez voir dans les magasins des commerçants à sevaré et à mopti vous verez comment cette aide hummanitaire est gérée.

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