Bérets rouges-bérets verts : L’Exécutif nage en eau trouble, et la réunification du Mali reste difficile

4 Mai 2012 - 13:10
4 Mai 2012 - 18:29
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Au Mali, le nouveau feuilleton de l’armée malienne, l’affrontement entre les Bérets rouges, corps d’élite de la Garde du Président déchu, et les Bérets verts fidèles au Capitaine Sanogo suscite des inquiétudes. Ce contentieux entre des compagnons d’armes date de longtemps, mais il fut exacerbé le 22 mars pour atteindre son paroxysme le 1er  et 2 mai. Lorsqu'il y a 22 ans, Amadou Toumani Touré renversa le pouvoir du Général Moussa Traoré, il était à la tête d'un détachement de commandos parachutistes, notamment ces fameux Bérets rouges qui assuraient la Garde rapprochée de l'ex-locataire de Koulouba. D'ailleurs, ces derniers mois, ATT aurait renforcé sa sécurité avec l'arrivée d’un renfort d'une cinquantaine de ces Bérets rouges qui, visiblement, lui sont  restés fidèles. Ensuite, le 22 mars 2012, lors du coup d'Etat du Capitaine Sanogo, c'est bien le camp de ces Bérets rouges, le 4è  régiment de parachutistes  basé à Djikoroni-Para qui a sauvé ATT d'une mort certaine, puisque c'est le Commandant de ce camp, le Lieutenant-colonel Abidine Guindo, qui a pratiquement porté sur le dos un ATT quasi estropié pour le conduire à bord d'un véhicule Mercedes jusqu'à une caserne située à 6 km du Palais de Koulouba. Autant d'actions qui ont dû faire monter la moutarde au nez  des frères d'armes du camp de Kati, dont les éléments ont décidé, ce 1er  mai, d'arrêter cet ex-Aide de camp d'ATT. La bataille de Bamako oppose donc trois camps qui s'affrontent sur fond de rivalités autour du pouvoir. Il s’agit de Djikoroni-Para, Kati et des forces supposées neutres. Du coup, la sécession du Nord devient secondaire, et la bataille pour la réunification du pays attendra. Pourtant, au vu de la gravité de la situation dans le septentrion, on s'attendait plutôt à ce que tous les Bérets, quelle que soit leur couleur, se coalisent pour aller « dénouer les turbans » des phalangistes et des éléments des Katiba du MNLA, d'Ansar al Dine et du FNLA. Hélas, le goût du pouvoir a pris le dessus sur l'intérêt suprême du pays, et la nature ayant horreur du vide, ces rebelles ne feront que prendre racine. A l'évidence, s'il y a bien des personnes qui sont dans l'amertume, ce sont les deux têtes de l'Exécutif, le Président intérimaire, Dioncounda Traoré, et son Premier ministre, Cheick Modibo Diarra qui, tous deux, nagent aujourd'hui en eau trouble. Le dernier, tout astrophysicien qu'il est et censé détenir des pouvoirs immenses, tarde à résoudre cette équation aux multiples  inconnues. Ce qui n'est pas sans rappeler cette anecdote du margouillat à tête rouge qui prétendait, devant sa femme, qu'il était désormais le chef. Celle-ci lui dit de s'assurer d'abord que les enfants étaient au courant e ce couronnement. « Oui », avait répondu le reptile qui, s'étant aventuré de jour sur un mur, a dû pourtant s'enfuir rapidement sous les coups de lance-pierres de gamins qui voulaient le tuer. Au Mali, le pouvoir est de nos jours au bout du fusil. Visiblement,  au regard de ces zigzags de langage, des combats de ces derniers jours et de l'apathie de l'Exécutif qui reste sur un ton manquant de fermeté, on est enclin à penser qu'il n'y a pas de chef suprême au Mali. Les Maliens peuvent-ils encore faire confiance à l’armée ? A vrai dire, cette guerre fratricide qui a laissé de nombreux morts sur le carreau n’augure rien de bon pour le Mali. Elle vient d’étaler au grand jour les dissensions au sein de cette armée malienne. Et l’on se demande si l’on peut encore compter sur cette armée pour sortir le Mali de la crise. Cette armée qui devrait être le moteur du retour à la normale, à la paix, s’est plutôt métamorphosée en un obstacle à la résolution de la crise. Comment pourra-t-elle, dans un climat aussi délétère, faire face aux rebelles touaregs qui règnent en maîtres absolus sur le Nord du pays ? Avec quels soldats le Capitaine Sanogo, qui ne veut voir un seul soldat étranger sur le sol malien, ira-t-il combattre les éléments du MNLA, d’Ansar Dine et d’AQMI, pour ne citer que ceux-là ? Avec cette situation, l’armée malienne vient de prouver, si besoin en était encore, que son objectif premier n’est pas de combattre les extrémistes qui occupent le Nord, mais d’avoir la mainmise sur le pouvoir. Tout bon démocrate sait que le rôle régalien d’une armée nationale, c’est de défendre l’intégrité du territoire et de protéger les institutions républicaines. Mais quand des éléments d’une même armée, au lieu de jouer ce rôle, en viennent à se tirer dessus comme des canards, il y a lieu de se demander si cette armée est encore digne de confiance. De toute évidence, cette prise de bec entre Bérets rouges et Bérets verts plonge notre pays dans une réelle incertitude. Voilà des hommes qui disent ne pas disposer de moyens conséquents pour combattre les rebelles touaregs qui font la pluie et le beau temps au Nord, mais qui, curieusement, possèdent  des moyens pour s’entretuer. De qui se moque-t-on ? Le Capitaine Sanogo n’a-t-il d’ailleurs pas en partie justifié le putsch qu’il a perpétré contre le régime d’ATT par le manque de moyens ? Il est clair que le flou artistique auquel on assiste actuellement au Mali risque de rendre l’équation de la crise malienne difficile à résoudre. Aujourd’hui, la question-clé que l’on se pose est de savoir : quelle potion magique l’organisation sous-régionale qu’est la CEDEAO trouvera-t-elle pour ramener les deux unités de l’armée malienne à la raison ? Comment faire pour que les colombes de la paix viennent se poser sur les épaules du Capitaine Sanogo et que la sagesse vienne habiter les commandos parachutistes fidèles à ATT ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le dossier malien devient de plus en plus complexe. Un véritable casse-tête pour la CEDEAO qui devrait urgemment trouver une parade, au grand bonheur du peuple malien. Dans tous les cas, la CEDEAO n’a pas droit à l’erreur. Si elle tient à être crédible, elle devra vaille que vaille trouver une issue à cette crise malienne qui commence à s’éterniser. Une certitude : aujourd’hui, le problème de nos armées en général en Afrique relève de nos hommes d’Etat. Les Présidents africains divisent leurs armées, les uns devenant des demi-dieux et les autres des laisser pour-compte. De la manière dont certains d’entre eux sont arrivés au pouvoir, il semble qu’ils n’ont aucun intérêt à ce que leur armée soit soudée. Cependant, il paraît aujourd’hui impossible, pour le Capitaine Sanogo, de mener le combat du Nord-Mali, tout simplement parce que l’armée est divisée et que parmi les militaires de Bamako, il ne manquera pas d’espions pour les touaregs. Gare donc au Capitaine s’il veut se lancer dans ce combat ! Il est même urgent pour lui de nettoyer son armée et se débarrasser des « mauvaises graines », c’est-à-dire ceux qui se croyaient des demi-dieux, les « traîtres » d’ATT. Jean Pierre James

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